Juste un essai pour voir ce que cela donnerait à vous faire "subir"

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12-11-2015 à 08:34:32
Si quelqu'un a des infos sur l'armements des galions de cette époque ?

Par ce que je n'ai rien trouvé de très précis ni en "calibre" ni en porté...
Une fois trouvé 180 m , des "couleuvrines" mais pas beaucoup de détails.

" Seuls les paranoïaques survivent "
12-11-2015 à 08:47:18
aucune idée, par contre j'ai une photo de la replique de la santa Maria prise cet été a Madeire.

12-11-2015 à 09:00:11
C'est bien cela illustre le texte

Bon j'ecris "un peu" des connerie : par exemple je ne vois pas comment le premier pourrait totalement masquer les echos des deux autres sur le radar.
Un plus gros qui serait entre un radar et un plus petit près devant lui oui , mais trois de taille identique un peu espacés ...

Mais bon cela "m'arrangeait " dans l'histoire

" Seuls les paranoïaques survivent "
12-11-2015 à 11:36:13
Par contre pour le "décalage" de la lune et de certains astres là c'est vrai , j'avais pris la peine de demander conseil à un gars d'un observatoire

Comme pour l'écart relevé lors de l'observation du soleil, c'est ce gars de l'observatoire qui avait pris la peine de me calculer cela , en partant du fait suivant : même date ,même lieu mais en 1552.
Et encore il y a eu le changement de calendrier entre le Grégorien et le Julien en 1582, ce dont le gars de l'observatoire avait tenu compte.

" Seuls les paranoïaques survivent "
12-11-2015 à 11:40:34
exact, ca bouge!
de memoire, certaines constructions egyptienne étaient alignées avec des étoiles (constellations) et ne le sont plus de nos jours.
12-11-2015 à 13:30:33
Ben non pour le maquis je vais attendre d'avoir quelques milliers de prècommande !

Non mais là je suis obligé, après avoir pu ouvrir le vieux avec Open Office.
De reprendre un peu la présentation de supprimer les fautes que je remarque (les autres ....), de tout relire car j'avais écrit cela sur des feuilles volantes avec ma "superbe " écriture de gaucher... puis ma femme sur de gros cahiers (ah ben oui c'est pas fini !) puis sur l'ordi en 2006 et à chaque changement de support c'est un peu comme Coluche et ses "boutons pressions, fermetures éclair".
Et comme par ailleurs nous sommes "déjà" en condition de "survie" pour l'énergie ( éoliennes et panneaux solaires) je n'en suis qu'à 40 pages sur les 200 et quelques qui sont au propres , plus celles encore manuscrites ...
Faute d'être le roman de l'été cela risque d'être celui de l'hiver sur "survivalistes France"

Pour ce qui est des "libertés" prisent avec la réalité, par exemple dans ce que je vais mettre dessous , je ne connais pas d'epreuves longues distance ou l'on utilise le .50, mais il fallait justifier la présence d'une telle arme ,mais si vous avez des infos elles seront les bien venues .
Comme les infos sur l'armement des galions , nombre, calibre , portée rien trouvé de bien précis à moins d'aller "déranger" un spécialiste de cette époque...

" Seuls les paranoïaques survivent "
12-11-2015 à 13:44:09
- C’est pas facile, confirme Blaise, si j’ai raison, toute l’informatique que je verrais ce n'est plus que ton PC et ton portable avec une durée de vie limitée…
Enfin, j’ose lâcher la question :
- Pour toi, quelle année ?
- Tu sais, nous ne sommes sur que de deux choses :
- 1°) Nous ne sommes plus en 2003 et 2°) Sur l’encyclopédie, le modèle du galion est daté vers 1540.
Ca dépasse l’absurde. Je devrais hurler de rire ou sauter au plafond mais je suis battu, j’accepte l’absurde, l’impossible. Il a forcément raison.
Claudie me demande :
- Mais qu’est ce qui a pu provoquer cela, comment être dans une époque alors que nous naîtrons dans quatre siècles ?
- Tu sais moi, tout ce que je connais des problèmes d’espace et de temps se résument à une photo en noir et blanc où un vieux monsieur moustachu et ébouriffé tire la langue…
- Nous devrions tenir les armes accessibles, saute du coq à l’âne, Blaise.
Claudie objecte :
- On ne sait pas comment réagira Gaëlle à son réveil ?
- Non, il a raison mais tu sais Blaise, contre un bateau de cette taille…As-tu trouvé des infos sur leur artillerie et la portée.
- Deux pièces d’un calibre de -------- à l’arrière et plusieurs d’un petit calibre « couleuvrine » sur les côtés. Pour la portée, pour l’instant, j’ai trouvé 180 mètres et une réponse digne d’un humoriste : « longue portée, c’est quoi longue portée vers 1540 ? »
- En clair, on n’a pas l’avantage sauf si Pat… commente Claudie.
- Nous n’avons pas intérêt à nous approcher, interrompai-je.
- Nous devrions lister les problèmes en partant de l’hypothèse suivante : nous sommes vers le milieu du 16eme siècle à 1000 milles de l’arrivée…
Je coupe Blaise :
- Tu sais le milieu de l’Atlantique, pour nous c’est sans doute l’endroit le plus sur, dans le doute…
Silence, chacun retourne à ses pensées. J’éteins les feux de route allumés par habitude une heure plus tôt m’assois à la barre et arrête le pilote. Le petit sifflement familier de la pompe hydraulique disparaît. Tout en barrant, je songe : « entre les feux, le pilote et sa pompe, c’est plus de 20 ampères par heure d’économisé, soit vingt minutes de moteur d’épargné pour chaque heure de barre… » Et pourtant barrer, je n’aime pas.
Laissant la barre à Blaise, je sorts sur le pont avec Claudie et nous commençons à jouer des écoutes à la recherche d’un équilibre qui pourrait nous épargner de longues et fastidieuses heures de barre. Barrer un fifty de 42 tonnes, ça n’a rien de très palpitant. Mais grand largue, l’équilibre est une alchimie dure à trouver. Finalement, en hissant la trinquette auto vireuse un peu trop bordée et remontant la dérive de deux crans, c’est presque ça.
- Tu ne touches plus à la barre, Blaise, demandai-je.
Ca semble aller Non ; imperceptiblement, Grotesque lofe.
Reprendre un cran à la dérive. Ca y est, Grotesque oscille entre la pression sur la grand voile et celle de la trinquette mais l’ampleur est acceptable.
Nous nous relayons toute la nuit, somnolant tour à tour, qui dans le carré, qui dans la timonerie.

Le 15 mars 2003.
- Patrick, petit déj, me réveille Muriel.
- Aie aie aie…
Assis dans la timonerie, la tête dans mes bras croisés sur la table, je me déplie, grimaçant, moulu de courbatures, les brefs mais violents efforts pour hisser Gaëlle ont laissé des traces.
Au fait, et Gaëlle ?
- Réveillée ? Interrogeai-je.
- Commence à bouger, me répond Claudie de la barre.
- Léo, laisses la, sermonne Blaise, à mi voix.
Trop tard, sur les coups de museau humides et odorants, Gaëlle s’éveille.
Nous échangeons des regards gênés. Qui se dévoue ?
Bravement avec Blaise, je me penche…vers l’Ordi !
Muriel, devant notre courageuse attitude, descend dans le carré, se dirige vers Gaëlle et commence :
- Ça… lut Gaëlle.
- C’était juste, marmonne Blaise en me regardant.
Muriel est comme ça, gentille mais capable de lancer un retentissant « ça va » à quelqu’un qui, la veille a vu son ami coupé en deux avant d’être dévoré sous ses yeux par des requins, le tout arrosé d’une canonnade.
Hypocritement, tout sourire, je propose à Claudie de la remplacer à la barre.
- Non, non, ça va bien, me répond-elle.
- Je préfère te remplacer, je vais jeter un œil au radar, insistai-je.
Heureusement, Léo joue à la perfection son rôle de grosse fourrure consolatrice, la tête entre les bras de Gaëlle qui pleure doucement appuyée contre lui.
Muriel se sentant responsable de ces larmes, implore du regard qu’on lui vienne en aide ; Claudie la rejoint.
Et c’est héroïquement, cramponnés à la barre pour moi, à l’Ordi pour Blaise que nous passons l’heure suivante cramponné chacun à son instrument.
Précédé de Léo qui part faire son tour de pont matinal, le trio nous rejoint.
Gaëlle, dans un tee-shirt d’Armel, tente un sourire grimaçant.
Après ce petit déjeuner bénéfique pour tout le monde, surtout pour Gaëlle qui n’a pas mangé depuis 24 heures, on s’échange des banalités ; il faut bien en venir aux problèmes à résoudre.
Qui va commencer ? Des yeux, nous nous repassons la patate chaude, mon cap en souffre. J’active le pilote, retourne le siège de barre et interroge de but en blanc :
- Gaëlle, tu es solide ?
Après une crispation des mâchoires, les yeux plus brillants, la gorge nouée, elle me confirme d’un hochement de tête.
J’hésite à me lancer. Comment lui annoncer qu’après avoir perdu Armel, elle a probablement perdu toute sa famille, tous ses amis… tout là bas à 450 ans.
Comme à leur tour, mes équipiers font preuve de courage, je suis bien obligé de sauter le pas.
- Gaëlle, même si ce que je vais t’annoncer te paraît fou, cela à de grandes chances d’être vrai.
- Abrège, me souffle Blaise.
- Bon, nous ne sommes plus en 2003.
Si j’espérais voir une réaction, j’en suis pour mes frais.
- Ça ne te choque pas ? L’interroge Blaise.
En le regardant droit dans les yeux, elle lâche :
- Avec Armel, j’aurais été n’importe où, sans lui, je peux être n’importe quand, je m’en fous !
Paradoxalement, je suis rassuré par ce désespoir.
- Donc pour toi, nous sommes au 16ème siècle, demande Muriel à son mari.
- Bien, les galions sont typiques de cette époque, commence t-il,
- On peut être n’importe quand : plus deux cents ans, moins cinq cents, moins cinq mille, assure Gaëlle.
- Non pas moins cinq mille ans, il y a les galions, proteste Blaise.
- Ça ne prouve rien, si nous ne sommes plus dans notre siècle qu’est ce qui prouve que eux soient dans le leur, assène Gaëlle.
Imparable, logique ; au moins son chagrin ne lui a pas engourdi le cerveau.
Un ange passe, suivi de nombreux autres. J’interviens :
- Nous avons déjà eu cette discussion pendant que tu dormais et comme l’a conclu Claudie, la seule chose qui compte c’est qu’est ce que l’on va faire.
- La date n’est qu’une question subsidiaire, certes, mais intéressante à savoir. Par exemple, si on arrivant en Martinique, nous trouverons des espagnols, des Caraïbes, des Arawaks ou rien du tout, développe Claudie. - Rien du tout, on nous l’a déjà fait dans « Water World », tentai-je de plaisanter.
- Pour rien du tout, j’entends 't’as de la chance' : personne.
- Où les voiliers du 22ème siècle au mouillage, tente Muriel.
- Ça je doute fort, la contredit son mari, vas-y Patrick, m’encourage t-il.
- Cette nuit, avec Blaise, nous avons recoupé et regroupé nos constatations, celles qui plaident en faveur d’un moins « plusieurs siècles », sont, et j’énumère :
Plus de BLU, plus de signal GPS, plus de pollution déposée par la pluie, nombreux poissons (réaction de Léo), volants, multitude de dauphins, eau de mer brusquement plus froide et plus un seul satellite visible dans le ciel, même s’il y avait eu une conflagration générale, il serait toujours la haut.
- Sauf, si c’est très longtemps après, insiste Gaëlle.
- Mais les galions, tente à nouveau Blaise.
- Il faudrait trouver une solution en observant les astres, concluai-je.
- Revenons au concret, insiste Claudie, par chance, nous partions pour une expédition difficile avec un bateau très équipé ; mais maintenant, il faut durer.
- Elle a raison, approuve Blaise en contemplant pensivement son paquet de chicots.
- Le gazole, les voiles, les ampoules, l’huile, il va falloir économiser et chercher des solutions de remplacement.
- Et la nourriture ? Ajoute Muriel sans doute inquiète pour l’avenir de ses formes généreuses.
- Au moins dix huit mois exclusivement sur les stocks, mais Gaëlle tu vas te charger d’améliorer notre ordinaire.
- Bien sur, répond elle apparemment rassérénée à l’idée de contribuer activement à notre avenir.
- Nous allons lister les problèmes qui nous viennent à l’esprit, les classer par ordre décroissant d’urgence et ensuite envisager les solutions possibles à l’aide des livres, de nos expériences, en partant de l’hypothèse de Blaise : milieu 16ème Siècle.
- L’encyclopédie de l’Ordi, continue Blaise.
- Toute info trouvée dans ton encyclopédie doit être copiée immédiatement au cas où, soumet Claudie prudente.
Blaise se renfrogne à l’idée de se retrouver devant un ordinateur HS.
- Traiter cas par cas sinon on risque de partir dans tous les sens, conclut Claudie.
- De toute façon, certains problèmes n’auront pas de solutions, une ampoule a une durée de vie de combien ? 1000, 2000 heures ? Une fois claquée, c’est foutu … se désespère Muriel.
- Tu sais chérie, on peut faire beaucoup de choses dans le noir, lui répond Blaise, égrillard.
- Dorénavant, un seul plafonnier allumé à la fois, enchaînai-je avant que la blague de Blaise n’ait un effet néfaste sur Gaëlle.
Comprenant sa bévue, Blaise lance :
- Et les armes ?
- Oui, suis moi.
Blaise m’accompagne dans la cabine arrière ; je déverrouille l’armoire forte, vérifie une des 7x64 et lui tends, me charge de deux mallettes. Au moment où je referme la porte, Blaise me demande :
- Et ça, en montrant une boîte où il est écrit : Barrett.
- Rien d’intéressant.

Pour ce « rien d’intéressant », huit ans plus tôt, j’avais cassé ma tirelire ; jeune, je pensais être un bon tireur. Après une fréquentation assidue de clubs de tir, j’avais revu mon jugement à la baisse en me gratifiant du qualificatif de moyen. Mais ce tireur moyen avait encore un ego hyper développé. Et on allait voir ce que l’on allait voir, le tir à très longue distance allait se souvenir de mon nom. Sur de ce fait, j’achetais une Barrett .50 et l’optique qui allait avec ; après un entraînement studieux, m’estimant au top, je m’alignais dans une épreuve. Avec ce type d’arme lourde (11 kg), le tir se fait en appui vers des cibles distantes de mille mètres ou mille yards. Le but du jeu était de réaliser le groupement le plus minuscule possible. Le mien fut le plus ridicule possible ; pour couronner le tout, sans doute dans ma maladresse, je pris une claque de ma très chère crosse. La détonation qui fit le plus de bruit ce jour la et qui résonne encore à mes oreilles, ne provenait pas des énormes cartouches.50, mais bien de l’éclatement de mon ego lorsqu’il me fallut passer, tuméfié, devant les autres compétiteurs, sous leur regards moqueurs ou des : « ouille ! Ca, ça fait mal ».
Depuis sept ans trois mois et deux jours, la Barrett est dans sa boîte avec son stock de cartouches. Ne pouvant me résoudre à m’en séparer, j’ai néanmoins régulièrement renouvelé la fameuse autorisation. Je soupçonne Claudie d’huiler régulièrement le cher objet.

" Seuls les paranoïaques survivent "
13-11-2015 à 14:04:46
De retour dans le carré, Blaise tend la 7 x 64 à Claudie, à qui j’ai demandé d’en expliquer le fonctionnement.
- J’ai peur des armes, se défend Muriel.
- Ce n’est pas l’arme qui est dangereuse mais celui qui la tient, récitai-je.
En m’éloignant vers la timonerie, je reporte notre avance. Encore six jours et demi pour la Martinique. Je rallume le radar, mais déjà tout a l’heure il n’y avait plus d’échos. Aucune raison qu’ils nous rattrapent ; effectivement : rien.
J’ouvre la première mallette marquée FEINWERKBAU, celle du pistolet de compétions de Claudie AW93 ; avec cette arme à 25 mètres, elle tient des scores remarquables. Puis je m’occupe de l’autre mallette siglée HK et sorts le modèle USP Expert en 9 mm.

Curieuse impression de sortir les armes de leur contexte, leur place c’est face à des cibles en carton ; maintenant, si nous nous en servons, ce sera sur des cibles de chair et de sang.
Après vérification, je ramène les deux pistolets à Claudie pour qu’elle poursuive ses explications.
Sur le pont, je regarde pensivement mon bateau que (si Dieu nous prête vie), je vais voir se déliter au fil des années, les drisses et les écoutes s’useront malgré tous nos soins, les voiles dureront peut être 12 à 15 ans si on leur prodigue une attention extrême et… j’arrête de réfléchir, je me suis fais peur.
Plus tard, alors que je m’escrime à démonter le peu qu’il reste de l’éolienne bâbord, Blaise me fait sursauter par un :
- Ben mon vieux, tu es équipé.
Comprenant qu’il parle de mes armes et non pas de mon anatomie, je réplique :
- Armel aurait sans doute dit que j’avais besoin de symbole phallique fort.
Voyant Gaëlle dans le carré, je bifurque.
- Peut être devrions nous dégonfler Zozo et le ranger à l’abri des UV
- Ya Ka le recouvrir ou le hisser à l’ombre du taud au cas où nous en aurions besoin rapidement.
- Je ne compte pas aller à la pêche à la sirène tous les jours mais tu as raison.
Après avoir abrité notre ,dorénavant, irremplaçable Zozo, je soumets le fruit de mes réflexions à Blaise :
- J’ai décidé de viser la Martinique et non plus la Guadeloupe…
- Qu’est ce que ça peut changer maintenant, répond Blaise fataliste.
- A cette époque, pour traverser, ils descendent jusqu'à la latitude de leur destination puis plein ouest jusqu'à l’arrivée. Comme ils étaient pile poil sur notre route au même cap, j’en déduis qu’ils se rendent en Guadeloupe ou pour le moins que c’est leur point d’atterrissage et …
- Compris, vaut mieux pas tenter le diable, d’accord pour la Martinique, conclut Blaise.

Fin de la journée du 16 mars 2003 : équilibre du bateau sans pilote. (à voir)


Chapitre 04
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Le 21 mars 2003 ???

Les six derniers jours se sont écoulés tranquillement, si ce n’est pas paisiblement. Dès le premier soir, Gaëlle a insisté pour reprendre sa place parmi les quarts réorganisés.
Le 16 au matin, elle réveille Blaise par un :
- Deux bonites comme demandé par monsieur.
Grâce à la pêche abondante, les conserves sont en partie épargnées, mais tout ce qui est riz, pâtes, sucre, épicerie…
Tous les jours, de midi à 20 heures, nous sommes réunis, classons nos problèmes et cherchons les solutions.
L’après midi du 16, le problème abordé est : les rencontres.
- Rencontrer des galions à nouveau, très peu pour moi, commence Muriel.
- Il faudrait pouvoir entrer en contact, songe Blaise à haute voix.
- Comment faire ? Je ne vois qu’une solution et … et avons-nous le droit d’entrer en contact ? En le faisant, n’allons nous pas perturber le futur, changer l’écoulement normal des choses, interrogeai-je
- On n’a rien demandé à personne, nous sommes là et il faut s’en sortir, assène Claudie.
- On a cas en couler un et interroger un survivant, poursuit Gaëlle qui a un compte à régler.
- Couler avec quoi ? Et réfléchis, tueras tu ton aïeul ? Qu’adviendra t-il de toi ? Comment communiquer, aucun de nous ne parle couramment l’espagnol du 20ème siècle, alors celui du, de … de cette époque, lâchai-je.
- Sans parler de nos vêtements, de l’aspect du bateau, les panneaux solaires, les mâts en alu, les voiles, ils nous prendraient sûrement pour des sorciers. Ou peut-être à cette époque X, nous sommes en guerre avec l’Espagne ; et même, même si nous parvenions en rentrer en contact avant qu’ils ne nous aient tiré dessus, imagines leur réaction devant nos lumières qui éclairent sans brûler, les livres, les photos, le matériau de la coque. Non, non ce n’est pas possible, décrète Blaise.
- Si nous disions venir d’une contrée lointaine, ce qui est vrai dans un sens pour expliquer ces différences, émet Gaëlle.
- En faisant cela, il y a deux risques : 1° Nous intervenons dans le processus du développement de leurs connaissances avec le risque déjà envisagé ;
2° Vu le sort qu’ils réservent aux indiens pour leur or, je crains qu’ils nous passent au fil de l’épée pour s’approprier Grotesque et ses « trésors », énumérai-je.
- Alors, contactons les indiens, le chef Aztèque Moctezuma a accueilli les espagnols ; il les a pris pour les messagers des dieux, commente Muriel en soulignant le passage d’un livre qu’elle parcourt.
- Mais tu es déjà ma déesse, ironise Blaise.
- Oui, les indiens il faut les faire se battre contre les espagnols qu’ils sachent ce qui les attend …
J’interromps Claudie :
- Non, il ne faut pas changer les choses, si…
- Quoi ? S’insurge Gaëlle et si tu pouvais faire tuer Hitler enfant, tu ne le ferais rien ?
- Rien du tout et si en tuant Hitler, c’était pire ; deux grandes puissances face à face, pas affaiblies par une guerre, toutes deux avec le feu nucléaire…? Je ne prendrais pas le risque.
- Le feu nucléaire, laisse le où il est et revenons à nos problèmes, intervient Blaise.
Et Muriel de résumer :
- Il faudrait trouver un peuple non belliqueux (dur), que notre aspect, le bateau ne choquent et dont ça ne perturbe pas le futur. (Dur, dur).
- La nouvelle Cythère ? Interroge Gaëlle.
La conclusion fut : pour l’instant, se tenir à l’écart de tous, sauf opportunités mais ne faisant prendre aucun risque.

Après midi du 17 Mars ???? ( A voir)
Faisant suite à la conversation d’hier, le problème d’aujourd’hui est : où aller s’établir ?
Tous les six en comptant Léo, serrés autour de la table de timonerie, cinq têtes penchées sur la planisphère, la sixième dessus, nous cherchons. Caressant la tête de Léo, Gaëlle enchaîne tristement :
- Je vous l’ai déjà dit, pour moi n’importe où…
Lui tapotant la main, Muriel confirme :
- pour moi aussi, cela n’a pas grande importance… dorénavant.
- L’Europe ? Cela signifierait perdre Grotesque ; se trouver sans rien au 16ème siècle (si l’on garde mon hypothèse) c’est suicidaire, décrète Blaise.
Une à une, nous éliminons les îles de l’arc antillais, toutes déjà habitées et visitées par les espagnols, l’Amérique centrale où le sacrifice humain est un sport national,même à Moctezuma…
- Madère ? Soumet Claudie.
- Déjà brûlée, lui répond Blaise.
- Bon ! Pour raison de carburant, de chauffage, éliminons ce qui est trop nord ou trop sud. Que reste t-il ? Questionnai-je.
- Pas grand chose : Ascension, Tristan da Cuntha, Fernando de Noranda, Sainte Hélène, Bermudes, toutes découvertes mais inhabitées, énumère Blaise.
- D’autant plus qu’on peut éliminer Sainte Hélène et Tristan Da Cuntha : pas de mouillages digne de ce nom, ajoutai-je.
- Les Bermudes, c’est intéressant, vents et courants avec nous ; pourrait s’y rendre facilement à partir d’ici, enchaîne ? Claudie.
- Les Bermudes ! S’inquiète Muriel.
- Le choix serait plus large si l’hypothèse détaillée s’avérerait exacte : moins 500, moins 5000, et pourquoi pas moins 50 000 ans, lachai-je.
- Et le Pacifique ? S’informe Gaëlle qui semble tenir à Tahiti.
Blaise de tapoter le clavier ; (Il est plus tendre avec le matériel depuis qu’il est certain d’être au moins 450 ans dans son passé) et de nous énumérer :
- Galápagos, Clipperton, Atoll corallien, Des Desventuras et clin d’œil du destin, archipels Juan Fernandez dont l’île Mas à Tierra (Robinson Crusoe) où, pour des naufragés du temps se serait pas mal non ?
- Oui, mais le Pacifique c’est loin ; si l’on veut rester à l’écart, pour moi l’option intéressante ce sont les Bermudes, on va creuser par là. Sinon, bien sur, en prenant plus de risques, cela pourrait être, par exemple, remontée du Missipi et établissement quelque part en amont.
Blaise m’interrompt par un :
- Tu as raison, c’est plus risqué et nous ne sommes plus…
- Que cinq, achève Gaëlle en éclatant en sanglot.
Les anges repassent …

Après midi du 18 mars????

Malgré sa faiblesse d’hier, ce matin Gaëlle a continué de grimper dans l’estime de Léo en lui découpant un beau filet de thon qu’il déguste comme un bon vin. C’est vrai que part à rapport à lui, le thon est peut être vieux de 450 ans !
Cette nuit, la polaire nous a confirmé (sauf nouvelle aberration) notre latitude 15°50’, nous allons garder ce chiffre jusqu'à être en vue de la Martinique, si il y a une Martinique ; nous naviguons sur un tapis roulant liquide, liquide et que, par sécurité, j'aimerais sans fin.
Stop ! Ne pas laisser son cerveau s’emballer, respirer ; c’est déjà assez dur quand la nuit venue les angoisses les plus folles nous serrent le cœur et nous essorent le cortex de toutes les idées cohérentes, nous laissant vidés et apeurés.
Remettre son masque, reprendre sa place, jouer son rôle. Muriel, ayant insisté cet après midi, troisième sujet d’inquiétude : nourriture, bien que pour moi ce ne soit pas une urgence ; Claudie a donc estimé nos besoins journaliers et rassure :
- Pour faire simple, nous sommes partis avec des vivres pour trente mois à trois quatre mille calories par jour, un ami journaliste canadien devait tenter le passage avec nous. La première semaine depuis Gran Canaria, nous avons consommé des produits frais, la deuxième équivaut à dix jours en moins sur le stock ; ce qui reste représente trois mille calories par jour pour chacun de nous pendant environ vingt quatre mois.
Elle conclut par un :
- Rassurée Muriel ? Qui nous fait sourire.

" Seuls les paranoïaques survivent "
13-11-2015 à 17:13:20
Muriel n’est pas grosse, loin de là ; avec son 1,64 mètre et ses 63 kilos, elle est juste…confortable comme aime à dire Blaise ajoutant parfois : « bizarre, ma moitié est égale à mon tout ».
Je précise néanmoins :
- Claudie veut dire nous avons suffisamment de calories ; pas de panique mais par exemple, les 'pisse mémés' au bout de dix sept mois ne seront plus que des eaux chaudes sans sucre et sans infusion…
Blaise m’interrompt :
- Bon, un sachet pour deux tasses et ½ sucre, ça veut dire 34 mois.
- Tu as compris, enchaîne Claudie, pour les calories, pas de problèmes sans parler des pêches de plus en plus miraculeuses de Gaëlle, mais les douceurs, les épices, le sucre, bien là il faut économiser.
- C’est frustrant, constata Muriel, plus de café, plus de chocolat alors que les forêts tropicales abritent des graines et des fèves, maintenant hors de portée. Plus de Cannelle, de vanille, oh de sucre, les bonbons anglais, le zan…
Et pour finir en bonne normande :
- Le beurre, le camembert…
- Arrête de saliver, l’interrompt Blaise, on dirait Léo.
- Elle n’a pas tort, constate Gaëlle ; toutes ces choses dont nous savons qu’elles existent que nous pourrions fabriquer si nous pouvions acheter la matière première.
- Voilà, nous essaierons d’acheter, enchaîne Muriel, du sucre, du miel, des …
- Avec quoi ? La douchai-je, tu te vois dans quelques comptoirs tendant une superbe coupure redevenue papier ; la plus belle de tes cartes de crédit n’a plus que le nom de Gold.
- La seule chose qui a encore de la valeur, ce sont les bijoux que nous avons, remarque Claudie.
Puis me regardant, de conclure :
- Tu aurais du m’en acheter bien plus !
- Un obstacle de plus à notre rapprochement de la civilisation de l’époque, les espèces sonnantes et trébuchantes sans lesquelles nous ne sommes plus grand-chose quelque soit l’époque.
La remarque de Blaise me rappelle le raisonnement que je me suis tenu à moi-même lors de mon quart et je le rassure :
- Ce problème peut-être résolu dès que nous connaîtrons la date.
- Tu as le secret de la pierre philosophale, ironise Gaëlle alors que je descends au carré. Je prends un gros livre dans la bibliothèque ; de retour, je réponds :
- Non, mais j’ai ça, en posant le volume où l’on peut lire « Trésors engloutis et retrouvés de l’antiquité à nos jours ».
Et à partir de ce moment, la discussion s’avère impossible ; plus d’interlocuteurs, que des yeux brillants comme ceux des gosses (ou de Muriel) devant une pâtisserie. Des :
- Oh ! Celui là,
suivi de :
- Deux tonnes, tu te rends compte !
- Combien dans les Antilles ?
A les voir dévorer les pages, surtout les images avec des regards ébahis et émerveilles, j’ai même cru voir sourire Gaëlle, je suis heureux de ma manœuvre de diversion ; pas eu besoin de tirer les conclusions de notre échange « économiser », ce qui aurait été néfaste au moral de tous surtout à celui de Muriel.
Seul, un regard appuyé de Claudie me fait comprendre qu’elle n’est pas dupe. Je sorts quand même le cœur plus léger sur le pont suivi de Léo que toute excitation empêche de dormir (de méditer aurait dit Claudie).

Après midi le 19 Mars ????

La nuit a glissé doucement, calme, un temps de demoiselles avec ce vent stable en force et en direction. Quasiment pas une manœuvre depuis que nous avons équilibré Grotesque. Pourquoi ne pas s’en être donné la peine plus tôt ? Le mot « peine » sans doute, c’était bien plus facile, après un réglage approximatif, d’appuyer sur le bouton marqué « Auto ».
Malgré mon absence de conclusion d’hier, je constate à les voir déjeuner l’un après l’autre, au fur et à mesure de leur éveil, que le message est passé. La couche du précieux beurre en conserve est nettement plus fine, les tartines’ beurres et confiture’ sont devenues beurre ou confiture, un ½ sucre dans un pisse mémé, chauffé en une seule fois et mis en thermos par Gaëlle à la fin de son quart afin d'épargner le gaz.
- C’est pour quand ? Interroge Blaise me ramenant à un autre problème.
- Demain matin, si le vent se maintient, vers 10 heures.
- Par le Sud ?
- Pour l’instant, nous faisons cap sur la plage de … ?…., enfin sur la pointe de la Caravelle.
- Décidément, ronchonne Blaise.
- Mais on abattra pour passer au sud et puis on verra. Viens, enchaînai-je, allons voir où en est le trio plutôt le quatuor parce que « poisson » voulait dire aussi Léo.
Muriel, par crainte de manquer et Gaëlle frustrée de devoir remonter ses lignes après le premier ou deuxième poisson, ont décidé de tenter le séchage.
Les quatre petites bonites pêchées sont en train d’être débitées en filet par Gaëlle et Claudie alors que Muriel les pend sur le portique des éoliennes, enfin de l’éolienne.
- On a hésité, commente Claudie, à l’ombre, au soleil ? avec du sel ou sans sel ?
- Si tu veux du sel, il y a qu’à demander, propose Blaise en désignant le bleu qui nous entoure.
Prudente, Muriel concède la moitié avec du sel. Et nous voilà, versant de l’eau sur le roof où elle est prisonnière, écoulements bouchés. Régulièrement, pendant l’après midi, nous avons remis de l’eau au fur et à mesure de son évaporation pour finalement au soir récolter une petite poignée de sel.
- Faudra améliorer la technique, confirme Blaise en regardant au creux de sa main le résultat de nos efforts.
J’acquiesce
-Les morues n’ont rien à craindre de nous.
-Faut voir, glisse Blaise gaulois
-Peut être devrions nous réaliser un 'séchoir solaire' , je dois en avoir un croquis de principe quelque part.
Le «quelque part» s'avère être la bibliothèque du carré .En ramenant ce vieux livre dont le titre est tout un programme: «Sailing Farm , A survival guide to homesteading on the oceans» Blaise ne peut que remarquer:
-Tout à fait indiqué!
Avant de se plonger dans les croquis d'un «séchoir solaire» et d'un «distillateur solaire» , faute d'avenir dans l’électronique il semble se passionné pour se projet .
-Tu te rends compte avec ces deux trucs l'on pourrait avoir 3 ou 4 litres d'eau distillée par jour et 100 gr de sel dans l'un pour saler ce qui sécherait dans l'autre ! Et il replonge dans sa lecture.

A la fin du dîner, Claudie, passionnée par l’or, relance la discussion sur ces flottes englouties en demandant :
- Croyez vous qu’il soit possible d’en remonter un ?
Pas besoin de préciser un quoi.
- Absolument, répond Blaise. J’ai lu le livre, questionné l’Ordi à la date où je pense que nous sommes ; de nombreux navires ont déjà coulé et ont été ou plutôt seront retrouvés au fil des siècles.
Une journée normale, normale comme si rien d’inexplicable n’était arrivé.
- Les coordonnées géographiques sont portées pour chacun d’eux et pour certains dans quelques mètres d’eau, enchaînai-je.
- La Nostra Seniora de Maravilla retrouvée en 1987, contenait pour sept milliards de francs, s’enflamme Gaëlle.
Rien de tel que des mots or et trésors pour détourner, même en partie les gens de leur problème. De nombreuses loteries n’ont-elles pas été crées dans le double but de ramener des fonds à l’Etat et de détourner l’attention du peuple de sa condition ? Songeai-je cynique.
Je remercie du regard Claudie pour ce renvoi d’ascenseur, deux soirées où mes compagnons penseront peut être à autre chose qu’aux dramatiques événements de cette semaine.

Le 20 Mars ????

5 Heures du matin. Je rejoins Blaise et Gaëlle de quart ; Blaise que je ne dois remplacer qu’à 6 heures, me lance :
- Tombé de ta couchette ?
Sachant très bien que ce qui motive ce lever matinal se cache encore dans l’obscurité là bas à normalement environ 35 milles.
- J’aurais aimé être plus près avant le lever du jour ; avoir par la présence au nom du phare vers lequel nous nous dirigeons, confirmation de ta théorie, lui répliquai-je.
- Y a pas de phare…
- Ou il n’y en a plus, le coupe Gaëlle.
L’aurore chasse lentement la nuit, lentement pour nous qui sommes terriblement pressés. Mais sous les tropiques, le jour chasse rapidement l’obscurité. Il ne faut pas longtemps pour avoir confirmation, la Martinique qui est bien là, devant nous sous les petits nuages typiques, les sommets de la partie Nord à près de 1400 mètres, déjà très hauts au dessus de l’horizon. Même le radar en limite de portée, commence à l’indiquer.
- Tu ne reçois rien, demandai-je à Blaise qui, pris d’un doute, balaie les ondes.
- Rien, rien du tout…
- Même pas le radio phare, tentai je.
- Rien.
- Au moins elle est là, rassure Gaëlle en désignant d’un coup de menton la Martinique.
En saisissant le combiné de la VHF d’une main tremblante, j’appuie sur SCAN et nous regardons tous les trois défiler les canaux, comme défilerait un compte à rebours devant sceller notre sort.
Nos trois paires d’yeux tendues vers le défilement dans une supplique muette :
- Arrête toi, accroche quelque chose, même un « Bébert, tu viens prendre le ptit déj »? n’importe quoi du 21e siècle.
Puis le Scan finit son tour des canaux et repart pour une deuxième exploration que nous savons inutile.
J’infléchis légèrement la route sur bâbord, vers la pointe sud plus basse qui se profile au dessus de l’horizon.
A 10 heures 30, tous réunis, nous passons la partie Sud ……., ; rien, pas une construction, aucun phare sur l’îlet Cabri !
La tension est palpable ; bien sur, nous avons envisagé cette possibilité délirante, discuté de ses conséquences, mais peut être comme un jeu, un exercice de style avec tout au fond de nous le secret espoir que cela ne pouvait être pour de vrai, comme de grands enfants cherchant à se faire peur ; même Blaise devait avoir gardé un espoir car il lâche un :
- Va falloir que je me passe de chicots ! Révélateur.
Longeant au mieux la côte, nous regardons défiler ces endroits qui dans…dans combien de temps ? Deviendront Ste Anne, le Marin où nous hésitons à nous arrêter, l’entrée étroite peut devenir un piège si par malheur un galion…Le rocher du Diamant, les anses d’Arlets au sud du cap, finalement nous décidons de nous arrêter dans l’anse plus large d’accès ou de fuite.
Cette arrivée, que nous imaginions joyeuse en Guadeloupe se fait silencieuse et inquiétante en Martinique.
Grotesque, génois roulé, ralentit en serrant le vent ; trinquette affalée, bout au vent Grotesque s’arrête.
- Mouille !
- Claudie desserre le frein et les 90 kilos de la Britany plongent dans les neufs mètres d’eau extrêmement claire ou semble flotter Grotesque. Devant le bruit de la chaîne, Claudie commente :
- Pour être discret, c’est discret.
- Ça y est, nous sommes arrivés, souffle Muriel
- Pas une bouteille, pas une canette, de sacs plastique, remarque Blaise, alors que Grotesque fait tête sur son mouillage.
- Bon, et maintenant ? Interroge Claudie.
Oui et maintenant, maintenant nous sommes au pied du mur.
- Blaise, qu’as-tu appris sur la Martinique, questionnai-je, laissant mon regard suivre la plage ?
- Eh bien, habitée par des indiens Arawaks, puis chassés par d’autres indiens des Caraïbes ; découverte en 1502 par Colomb…
- Donc si ton galion…
- Mon galion, mon galion…j’y suis pour rien, grommelle Blaise.
- Si ton galion, poursuit Claudie est de 1540, cette île est connue des espagnols depuis 38 ans.
- C’est pas dangereux ça, s’inquiète Muriel.
- Pourquoi toujours envisager le passé, pourquoi Blaise aurait-il forcément raison ? Questionne Gaëlle.
Pas de réponse à lui donner et pourtant là devant moi quelque chose cloche. Devant mon silence, tous portent leur regard vers la plage et tout ce vert bien venu après une traversée. Même Léo semble intéressé par toute cette exubérance, ces bruits, chants d’oiseaux bruissements de l’alizée dans les… Bon dieu, c’est ça ! Prenant les jumelles, j’en cherche un, au moins. Pas un seul ! Pas un seul cocotier sur une plage antillaise. Je lâche :
- Blaise a raison, nous sommes au moins en 3 siècles avant le notre, les cocotiers
- Quoi les cocotiers ? S’emporte Gaëlle.
- Ne sont pas encore arrivés! Dans la région le premier a été introduit en 1625 ….
- Bien, depuis ce matin nous avons progressé : 1° la Martinique est toujours là, 2° ce n’est pas celle de notre époque, 3° Nous sommes environ 378 ans. avant 2003, positive Claudie
et elle achève en descendant au carré par un :
- Moi ça me donne faim.
Pendant le repas, à tour de rôle, l’un de nous observe le croissant de plage qui nous fait face. Même à la longue vue, pas un signe de présence humaine, de traces de pas sur le sable pas de Vendredi, de fumée dans le ciel, de troncs coupés. Juste la nature intacte. Après le repas, malgré la tentation, nous décidons d’attendre le lendemain pour nous rendre à terre.
Donc, durant tout l’après midi, méthodiquement, avec application, nous nous entraînons à ne rien faire. A ce jeu, je suis imbattable.

" Seuls les paranoïaques survivent "
14-11-2015 à 12:11:46
Allez puisque la mort continue , quelques page d'un bon vieux temps ou la riposte pouvait être totale :

"Une bonne grande nuit de sommeil pour tout le monde, enfin presque, Muriel étant restée de garde de 9 heures jusqu’à ce que Gaëlle vienne la remplacer vers 1 heure du matin.
Lorsque mes yeux bouffis de mes huit heures non stop, je viens la remplacer, je la trouve adossée à la façade de la timonerie, regardant en direction de la plage ; elle me dit :
- Armel aurait aimé voir ça, un monde pas encore souillé et un challenge à relever.
Devant son regard qui s’embue, je reste là comme un gros colon, comme le chante Linda, enfin le chantera Linda. Ne sachant que dire, heureusement Léo apparaît et, truffe au raz du pont, commence son exploration matinale. Après le tour complet du pont, il revient vers nous, déçu, le regard interrogateur :
- Pas eu de livraison ce matin ?
- Et non mon vieux, maintenant tu ne peux compter que sur Gaëlle.
La buée n’a pas résisté longtemps à l’arrivée du nounours de service ; encore une fois, merci Léo.
Claudie qui nous rejoint conseille :
- Gaëlle, vas te reposer.
- Non, je suis bien là avec Léo et vous.
- Merci de nous placer juste après Léo, souligne Claudie.
Lorsque Blaise monte sur le pont, il nous trouve tous les quatre assis face au soleil, fascinés par le spectacle de la nature dans le jour naissant. Il s’empresse de nous ramener sur terre par :
- Vous entendez ce bruit abominable ? C’est mon estomac qui réclame la part qui lui est due de cette nature admirable.
Blaise, Muriel et Gaëlle sont les premiers à descendre à terre.
- Vous restez en vue du bateau je veux vous voir en permanence, insistai-je auprès de Blaise en lui confiant HK, le pistolet.
- Fais moi confiance, on ne va pas aller loin, me rassure Muriel.
Du pont, les armes à portée de main, nous les regardons s’éloigner à l’aviron, économie oblige. Arrivés sur la plage, ils se comportent comme des enfants. Pour Gaëlle et ses 23 ans c’est compréhensible mais Blaise et Muriel qui ont passé la quarantaine et qui sont d’habitude plus réservés, c’est plus surprenant. Sans doute le besoin de décompresser.
A les entendre, Léo donne de la voix. Il faut savoir que lui aussi aurait aimé se dégourdir les pattes.
¾ d’heure plus tard, ils sont de retour, ramenant dans le tee shirt noué de Muriel de curieux petits fruits que Blaise s’empresse d’aller identifier à l’Ordi.
Alors que je rame vers la plage, Léo trépignant d’impatience à l’étrave, je constate qu’à leur tour, Muriel et Gaëlle nous surveillent ; sauraient elles se servir efficacement des carabines ?
Plouf ! L’indiscipliné n’a pas attendu que l’on aborde, trouvant sans doute que je ramais trop lentement. Alors que nous posons seulement pied à terre, il s’est déjà approprié la plage et ses environs, signalant consciencieusement à sa manière aux cabots présents ou futur que cette plage est la sienne.
- Maintenant il va falloir le dessaler, notai-je.
Finalement, on ne le dessala que l’après midi.
Lorsque vers 15 heures, Muriel décide qu’un bain serait le bien venu, tout le monde lui emboîte le pas et nous voilà barbotant sauf Claudie qui préfère surveiller. C’est sur, avec mon bob jaune, je dois être ridicule mais c’est pour protéger ma calvitie que je persiste à qualifier de naissante alors que Blaise la décrète adulte depuis longtemps.
Au sortir du bain, savonnage et nous sacrifions trente litres d’eau pour rincer tout le monde, Léo compris.
Après le repas du soir, Léo assoupi à mes pieds, je suis calé dans l’angle de la banquette, Blaise ayant décrété « rhum pour l’équipage », nous sirotons tous un fond de verre. Deux plafonniers (au diable l’avarice) éclairent le carré de leur douce lumière, dehors la nuit tombée, plus un bruit ne … et tout bascule. Face à nous, quatre non cinq lueurs trouent la nuit accompagnées de détonations, de chocs terribles sur les vitres du carré.
- Merde !
Claudie et moi avons bondi sur nos pistolets. Dehors, un choc métallique, un glissement qui se bloque.
- Un grappin, hurle Blaise.
En me ruant dans la timonerie, vers la seule porte restée ouverte, Claudie sur mes talons, je lâche :
- Blaise, moteur, guindeau !
- Deux sur le pont, crie Muriel une carabine à la main.
La timonerie vite, mais alors que je me penche un fauve me bouscule en silence.
- Léo, crie Claudie.
Là, juste au bout du passavant, face à Léo, une ombre lève le bras.
- Mon chien !
Mais le bras n’ira pas plus haut. L’ombre est balayée par le fauve qui bondit. Pas une plainte, pas un cri, la gorge broyée par les mâchoires ne peut rien émettre d’autre bruit qu’un gargouillis lugubre. Alors qu’un troisième assaillant tente de monter à l’arrière bâbord, dans le passavant le deuxième s’élance l’arme à la main. J’hésite, pas Claudie. Deux claquements secs de 22, il s’effondre. Le troisième assaillant n’a pas plus de chance, quelqu’un vient de tirer par le hublot de la cuisine. Il est projeté dans le canot qu’il venait de quitter.
- Un autre canot à tribord, lâchai-je en me repliant, traînant Léo qui aboie rageusement.
La porte fermée juste à temps, à tribord aussi on nous canarde.
- Le projecteur, réclame Gaëlle et les feux de route.
La chaîne cliquette dans le barbotin (L).
- Zigzague sur ton mouillage, crachai-je en passant près de Blaise.
Au hublot de la cuisine, Muriel vide son chargeur sur les occupants du canot qui ondule contre notre arrière, prisonnier par son grappin, éclairé par le feu de poupe.
- Le projecteur à droite !
Claudie tourne la poignée et là à vingt mètres sur tribord, un canot est cloué sur le mur de la nuit sous la lumière aveuglante. Quinze mètres, les rameurs s’arqueboutent, ils vont nous rejoindre, Claudie me presse :
- Vas y Patrick.
Alors le canon du HK tendu au travers du hublot du carré, je vise et tire, je vise et tire, l’esprit vide je vise et tire.
Trois vies viennent de s’éteindre ; à quinze mètres en pleine lumière, c’est une exécution.
Claudie, me voyant hésiter me pousse pour prendre ma place. Juste à ce moment, une balle frappe le roof à côté du hublot.
Elle laisse échapper un :
- Oh !
- Tu as quelque chose ?
- Non, non Patrick.
- Dérapée, crie Blaise.
A avoir cru Claudie touchée, la rage me prend.
- Fonce, est ma seule réponse.
Puis je prends la barre, décrit une boucle ; Grotesque tourne tout en prenant de la vitesse.
- Ne le lâches pas, demandai-je à Blaise qui tourne le projecteur.
Il est là devant nous, je serre la barre à m’en faire péter les avant bras. C’est presque un grognement qui sort entre mes lèvres ; à vingt mètres, un gars, courageux, nous vise et tire avant de disparaître. Grotesque, lancé à 11 nœuds, de son étrave prévue pour les glaces coupe le canot en deux, dans l’éclatement des bordés qui rendent l’âme.
Encore un e détonation dans la cuisine, Muriel surveille toujours le canot qui maintenant bondit à nos cotés, resté prisonnier de son grappin. Point mort, faudrait pas en plus abîmer les hélices, pensai-je cyniquement.
Quelque chose sous la coque des cris qui défilent sur les deux bords… Le tapotement amical de Blaise sur mon épaule accompagné d’un :
- Ben mon vieux…, m’aide à me calmer.
- Personne n’a rien ? Interrogeai-je.
- Personne ! Façon de parler, Muriel a fait un carnage, commente Gaëlle sonnée.
Laissant Grotesque filer sur son aire vers la sortie, j’allume le radar sur ½ mille. A par le croissantt lumineux de la cote qui s’éloigne lentement, l’écran est vide.
- Tu crois qu’un canot en bois ferait un écho suffisant, s’informe Blaise.
- Ben faut aller voir, conseille Claudie en déverrouillant une porte.
Impossible de retenir Léo. Il sort le premier, queue en panache, tête haute humant l’air, babines sanglantes retroussées sur ses crocs que, dans la lueur des torches, nous trouvons dorénavant terribles.
Le tour du pont qu’il entreprend ce soir n’a plus rien à voir avec la recherche des poissons volants, mais quoiqu’il trouve cela subira un sort guère plus enviable.
Nous le suivons tous, les premier assaillant gît sur le dos.
- proprement décapité, enfin pas tout à fait, commente Blaise.
- Proprement, tu appelles ça proprement, questionne sa femme.
C’est vrai, il n’a plus de cou, sa gorge n’est plus qu’un magma sanguinolent.
- Il n’a pas du souffrir longtemps et l’autre non plus, commente Gaëlle avec quelques regrets dans la voix.
L’autre non plus d’ailleurs.
- Joli groupement, remarque Blaise montrant les impacts du 22LR, un à la base du nez, l’autre sous l’œil droit.
Curieusement, alors que la vue du reste d’Armel nous avait soulevé le cœur, ces cadavres inconnus nous indiffèrent, à moins que notre humour noir ne nous serve à masquer notre émotion ?
En descendant dans le cockpit de pêche, j’observe à la lueur d’une torche, le canot où gisent quatre corps.
- Et les autres ? Interrogeai-je.
Gaëlle explique :
- Comme ils ne pouvaient plus larguer leur grappin sans se faire tuer, ils ont sauté à l’eau. Il faut dire que Muriel…
- Mais j’avais si peur ! S’emporte Muriel.
- A voir le résultat, je te promets je te ferai plus peur !
Je saute sur le canot suivi de Blaise qui a récupéré l’épée (le sabre ?) du deuxième assaillant. C’est un canot de six à sept mètres avec trois bancs de nage, entre où sur lesquelles gisent quatre poupées sanglantes comme jetées là par hasard par quelque enfant cruel. En éclairant le macabre spectacle, je glisse à Blaise :
- Pour quelqu’un qui a peur des armes..
- Faudrait garder le canot, remarque t-il
- On va tout garder, les armes, les vêtements…
- Pour les vêtements, m’interrompt Gaëlle, autant le faire tant qu’ils sont tièdes.
- Bon, chacun le sien, lance Claudie,
et joignant le geste à la parole, elle s’approche de sa victime.
Gaëlle vient nous rejoindre dans le canot, mais Muriel crie :
- Ah non, moi je ne touche pas à celui là, en montrant l’adversaire de Léo dont la tête avec son angle bizarre semble prête à s’en aller vivre sa propre vie.
Ainsi commence cette scène surréaliste et improbable : sous l’éclairage des feux de mât en pleine nuit tropicale, cinq personnes du 21e siècle détroussent six cadavres du 16e encore tièdes.
Gaëlle, s’attaquant à sa deuxième dépouille, Blaise me glisse :
- Rapide pour déshabiller son homme la bougresse !
- Envieux ? Interrogeai-je.
- Y a un problème ! Il est vivant, annonce Gaëlle en se saisissant d’un sabre.
- Gaëlle, non !
Je la stoppe, persuadé q’elle allait bien lui faire subir le même sort qu’à la dorade.
- Bon on l’attache et tu l’examines, tranche Claudie.
Après examen sommaire, elle conclut :
- Semble juste assommé, il était sous mon premier client. L’autre a du lui retomber dessus depuis le pont de Grotesque.
Comme ses habits nous semblent plus riches, Blaise assène :
- Les chefs, toujours planqués derrière leurs hommes.
Le vivant est hissé sur le pont, les morts descendus dans le canot contre l’avis de Claudie qui préférait les mettre à l’eau directement.
- Elle a raison, on ne va pas pouvoir les garder et les enterrer représente un risque pour nous, enchaînai-je.
- Mais Patrick, on ne eut pas faire ça, ça ne se fait pas, implore Muriel.
Claudie coupe court :
- Mettons les au bouillon.
Avec Blaise, nous basculons un à un les corps.
- Bon voilà, ce n’était pas sorcier, conclut Claudie.
Gaëlle, le sabre sur la gorge du ligoté nous propose :
- Et celui là, je vous l’expédie ?
Alors que Muriel murmure une prière, elle doit être la seule à se souvenir d’une… Blaise me glisse :
- Je te l’avais dit, le trio infernal !
Désignant le fruit de notre «détrousse cadavre» :
- Bon, tout ça dans le coqueron, nous verrons demain, intimai-je, occupons nous de ce gaillard.
Et je me penche vers ce qu’il faut bien appeler notre prisonnier. Environ 35 ans, brun, pas très grand, nettement moins d’ 1,70 mètre, mince avec une fine barbe (Description Des Vêtements), toujours dans les pommes ou faisant semblant.
- On le réveille comment ton bonhomme? Questionne Blaise.
- On lui mord le doigt propose Muriel, puis y renonce devant la couleur du dit doigt.
- Berk ! Il est crade, ajoute Claudie.
Je plaisante :
- Tu as raison, un peu plus que moi.
Mais Blaise me casse mon effet en remarquant :
- Faut voir, faut voir…
Muriel, qui après avoir détaillé les mains s’attarde à la ceinture signale  :
- il a une bourse !
- Coupe lui, réplique Gaëlle.
- Et nous voilà regardant le contenu de la bourse du type ; une vingtaine de pièces que nous ne reconnaissons pas.
- C’n’est pas des euros,
- Même pas des écus.
- Ça, tu crois que cette date MDXL (A Voir). Ça fait combien en chiffre indien ?
- Blaise, tu vérifieras si tu trouves quelque chose, demandai-je.
- Il a bougé, je vous dit qu’il a bougé, s’égosille Muriel."

" Seuls les paranoïaques survivent "
15-11-2015 à 20:03:04
Elle a raison, mais il ne risque pas de bouger, il ressemble plus à un rôti qu’à un fier conquérant et, certainement plus efficace que les liens, Léo la gueule poisseuse au ras de sa tête lui grogne dans les oreilles. Je pense : «il faudrait laver Léo».
- Personne ne parle espagnol ?
- C’est peut être un portugais ?
- Euh Non…
Le prisonnier a lâché une tirade.
- ça ressemble à de l’espagnol conclut Blaise.
- Como te llama ?
Regard inexpressif du type qui semble plus intéressé par la lampe torche et l’éclairage du pont que par nos questions ; à moins que ce ne soit Léo qui l’empêche de réfléchir. Je demande à Claudie de l’éloigner. Muriel reprend en se penchant :
- Como te llama ?
Le type semble réagir à la question à moins que ce soit au décolleté penché sur lui et lâche :
- Fernando Garcia Pelayo y Gross.
- Si c’est son nom, il se ruine en carte de visite, dit Blaise.
Bon, c’est un début ; après une ½ heure d’un interrogatoire laborieux, nous pensons avoir compris.
«C’est lui qui commandait l’assaut…avions été aperçus l’après midi, mais ont préféré attendre la nuit…
Ils venaient d’un poste situé à deux milles plus Nord, manque de bol…»
Mais la question qui nous intéresse n’a pas encore été posée ; comment demander à cet homme en quelle année sommes nous ?
Quelle heure est-il, quel jour sommes nous ? A la limite, ça nous savons faire. Mais l’année ! Déjà, ils nous auraient attaqué parce que le bateau et nos vêtements (ou la quasi absence des vêtements pour certains) leur auraient semblé étranges, voir diabolique.
Des diablotins qui ne connaissent pas l’année ? Gaëlle attaque :
- A qui ano es ?
Silence.
- Este anos que anos es ? S’énerve t-elle.
- A que anos estamos ?
Ca y est, il a compris et il lâche :
- mil quisuentos cincuito des (A Vérifier).
Personne n’a ou n’a voulu comprendre. J’interviens :
- Un chef, ça c’est écrire, non ? Un crayon, un papier.
Gaëlle sort dont ne sait où un stylo et un papier sur lequel elle écrit ce que nous avons refusé de comprendre et le montre au prisonnier à la lueur d’une petite torche.
- Qu’est ce qu’il a ce couillon ? Lance Blaise.
L’homme st sidéré, cherchant à comprendre : une plume sans encrier !
Devant l’assistance, il lit, hésite et d’une seule phrase, d’une seule, nous propulse 451 ans dans le passé.
- Si : mil quinciento cencuito dos (A vérifier).
Blaise réagit le premier.
- Je vous l’avais dit, je vous l’avais dit.
Claudie lance ;
- Au moins, on est fixé.
Sabre levé, Gaëlle interroge :
- On en a plus besoin ?
Je ne sais qui a dit : « si les femmes gouvernaient, il n’y aurait plus de guerres », mais à voir notre trio infernal, je me dis qu’il avait presque raison, il n’y en aurait plus qu’une, dévastatrice, totale, ultime….
- Au petit jour, on le ramènera à terre, décrétai-je.
Des soupirs déçus furent les seules réponses…
La nuit se passe à tirer des longs bords sous le vent de l’île. Faute de mieux à faire, je m’installe dehors avec Léo qui refuse de rentrer.
Au petit matin, nous sommes stoppés à environ 200 mètres d’une plage en pente douce.
- On ne va pas s’approcher plus, il nagera, décidai-je.
- S’il sait nager, continue Blaise.
- Ca, on va bientôt le savoir, assène Claudie en poussant notre prisonnier vers le cockpit de pêche avec l’aide de Gaëlle, Léo sur leurs talons.
Nous détachons l’homme engourdi par sa nuit, nous avons regroupé ses armes : une épée, une dague et un pistolet en un paquet.
Muriel remarque :
- Va couler même s’il sait nager.
Fernando semble inquiet ; peut-être a-t-il compris nos intentions, mais ne sait pas nager.
- On a qu’à lui mettre une brassière, plaide Muriel.
- Une brassière du 21ème siècle, qu’il risque de garder comme une relique, nous n’avons que trop interféré avec le 16ème …
J’interroge en joignant le geste à la parole :
- Nadar ?
Fernando, qui n’était pas loin de se liquéfier semble renaître et répond :
- Si
Blaise, ayant récupéré un aviron et un banc de nage sur le canot des assaillants, y amarre les armes de Fernando ; puis, nous jetons le tout à l’eau : aviron, armes et Fernando…
- Tout flotte, constate Gaëlle déçue.
Nous regardons s’éloigner notre ex prisonnier ; là bas à 150 mètres, il prend pied, vacille, se retourne et nous regarde sans bouger.
- A quoi peut-il penser ? Songeai-je à haute voix.
- Sans doute aux seins de Muriel, ironise Blaise.
Alors que Grotesque dérive et s’éloigne, j’ai ce geste idiot envers celui qui, il y a à peine dix heures, voulait nous éliminer ; je lève le bras en signe d’adieu…Auquel il répond !
- Qui sommes nous pour lui ? S’interroge Blaise, fantômes, diable, habitants de l’Eldorado ? Qu’il continue de chercher !
- On s’en fout, nous sommes en 1552 et à chaque fois qu’on les rencontre ils cherchent à nous trucider, rappelle Gaëlle.
- en 1552, combien de galions, avaient déjà coulé ?
Je l’ai déjà dit : ma femme aime l’or…
Nous sommes à 350 mètres de la plage, je décide :
- Bon, mouillons là, puis regardons ce qu’il en est.
Moins de cinq minutes plus tard, nous voilà tous les cinq sous le taud de soleil à feuilleter le gros volume. Léo, est pour sa part, resté assis à coté de la porte bâbord de la timonerie, humant l’air, insensible à nos appels, prenant son rôle de gardien très au sérieux ; peut être dans sa tête de chien, a t-il pensé avoir failli à son devoir hier soir ?
Blaise énumère :
- Découvert en 1975, coulé en 1580 : Non
-Découvert en 1987, coulé en 1620 : Non
- Ah, j’en ai un, s’exclame t-il : (Trouver le Nom  ?), coulé en 1548 avec sa fabuleuse cargaison, retrouvé en 1985 par vingt mètres de fond sur l’île de ?????? dans l’archipel des Bahamas.
- Qu’est ce qu’il transportait ? Questionne Claudie.
Et Muriel d’énumérer : A ENUMERER

Cela me semble idiot que notre première préoccupation soit quelques coffres immergés mais ma diversion de l’autre soir se retourne contre moi. Semblant lire mes pensées, Blaise remarque :
- Si nous devions un jour rentrer en Europe ou tout simplement entrer en contact avec une colonie, cela nous aiderait.
- Pour acheter du miel, du cacao… Au fait, comment se fabrique le chocolat ? S’inquiète Muriel.
- J’ai lu que les cabosses de cacao ont une grande valeur en Amérique Centrale ; les indiens s’en servaient même comme monnaie d’échange, remarque Claudie.
- Oui, mais avec le contenu d’un galion, quand même, défend Muriel.
Ils n’ont pas tord, cela pourrait servir.
- Oh ! Et puis j’ai toujours rêvé d’une chasse aux trésors, plaide Claudie.
- Tu sais là, ça n’a rien d’une chasse, nous savons exactement où il se trouve, ce qu’il contient… Un vrai jeu d’enfant, s’enflamme Blaise.
Il va falloir céder à la volonté de l’équipage, sinon il y a de la mutinerie dans l’air. J’abdique en lançant :
- Soit, voyons sur la carte.
Il s’agit d’une zone de haut fonds circulaires d’environ trois milles de diamètre avec au nord deux îlots en croissant de six cents mètres de long sur cent mètres de large, haut d’une dizaine de mètres, posés en accent circonflexe et, au sud, des bancs de sable alignés comme des écailles de poisson. Enfin, sur la côte Est, la partie qui nous intéresse, une fosse en forme de poire de quatre cents mètres sur cinq cents cinquante mètres orientée Est/ouest. La partie la plus renflée, séparée du large par le platier et dont la queue serait un petit chenal pointant vers le centre de cette zone de récifs.
- Pas engageant, remarquai-je.
Surtout en lisant les commentaires du genre : «nombreux rochers, zone insuffisamment reconnue, position douteuse, etc.» - Il faudrait rentrer par le nord entre les deux îlots, commence Blaise.
- Puis là, suivre la saignée à plus de deux mètres, passer les 1,30 mètre et rejoindre la queue de la poire. continue Claudie.
- Ca risque d’être chaud, concluai-je.

C’est comme cela ; qu’après avoir remonté un arc antillais désert sans flottes de charter, sans ces hordes de touristes vomies des promène couillons sur des plages piétinées, qu’on se retrouve une semaine plus tard avec un nœud à l’estomac (qui, pour une fois n’a rien à voir avec le mal de mer), face aux deux îlots entre lesquels Grotesque doit se glisser avant de se faufiler entre les patates de corail sur deux bons milles.
- Ca semblait plus large sur la carte, grommelle Blaise en mâchonnant nerveusement un des ses derniers chicots sacrifié pour l’occasion.
- Faut espérer qu’en 1552, enfin que maintenant, les fonds sont moins ensablés, souffle Muriel.
Gaëlle est envoyée dans la mâture. C’est du nid de pie prévu pour voir les zones dégagées dans les glaces qu’elle va nous guider dans ces eaux tropicales turquoise.
- Manque d’expérience, juge Claudie, décidant de la rejoindre.
Blaise me lance un regard entendu et rejoint Muriel sur l’avant, chacun d’un bord.
Je me retrouve seul avec Léo, qui devant tant de veilleurs à poste a enfin décidé de rentrer à l’ombre.
- Bon, on y va, lançai-je à travers les panneaux ouverts de la timonerie.
On quitte le bleu profond, puis le turquoise et finalement, dans le vert pale, on trouve le sondeur très optimiste lorsqu’il affiche 2,50 mètres ; mais l’étroit goulet entre les îlots est franchi sans problème avec l’aide du flot. Il a fallu choisir un compromis entre un bon éclairage et une bonne hauteur de marée, nous devrions encore gagner environ cinquante centimètres dans les trois heures qui viennent. Devant la remontée des fonds, Blaise lâche :
- Si un poisson passe sous la quille, on en fait une limande.
Depuis ¼ heure, nos zigzags nous rapprochent doucement de la poire quand Claudie s’alarme :
- Ben là, on arrive dans le petit bain.
- Je dirai même un pédiluve, renchérit Gaëlle.
Le sondeur le seul à rester calme, annonce 1,50 mètre. Il devrait y avoir plus.
- Et après ? Questionnai-je.
- Y a plus, me répond de duo huit mètres au dessus de moi.
Pas de clapot, vent quasi nul.
- On essaie.
Je crois voir blêmir Muriel sous ses coups de soleil. 1,40 mètres clignotent le sondeur, 1,30 mètre, contraction quelque part dans les boyaux, les hélices soulèvent un nuage de sable fin puis 1,40,1,50 m,1,60 mètre.


- Un peu plus, je descendais pour pousser, plaisante Blaise.
Je le refroidis par un :
- Faudra ressortir.
Une heure quarante minutes, il aura fallu tout ce temps pour un si petit trajet, mais l’ancre est enfin mouillée nous sommes dans le haut de la poire. Les perruches, descendues de leur perchoir, commentent cette traversée avec Muriel dont la peau laiteuse et tavelée a viré à un joli cramoisi.
- Bon, il est où ? Coupe Claudie.
- Quelque part entre nous et la base de la poire, précise Blaise
- On va voir, on va voir, implore Muriel.
D’abord, on amarre Grotesque solidement.
- Regardez comme c’est superbe, commente Gaëlle d’un geste circulaire du bras.
C’est vrai, tout attentif à la délicate approche, nous avons peu prêté attention au spectacle des dégradés de vert, des poissons par centaines pas encore effrayés, de gros mérous curieux viennent tâter la chaîne de leur lèvres lippues…(A Enumérer)
- Quel gâchis, soupire Blaise et il enchaîne
- Quel gâchis on va faire en 450 ans ? Que reste t-il, ou que va-t-il rester de ce paradis ? Quelques poissons peureux rasant les récifs mourants dans une eau polluée par tous les poisons du 20ème siècle.
- De 400 millions nous allons passer à plus de six milliards ; et comme l’a dit Cousteau : « la planète meurt étouffée sous une multitude de berceaux » et tout ce que cela entraîne, citai-je.
- Dieu l’aura voulu…, commence Claudie.
- Dieu !? Mais Dieu, s’il a jamais existé ce sera suicidé de désespoir, à voir ce que nous avons fait du paradis qu’il nous avait confié, lançai-je.
- Hé les gars, positivez, jouissez du spectacle, intervient Muriel.
- Si par spectacle, tu parles de tes appâts, je te signale, chérie qu’ils sont trop cuits.
- Trop cuits, tu vas voir ! Menace Muriel en s’élançant.
La poursuite se termine par deux ploufs sonores, qui ont pour effet d’écarter la multitude curieuse dans un scintillement de reflets. Puis synchronisée par quelque mystérieux chef d’orchestre, comme un seul homme, elle se dirige vers ces deux choses bruyantes et pleines de bulles qui viennent de surgir dans leur monde. Nous regardons fascinés ce spectacle : deux humains heureux d’être ensemble, nageant, entourés par une myriade de poissons multicolores curieux, sur une eau turquoise. C’est la communion de la nature, de l’animal et de l’homme.
- C’est beau, dit simplement Gaëlle en prenant une grande inspiration, comme si elle voulait s’imprégner de ce moment magique.
- Beau, paisible et simple, enchaîne Claudie.
Je regarde Claudie et Gaëlle ; pour la première fois depuis 17 jours, je les vois sourire toutes les deux.
Magiques, ils le sont sûrement ces petits poissons multicolores.
- Patrick, j’espère que ce sont les poissons que tu regardes, me lance Claudie, mi ironique, mi jalouse.
C’est vrai, que les seins de Muriel, libérés de l’apesanteur, retrouvent toute leur gloire passée.
- Patrick ? On met l’annexe à l’eau, m’assène Claudie en se dirigeant vers l’arrière.
En lui emboîtant le pas, Gaëlle me lance un :
- Jalouse ? Moqueuse.
Un ange passe.
- Non ! On va prendre le canot.
Libre à elle de décider si le Non est pour l’annexe ou pour Jalouse.
A l’arrière, Léo trépigne depuis que le duo est à l’eau mais en nous voyant monter à bord du canot, on le voit hésiter : à L’eau ? Au canot ?
- Léo, monte ! A peine ai-je fini qu’il est déjà à bord.
Comment un chien si lourd fait-il des bonds pareils ?
Alors que je rame avec Gaëlle, Claudie dévide l’amarre et Léo en figure de proue, doublé d’une corne de brume, invective les nageurs.
- Bon Dieu ! Construisait lourd à l’époque.
- Non, c’est toi qui vieillis, rétorque Claudie.
Alors que nous passons à proximité des nageurs, Claudie lance un joyeux :
- Arrêtez de batifoler, vous allez choquer les poissons.

" Seuls les paranoïaques survivent "
16-11-2015 à 15:00:19
bon, franchement, ca se lit super bien (ca pourrai meme faire un tres bon film) j'en redemande ......
merci encore a toi pour ce partage!
16-11-2015 à 16:33:06
Oui , un bon moment , Vivement la Suite
16-11-2015 à 17:46:18
Et moi d’enchaîner, espérant de l’aide :
- Pas envie de tirer sur le bois mort ?
Pas de réponse, hormis le rire de Muriel ; Je regarde Gaëlle, elle hausse les épaules et lâche :
- Condamné à cracher tes poumons, papy !
Enfin, nous arrivons à la première roche repérée. Je peux souffler et remarque :
- Gaëlle, puisque tes… poumons sont plus gonflés que les miens, c’est à toi de plonger.
Elle se redresse, narquoise, ôte son tee shirt et saute à l’eau.
Le regard de Claudie renvoie la Baret .50 au rang de lance pierres. Alors que je laisse filer la chaîne vers le fond, où Gaëlle doit faire le tour de la roche avec, je sens deux lance roquettes de couleur noisette braquées dans mon dos. Jalouse ! Allons donc…
Gaëlle, remontée à bord, nous allons de roche en roche, tissant une toile au milieu de laquelle, grosse araignée fluo, Grotesque semble guetter sa proie.
La fin de l’après midi est proche lorsque nous regagnons le bord, d’où Muriel et Blaise ont repris le mou des amarres.
Ce soir, nous dînons sous le taud de Grotesque à l’arrière et pour fêter ce moment de bonheur retrouvé, nous sacrifions, émus, le dernier morceau de Parmesan. Dorénavant, ne reste plus que le camembert en boîte et après…
- Après, ton cholestérol va baisser, me lance Claudie, semblant lire dans mes pensées.
A nous voir mâcher lentement, presque religieusement, ce dernier bout de fromage pour nous imprégner d’une saveur que nous ne retrouverons plus, dans le soleil couchant, nous semblons faire partie de quelque secte adoratrice du Dieu Parmesan.
- Parmesan : premier sur la liste, qui s’annonce longue, des plaisirs dont il faudra apprendre a se passer, se désespère Muriel.
- Oui, les Plaisirs… soupire Gaëlle.
- Il me reste 18 chicos.
- Tes poumons s’en porteront mieux et tu auras plus de souffle pour me…
- Ramener de l’or ? Coupai-je Muriel.
- Demain, on le cherche ? Interroge Claudie.
- J’aimerais vérifier les îlots, voir s’il y a des traces de passage, des fruits peut être de l’eau ? Annoncai-je.
Dès que l’on parle nourriture, Muriel réagit :
- Au fait, lorsque nous avons failli toucher, il m’a semblé voir des langoustes noires par dizaines, nous annonce t-elle, des lueurs gourmandes dans les prunelles.
- Pas la peine d’aller si loin, lorsque j’ai plongé, il y en avait tout plein autour des rochers, mais pour la cuisson, ça consomme beaucoup d’énergie et ...
-Tu plaisantes, on peut les faire griller et avec un petit verre de
- Muriel, calmes toi ! D’accord, demain visite des îlots et langoustes grillées au programme.
- Ok concluai-je.
Nous regardons en silence s’allumer les étoiles qui commence à nous redevenir familières dans ce ciel pur du 28 mars1552.


Sans concertation, tout le monde est debout aux aurores, et même avant ; il faudra s’habituer à vivre avec le soleil, quoique, sous les tropiques les panneaux solaires font plus que compenser notre faible consommation.
- Nous allons mettre « fille de l’air » à l’eau, il y a bien ¾ de mille.
- Patrick, parle comme tout le monde, m’interrompt Muriel.
- Bon, il y a environ 1,4 km pour l’îlot le plus proche, avec Fille de L’air, ce sera plus facile.
« Fille de l’air », c’est en réalité une caravelle ; ça ne s’invente pas, c’est le nom de la série. Clin d’œil du destin ou de quelques dieux malins qui nous observent, est donc mise à l’eau, grée, équipée du hors bord de zozo.
Au moment où nous embarquons avec armes et bagages, Claudie lance la question habituelle :
- On ferme ?
Question qui semble saugrenue dans un mouillage désert du 16e siècle, mais qui réveille en nous des inquiétudes. Gaëlle est donc hissée en tête de mât avec la longue vue, non pas qu’elle soit la plus légère ; elle doit peser trois ou quatre kilos de plus que Claudie, ce qui pour son 1,68 mètre la fait paraître un peu maigrichonne, mais sa jeunesse ayant besoin d’exercice, on lui en donne.
- Alors, s’inquiète Muriel.
- Rien ! Vous pouvez me descendre.
- Pan, pan ! Laisse échapper Claudie.
Une fois Gaëlle descendue, nous fermons quand même Grotesque et embarquons, la voile hissée ; doucement, nous nous dirigeons vers les îlots.
Aujourd’hui, les huiles solaires se faisant rares, nous avons tous adopté des manches longues surtout Muriel qui semble souffrir de ses coups de soleil d’hier.
Blaise, quant à lui, contemple amusé la fameuse croix des caravelles qui orne la grand voile et m’interroge :
- Tu crois à la destinée ?
- Si tu me demandes si je croyais être destiné à vivre, vieillir et mourir au moins quatre siècles avant d’être né, la réponse est Non.
- Dans ce cas, c’est rassurant au moment de mourir de savoir que l’on va naître quatre siècles plus tard, ajoute Muriel.
- Rassurant, mais curieux…
Claudie nous interrompt d’un mouvement de tête en direction de Gaëlle qui, nuque raidie, veut sembler contempler les îlots qui s’approchent, alors que des larmes glissent sous ses lunettes de soleil.
Toujours courageux devant des larmes de femme, je décide :
- Bon, je vais essayer la godille.
Blaise de proposer :
- Aujourd’hui, je suis en forme, si on ramait.
Bôme Débordée, nous voilà tirant doucement, faut pas se tuer non plus, sur le bois mort. Muriel à la barre, nous fait des mimiques pour nous expliquer ce qui se passe dans notre dos.
Je jette un œil. Gaëlle a pris la main de Claudie la serrant de toutes ses forces, jointures blanchies comme… comme l’autre jour au fond de zozo. Les flashs me reviennent, mon erreur, trop près, le sang, Armel mutilé, les requins, Gaëlle à l’eau…
- Eh ! Ralentis, je ne suis plus moi.
Bien sur qu’il suit mais c’est sa manière de me ramener à la réalité… Je refoule mes sentiments au fin fond d’un sac, le dernier coup de pied rageur avant de refermer le sac est cette pensée cynique au sujet de Gaëlle : «les annexes, ça ne lui réussit pas».
- On approche, tente de divertir Muriel.
C’est vrai, il nous a fallu trente cinq minutes et déjà nous approchons de la partie Est de l’accent circonflexe.
- Je préférerais commencer par l’île ouest ; comme ça nous marcherons contre le vent et le flair de Léo pourrait nous être utile.
Nous abordons à la pointe sud ouest de l’île ouest.
Léo, le premier à terre, truffe en avant, semble prendre son rôle très au sérieux avant de, comme d’habitude, s’approprier le territoire à sa manière.
Six cents mètres de long sur cent de large, plage comprise, on va vite en faire le tour.
Alors, espacés d’environ quinze à vingt mètres, nous remontons lentement l’île, Léo en éclaireur allant de l’un à l’autre, et Gaëlle ramant à quelque distance de la plage.
- Pas grand-chose comme fruit, se lamente Muriel après une centaine de mètres de marche.
- Attendez, crie soudain Gaëlle qui jette le grappin et saute à l’eau en criant un :
- Langoustes ! Qui nous rassure tous, surtout Muriel.
Elle réapparaît bientôt, deux langoustes en main qu’elle jette dans Fifille et replonge.
- Ca existe des bêtes de cette taille ? Nous crie Muriel la plus proche de la plage.
Après un troisième plongeon, même Léo est rassuré : il aura sa part.
Nous reprenons notre avance, cueillant au passage quelques fruits que nous ne sommes pas sur de reconnaître. Nous ne sommes pourtant pas de la génération qui ne connaît de la salade que des feuilles gazées sous cellophane et pourtant…
Arrivés au 2/3 de l’île, Léo aboie, les armes tenues négligemment jusque là, semblent pointer d’elles mêmes devant nous. Claudie rappelle Léo, qui, pour une fois lui obéit spontanément.
Je fais signe à Claudie de mettre la VHF en marche et la consigne et transmise à Gaëlle qui a la deuxièmeVHF portable.
Après une vingtaine de mètres, Claudie lance :
- Y a un problème ! En nous faisant signe d’approcher.
Effectivement, sur les îles inhabitées, c’est rare de se trouver devant quatre tombes surmontées chacune d’une croix grossière.
- Toujours pas des indigènes, commente Claudie en désignant les croix.
- Bon, soit ils ont été enterrés là par un bateau d’explorateurs, soit il y eut des survivants au naufrage, tentai-je de raisonner.
- Et les morts s’enterrent rarement tous seuls, poursuit Blaise.
- Qu’est ce qu’il y a ? Questionne vaguement inquiète Gaëlle.
- Rien, enfin quatre tombes, la rassure Claudie.
J’interroge :
- Pas vu de squelettes ?
- Non, Léo n’a pas ramené de gros nonos à sa mémère, ironise Blaise.
-Continuons, soit on trouve des squelettes, soit des vivants ; Merde ! Lâchai-je en montrant la tombe la plus fraîche ; enfin la moins recouverte par les herbes.
- Ben quoi, la tombe, questionne Blaise.
- Les fleurs !
- Ben sur une tombe…
Je suis sur qu’à ce moment là, les cheveux de Blaise se hérissent autant que le reste des miens. C’est que les fleurs sont séchées, certes, mais pas desséchées. Nous scrutons les alentours, la vue est relativement dégagée. Ce n’est pas la jungle et le calme de Léo qui hume doucement l’air, nous rassure.
- A ce rythme là, on va finir cardiaque, depuis trois semaines on est gâté. Bon, je rectifie : soit on trouve un cadavre frais, soit un vivant.
- Tu sais, un cadavre frais sous les tropiques, pas besoin de s’appeler Léo pour le repérer…plaisante Blaise.
- Reste deux cents mètres et nous serons fixés pour cette île, raisonne Claudie.
Doucement, l’avance reprend. Léo, la queue en panache se sera bientôt approprié les six hectares de l’île. Déjà, nous apercevons l’extrémité de l’îlot à travers la végétation, rien trouvé, rien vu de concret même depuis un semblant de promontoire ; nous rejoignons Gaëlle qui vient d’échouer Fifille sur la plage mais Léo, la truffe au sol continue vers la pointe extrême de l’île.
Déjà, Gaëlle occit les langoustes que Muriel s’empresse de préparer. Accompagné de Blaise, je m’approche de Léo qui continue de flairer des petites dépressions dans le sable, espacées d’une quarantaine de centimètres dont les contours érodés par le vent n’offrent pas de forme précise.
- Une tortue ? Emet Blaise.
- Je ne sais pas ce que c’est mais certainement pas une tortue. La tortue, c’est plutôt tracteur avec roues jumelées comme trace.
- Alors Vendredi chez Lilliput ?
- Quelque chose ? Interroge Claudie qui nous surveille la carabine à la main.
- Sait pas, est la seule réponse de Blaise.
Nous observons Léo , qui après avoir suivi les traces de la plage à la végétation, revient se camper en bout de plage, truffe levée vers l’autre île et lance deux aboiements sonores avant de s’asseoir.
De retour près de Fifille, déjà un feu crépite. Les malheureuses mais bienvenues victimes de Gaëlle attendent la braise pour être immolées pour le bonheur de nos estomacs. Le produit de notre cueillette a été trié et identifié par Muriel. En attendant que la maîtresse queue décrète la cuisson à point, j’observe l’îlot suivant et Grotesque à la longue vue. Rien. Tout est tranquille, des planches à la pointe sud, sans doute échouées là à la suite du naufrage. Je commente pour Blaise :
- Finalement, la seule chose inhabituelle pour nous, c’est l’absence de tout ce qu’on a l’habitude de voir échouer sur les plages, tonks, flotteurs de filet, morceaux d’aussière, bouteilles, briquets,jetables, applicateurs de célèbre tampon, boulettes noirâtres, caissettes de poissons, morceaux de polystyrène…
- La nature quoi, m’interrompt Blaise en me tapant sur l’épaule.

" Seuls les paranoïaques survivent "
16-11-2015 à 18:30:16
Cool , Hummm la Langouste Grillée au "Barbeuc" du 16° siècle
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