Juste un essai pour voir ce que cela donnerait à vous faire "subir"

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17-11-2015 à 10:23:02
- La nature quoi, m’interrompt Blaise en me tapant sur l’épaule.
- A table lance Muriel, pressée de goûter ses langoustes.
Silence religieux autour des braises. C’est vrai, le goût est fameux ; Muriel est gourmande et comme tel elle sait faire se faire plaisir devant la générosité de Dame Nature envers ses papilles. Repue, elle laisse échapper :
- Ca c’est le paradis.
Blaise, qui adore lui casser ses effets, ajoute :
- Non au paradis, il y a moins de sable sur les langoustes.
-Je renchéris, hilare :
- Non, tu exagères, ça crisse à peine sous les dents.
- La preuve, Léo n’a pas mangé la sienne, remarque Claudie.
- Léo, Léo, poisson, appelle Gaëlle.
Léo, au bout de la plage, hésite, regarde vers nous, vers l’autre îlot puis finalement, après un dur combat, l’estomac l’emporte sur le devoir. Il nous rejoint et engloutit le malheureux crustacé à une telle vitesse que Muriel ne peut s’empêcher de lui jeter :
- Léo, prends ton temps, savoures ma cuisine.
Mais elle obtient en retour qu’un regard étonné suivi d’une éructation sonore qui déclenche un fou rire général.
- Je te remercie beaucoup, traduit Claudie qui parle couramment Léo.
-Je te dis que ton chien est mal élevé.
- Mon chien, mon chien ce n’est plus le tien maintenant ?
Puis chacun ayant essuyé son couteau et léché ses dix doigts, la vaisselle est terminée.
Et les regards se tournent vers le deuxième îlot.
- Sont forcément tous morts, sinon ce galion aurait été récupéré au 16ème siècle, pas au 20ème.
- Ou bien, ils sont morts ici en 1550 ou 1560 avant qu’un bateau vienne ici ; en tout cas ils se seraient montrés hier.
- A moins que notre étrange bateau ne leur ait fait peur ? Emet Muriel.
- Tu sais, chérie, après quatre ans sur ces îlots, je me moquerais de la forme du bateau.
- Y a qu’à, conclut Claudie en se levant.
Fifille est à nouveau chargée et comme par hasard, Blaise et moi nous nous retrouvons sur les bancs de nage ; il me marmonne en souquant sur son aviron :
- L’égalité des sexes c’est pour demain.
Mais tout à mes préoccupations, je lui réponds par une question :
- Pourrais tu transformer nos portables en des sortes de talkies walkies ?
Des yeux soudain brillent, il me répond par un simple :
- Faut voir, déjà perdu dans des pensées électroniques supputant la faisabilité de ma requête.
Léo et Gaëlle qui ont traversé à la nage prennent pied avant nous, Léo nous accueille en s’ébrouant. Trempée, Claudie résume :
- C’était bain ou douche, au choix.
Nous reprenons notre progression comme précédemment. En regardant mes compagnons se déployer en tirailleurs, je sens le ridicule de la situation, se retrouver au paradis et déjà jouer à la guéguerre. Mais avons-nous le choix ?
Léo, stoppé, la truffe au vent, oreilles couchées me sort des mes pensées. Soudain, j’ai peur pour mon chien.
- Léo !
Silence radio de l’intéressé.
- Léo, ici !
Il me rejoint en trottinant.
- Quelle autorité, plaisante Claudie.
- Oui, mais ça ne marche qu’avec lui, enchainai-je.
L’intéressé reste maintenant dans mes jambes en reniflant bruyamment, vexé.
Après environ cent cinquante mètres, nous tombons sur la meilleure surprise de la journée.
- De l’eau, crie Claudie en se précipitant vers un bassin fait de grosses roches arrondies.
Alors que nous la rejoignons, elle se redresse et résume, enjouée :
- Douce et chaude !
Plouf ! Léo n’a pas hésité, le voilà nageant dans environ 1,20 mètre d’eau paraissant deux fois plus gros avec ses poils flottant autour de lui.
Blaise rectifie :
- Saumâtre et chaude, avec le sel que trimballe ton chien dans ses poils.
- Qu’est ce qu’il y a ? Hurle Gaëlle depuis Fifille.
- De l’eau douce !
Et ça en est fini de notre progression pseudo militaire. Le temps que Gaëlle échoue Fifille sur la plage et nous rejoigne, déjà Muriel exhibe ses coups de soleil et plonge rejoindre Léo et Claudie qui nagent dans ce que nous baptiserons simplement « la piscine ».
- Claudie nage ? S’étonne Gaëlle.
- Et oui, tant qu’elle a pied ou qu’elle le croit mais après, Bonjour la panique
Au bord de l’eau, Blaise m’interroge du regard, j’acquiesce d’un hochement de tête. Il pose son arme sur ses chaussures, se jette à l’eau avec des grands cris.
- Elle est chaude, elle est vraiment chaude, wouah ! Le pied !
Oui, vraiment le pied ces îlots, je demande à Gaëlle :
- Crois tu que l’on pourrait tirer assez de ces douze hectares et du récif pour vivre ?
- Pour le récif, entre les langoustes, les crabes, poissons et mérous …
- Ah non ! Pas les mérous, ils sont trop sympas, on ne touche pas aux mérous, mêmes les autres, ils sont si beaux.
- Oui, mais nous ne pouvons vivre avec ce qui pousse ici, il faudrait planter mais nous n’avons pas de graines, pas de poules, pas de ruches…
- Les ruches, ce serait bien pour Muriel.
Après un échange de sourire, j’ajoute :
- Bon, je grimpe là haut, en désignant un amas rocheux à l’extrémité Est de la piscine.
-Tu t’enfuis ? M’interroge t'elle.
Je reviens vers elle :
- Et j’aurai peur de quoi ?
- Mais de moi, tu ne restes jamais seul avec moi, tu as toujours quelque chose à faire, je t’agresse ?
Plantant mes yeux dans les siens, je lui prècise :
- Tu ne m’agresses pas, mais nous allons être amenés, probablement à vivre longtemps ensemble. Tu connais la jalousie de Muriel et de Claudie ?
Elle acquiesce.
- Alors il faut éviter tout quiproquo, tout ce qui pourrait donner à penser de travers, d’accord ?
- Oui, mais Blaise et toi, vous m’évitez et je me sens si seule.
- Gaëlle, dans ma famille on ne s’embrasse pas matin et soir, ce n’est pas dans notre style, mais un regard, un sourire, ça vaut mieux que ces bises mécaniques à répétition, Non ?
- Bien sur.
- Allez, va nager… et gardes ton tee shirt, ça le dessalera.
- Tu vois, ça t’agresse !
- Non, ça agresse Muriel et les lois de l’apesanteur, plaisantai-je.
Gaëlle conclut par une pirouette :
- Tu as raison, le tee shirt mouillé c’est plus sexy !
Et Plouf ! Chassez le naturel...
Du haut du rocher, j’observe plus à l’Est. Visiblement, il y a des traces tout là-bas au bout de ces sentes, à travers la végétation. Il me semble distinguer une construction, certains ont donc survécu au naufrage assez longtemps pour tenter de s’installer ici.
Je suis assis là haut comme sur une frontière qui me couperait en deux : côté Est, l’inquiétude de l’inconnu, côté ouest la joie de voir mes amis profiter du bonheur tout simple d’un bain en eau douce… Ce bonheur, qui y pense ou plutôt qui y pensera encore dans 450 ans en ouvrant les robinets de la baignoire, laissant jaillir cette eau si précieuse, qui se souviendra que leurs grands parents voire les parents devaient pomper ou aller la chercher à la mare voisine ou, comme nous actuellement, dessaler péniblement quelques litres par jours, récupérer la rosé avec au mieux 0,4 litres par m2 et à chaque averses essayé de ne rien perdre de ce précieux liquide…?
Blaise, sortant de l’eau, me lance :
- Viens te baigner, je te remplace.
- C’est vrai qu’elle est chaude, enfin bien tiède !
Je me laisse flotter bien soutenu par la bouée que je porte, hélas en permanence autour de la taille.
- Dis donc, tu flottes bien, m’attaque Blaise de son perchoir.
- Pourtant, j’ai perdu trois kilos, je ne fais que 78 kilos ;
- Ben alors, tout est concentré à la taille, enchaîne Gaëlle.
- Ah Ah  ! Très drôle.
- Je préfère me saborder… Vidant mes poumons, je me laisse couler. Quelques bulles s’échappent en chapelet des fentes des roches. En nageant au fond, des veines d’eau chaude presque brûlantes se font sentir.
Au dessus de moi, le trio infernal me fait des grimaces depuis la surface alors que Léo, inquiet de m’avoir vu disparaître, vient me rejoindre. Aurait-il aussi été croisé avec un Terre Neuve ?
- Dommage qu’on n’ait pas pris de savon, lance Claudie en me regardant.
- J’économise, rétorquai-je, de toute façon, vu le débit du déversoir, il doit falloir 4/5 jours pour que l’eau se renouvelle, pas question de se savonner là.
- Toutes les excuses sont bonnes, ajoute Claudie.
- Je veux bien me laver mais après le déversoir sinon nous allons tout saloper, de toute façon, aujourd’hui, nous avons autre chose à finir. Allez oust, le trio ! On sort de mon bain.
- Regardez le, il fait le mac, m’assassine Claudie.
Sortis, secoués pour les uns, ébroué pour l’autre, ce qui veut dire remouillés pour les «uns», rechaussés, nous reprenons notre avance contournant l’amas rocheux qui termine la piscine à l’Est. Arrivée au milieu de l’îlot, les signes du passage des hommes sont évidents : branches coupées, sentes rectilignes que la végétation grignote doucement… Claudie me fait signe d’arrêter en se pinçant le nez :
- Ca pue drôlement !

" Seuls les paranoïaques survivent "
17-11-2015 à 18:22:23
sympa continue

le présent est a eux, mais le futur sera a moi. ..............
17-11-2015 à 18:39:16
Bon d'accord

"- Ca pue drôlement !
- Je confirme, renchérit Blaise, ça déménage grave comme disent ou diront les jeunes.
Pour ma part, les odeurs n’ont plus de prise sur moi, j’arrive encore à les sentir mais sans plus pouvoir mettre d’adjectif sur elles. Poivrées, sucrées, bonnes, mauvaises, cela n’a plus aucun sens pour moi depuis bien longtemps, depuis bientôt trente ans.
- En tout cas, Léo n’aime pas du tout, remarquai-je, ça sent quoi exactement ?
- Les ragondins empoisonnés au bord du canal, précise Claudie.
- Ben, y doit être gros ton ragondin… conclut Blaise.
- On a peut être trouvé notre «fleuriste », conclus-je en faisant allusion aux fleurs des tombes.
Notre marche reprend, pas pour longtemps. Claudie se courbe et rend la liberté à sa langouste…
- J’interroge :
- Blaise, Muriel ça va ?
- Ca gaze, me répond Blaise, égal à lui-même.
- Je compte bien garder ma langouste coûte que coûte, confirme Muriel.
- Bon, Claudie, tu vas à la plage, tu nous couvres avec la carabine ; Blaise et Muriel, vous vous approchez de moi, on va voir.
Cinquante mètres de plus, nous arrivons aux constructions visiblement réalisées avec des planches et du matériel récupéré du naufrage, tissus de voile ayant mal vieilli flottant mollement dans la brise, lugubre à souhait.
- Manque plus que le grincement de porte et les chauves souris, tente de plaisanter Blaise.
A force de pâlir sous son coup de soleil, Muriel en semble presque diaphane.
Passant la tête à l’angle de la cabane, je les vois, ils sont deux. Le plus gros, face noircie contre terre, une épée sortant de son dos, quatre mètres plus loin l'autre semblent vivant. ..
Un bruit dans mon dos suivi d’un «Oh, ma langouste», m’apprend que Muriel a jeté l’éponge.
- Muriel, vas demander à Gaëlle de venir et tu restes avec Claudie pour garder Fifille,
puis j’interroge Blaise du regard :
- Tu ne connais pas ta chance de ne pas être incommodé par l’odeur, me répond-il.
- Oh si ! Mais mon point faible ; c’est la vue et l’imagination, ça risque de ne pas être beau à voir.
Alors que nous nous penchons sur celui que nous pensons vivant, Gaëlle nous rejoint et lâche un :
- Putain ! Pire qu’en travaux pratiques.
- Bon, tu vois si tu peux faire quelque chose pour celui là, on s’occupe de l’autre.
- On s’occupe de l’autre ! Tu en as de bonnes, toi !
Dans l’état où il est, il faudrait une suceuse pour le déplacer.
- Bon Blaise, tu vas couper un morceau de toile et on va essayer de creuser à côté de l’embroché.
A droite de celui qu’on appelle l’embroché, une petite dépression a déjà été creusée dans la terre sablonneuse.
- Son copain, a du essayer de l’enterrer et … Gaëlle m’interrompt :
- Son copain ? Tu ne vois pas qu’ils ont essayé, et en partie réussie, de s’entre-tuer ; celui là a pris une balle qui lui a éclaté le tibia et un coup de couteau dans le coté droit .
- Quels cons ! Conclut Blaise en couvrant l’embroché ; Comme oraison funèbre, on peut difficilement faire plus sobre.
Après une ½ heure d’effort on juge avoir assez agrandi la dépression, l’on pousse le mort à l’aide de branches pour qu’il bascule.
- L’épée ! Remarque Blaise coupant son effort.
On se regarde, avec Blaise, il lance :
- Si j’ai la même tête que toi, j’ai une sale gueule.
- J e confirme, tu as une sale gueule.
- Bon, les chôchotes ! Jamais retiré un poulet de sa broche ? Se moque Gaëlle accroupie auprès du vivant.
Blessés dans notre amour propre, nous laissons les branches et approchons pour saisir la poignée de l’épée enfoncée jusqu’à la garde dans le corps par la chute. Je n’ai pas le choix, il faut bien que je regarde, la poignée est là, je la saisis… mais mon regard s’est attardé une seconde de trop et l’Odeur, l’odeur est là, remplissant mon cerveau de son souvenir refoulé. Ce n’est pas le fumet de ce cadavre putréfié qui m’assaille mais là dernière odeur que j’ai enregistrée, reconnue, celle de la mort, la mort, qui, une nuit trente ans plus tôt, sous l’habit des khmers rouges, avait étripé une quinzaine de femmes et d’enfants. Pathétiques pantins dénudés et sanguinolents, empilés comme de simples fagots dans une carriole branlante poussée par une poignée d’hommes en larme. Ils sont passés tout près de moi, et l’odeur, l’odeur et la vue ont grillé mon âme d’adolescent. Depuis ce jour,plus aucune odeur, n’est identifiable pour moi.
- Eh Patrick ! Tu pries ou quoi ? Faut te décider à l’arracher cette broche.
-- Tu as raison,
Et d’un geste souple , je dégage l’embroché qui, libéré, bascule enfin vers sa dernière demeure, découvrant une dague et un pistolet que la mort lui a fait lâcher.
- Ca va Patrick ? Interroge Gaëlle en observant mon sourire crispé.
- Tu vois, le problème avec les vieux, c’est qu’ils ont des souvenirs…
Le trou rebouché, je m’informe :
- Ca va mieux l’odeur ?
- Un peu, lâche Blaise.
- On peut faire signe à Claudie et Muriel de venir ?
- De toute façon, elles n’ont plus de langouste à rendre.
Muriel, Claudie et Léo nous rejoignent, Claudie demande :
- Et celui là ? Montrant le vivant.
- Pas terrible, je dirais qu’il est mort d’ici quelques jours si on ne fait rien, annonce Gaëlle.
- Qu’est ce que l’on peut faire ? demande Muriel.
- Je crains vraiment qu’il ne soit trop tard, le coup de couteau n’est que superficiel mais la balle a fracassé le tibia qui est terriblement infecté, pour ne pas dire gangrener.
- Depuis combien de temps est-il là ?
- Peut-être une semaine maxi.
- Mais quels cons ces types,, quels cons, martèle Blaise.
- Soutenir le cœur, antibios massifs, et surtout…couper.
- Couper ? Interrogeons nous en chœur.
- Oui, couper, au moins là, continue Gaëlle en montrant le dessus du genou.
- En résumé, il a déjà un pied dans la tombe, le tout est de savoir si le pied y va tout seul ou avec le reste du corps, ajoute Blaise.
Je réfléchis, puis questionne Gaëlle :
- Si l’on fait ce que tu dis, crois tu qu’il ait de sérieuses chances ?
- Peut être !
J’ajoute :
- Tu te rends compte que nous avons une pharmacie complète mais limitée, ce que nous lui donnerons, pourrait un jour manquer pour sauver l’un de nous. Je dois vous demander à tous votre avis pour décider.
- Si l’avis est négatif, il faudra l’achever, inutile de le laisser souffrir pour rien, constate froidement Claudie.
- Ben mon vieux, ta femme me fait froid dans le dos, remarque Blaise.
- Ouais ! On n’a pas intérêt à se blesser, confirmai-je.
Puis j’ajoute, anxieux :
- Je vous laisse réfléchir, cinq minutes, Gaëlle ton carnet.
Et comme d’habitude, elle fait apparaître, comme par magie, ce fameux carnet ; il faudra lui demander où elle le cache.
J’arrache une page, en fais cinq petites bandes, ne voulant pas que la décision de l’un soit influencée par la réponse des autres. J’explique :
- Une croix : on essaie ; rien : on ne fait rien si ce n’est une mort plus douce et plus rapide. D’accord ?
Chacun, à tour de rôle, s’éloigne et ajoute son papier aux autres.
Blaise, décidément en verve, remarque :
- Si il y avait les projecteurs et les caméras, on pourrait se demander qui va être éliminé cette semaine.
J’ouvre les papiers, un à un. Cinq croix et j’annonce :
- Bon, mon vieux, tu as peut être gagné une deuxième semaine.
Réfléchir et vite, moi qui a déjà du mal à réfléchir lentement.
- Blaise et Claudie, avec moi, on va vérifier jusqu’au bout de l’île ; allez, Léo au boulot.
Dix minutes plus tard, nous sommes de retour, rien d’autres que ces deux couillons.
- Peut on le transporter sur Grotesque?
- Non, le transport plus une amputation, c’est trop, me répond Gaëlle.
J’observe la plage ; un peu plus loin, il semble y avoir une petite place pour Grotesque.
- Gaëlle, Muriel Blaise et Léo, vous prenez Fifille. Gaëlle tu vas piocher dans la pharmacie et tu reviens avec Blaise et zozo.
Puis je me ravise :
- Non, Muriel, tu restes avec le blessé et Claudie, tu vas à bord, tu sais où sont rangées les pharmacies. Allez ça roule, on sacrifie un peu d’essence.
Les voilà partis avec le petit hors bord à fond, avec sa croix rouge sur la coque, la caravelle jouant son rôle de premier secours.
Je longe la plage jusqu’à l’endroit qui semble dégagé de roches. Tout autour, un semi rocheux dense dépasse les flots d’environ soixante dix centimètres, même à marée haute, pas de risque de clapot. Je m’avance dans l’eau, j’ai de l’eau jusqu’à la poitrine ; l’on échouera à marée basse. En plongée, les fonds m’apparaissent sablonneux en pente douce. Muriel me rejoint sur la plage, s’informe inquiète :
- Qu’en penses-tu ?
- Ici c’est parfait, plantes cette branche comme repère.
La partie la plus délicate, ça va être l’accès à ce mouillage, un mince cordon d’eau turquoise entre la plage et les roches, praticable à marée haute et trop étroit à marée basse. «Un vrai piège », songeai-je un instant. Heureusement, Grotesque n’est pas un catamaran sinon il ne passerait jamais.
Muriel toujours inquiète :
- Tu es sur ? Patrick.
- C’est un beau coin pour un naufrage, Non ? De l’eau douce, des langoustes… Au fait, c’est le sable qui n’est pas passé ?
- Salaud, lâche Muriel en me poussant à l’eau.
C’est bon, elle pense à autre chose.
- Allons voir le blessé, Blaise et Gaëlle reviennent déjà.
- Que penses tu de Gaëlle ? M’interroge à brûle pourpoint Muriel.
- Je pense que ça lui fera du bien de sauver quelqu’un sinon… - Tu crois qu’elle va craquer ? Remarques, voir son copain coupé en deux, se faire attaquer et maintenant avoir la vie de ce type entre ses mains.
- S’il meurt, elle n’y sera pour rien, coupai-je.
- Oui, mais elle le croira comme toi tu te reproches la mort d’Armel et puis votre attitude à toi et à Blaise a changé vis-à-vis d’elle depuis la mort d’Armel, vous semblez la fuir.
- Ca t’étonne ?
- Non, tu sais je suis forte, mais je peux aussi être fine et je sais mettre de l’eau dans mon vin… ajoute t-elle avec un regard vers Gaëlle et Blaise qui débarquent.
Je ne peux m’empêcher de lancer :
- Et du sable dans tes langoustes, je sais, concluais-je en m’élançant, suivi d’une volée de noms d’oiseaux.
Nous rejoignons les arrivants ; alors qu’ils s’approchent du blessé, Gaëlle s’agenouille et commence son travail en me faisant remarquer :
- Vous êtes bien équipés en pharmacie.
- Peut être, c’est un copain toubib qui s’en est occupé, mais les ¾ des choses, on ne sait pas à quoi ça sert ou comment s’en servir. C’est au cas où avec le téléphone satellite, il nous aurait guidé, mais maintenant…
- Tééééleeeephone Maison, mime Blaise.
- Nous regagnons Zozo, je murmure à Blaise et à Muriel :
- J’ai besoin de vous deux pour me glisser dans ce trou à rat et j’hésite à lui laisser une arme.
- Il y a personne, affirme Blaise.
- Mais s’il y avait quelqu’un ?
- Elle est solide, laisses lui ton pistolet.
- Tu crois qu’elle est solide ? Interroge Muriel.
Tant pis, je me décide, je reviens vers Gaëlle, pose mon HK entre deux tissus, et plaisante :
- Ce n’est pas l’anesthésique, tu te rappelles le fonctionnement ?
Puis je précise :
- Muriel a planté une branche, quand tu nous vois arriver, tu te précipites pour nous amarrer. Il a besoin de toi mais nous encore plus, Muriel veut des langoustes pour demain.
Zozo pétarade à nouveau vers Grotesque où Claudie a déjà dégréé Fifille que l’on hisse à bord dès notre arrivée. Léo nous regarde puis regarde Zozo, l’air de dire : « mon troupeau n’est pas au complet ; Hep ! Les gars, vous avez oublié Miss poisson ».
Le canot des assaillants est amarré entre deux aussières de Grotesque que nous laissons toutes les quatre sur place ; nous n’avons que le mouillage à remonter ; nous laissons l’ancre principale pendre à l’étrave, prête à mouiller.
Pendant que je fais demi-tour, Claudie est envoyée dans le nid de pie ; Muriel reprend son poste à l’avant alors que Blaise dessaisit l’ancre arrière. Au retour, il lâche à sa femme :
- Aujourd’hui, nous devrions avoir un peu plus de hauteur d’eau qu’hier, mais le soleil est légèrement contre nous.
- Ca devrait le faire, je vois bien le fond me rassure Claudie."

" Seuls les paranoïaques survivent "
18-11-2015 à 17:56:41
- Top ! 1h30mn. Je suis sur que demain nous ferons mieux, annonce Blaise.
Sur la plage, Gaëlle arrive en courant pour se poster près du repère.
- Blaise, tu sautes dans Zozo s’il faut aider en latéral.
- D’ac !
Là, c’est très délicat, nous sommes face au Nord pointant l’étrave entre les deux sourcils de l’accent circonflexe, face à la sortie et à la marée qui continue de rentrer. Pour l’instant, la situation est maîtrisée.
- C’est comme les ponts du canal, me lance Claudie.
C’est comme sur les canaux, les ponts sont construits après les canaux, mais aller savoir pourquoi ils ne sont pas perpendiculaires au canal ? Je me rappelle d’un, juste avant d’arriver à Agde, sur le canal du Midi ; nous l’avions passé par vent fort, il faut garder la vitesse et au dernier moment, donner un coup de barre, trop tôt, vous touchez sur bâbord, trop tard, c’est l’autre côté qui prend et avec 3,20 mètres de tirant d’air… c’est chaud…
Sauf que là, c’est un virage à 130° qu’il va falloir prendre dans un mouchoir de poche, stabilisé face au flot. J’interroge Claudie :
- Pas d’autres roches en vue ?
- Rien entre le gros chou fleur et la plage.
- Ca fait quoi ? S’inquiète Muriel à voix basse.
- Sept à huit mètres, souffle Blaise.
Gaëlle accourt, descend dans l’eau à l’angle de la plage jusqu’aux épaules puis recule pour n’avoir de l’eau qu’à mi mollet.
- Où elle se trouve, le brion doit passer.
- Gaëlle, recule de trois mètres et lève les bras, criai-je.
- Tu me vises ?
- Fais attention Gaëlle, c’est un tireur, il vise et il tire, enchaîne Blaise.
- Quoi ?
-Tu es sexy avec ton tee shirt, tu perturbes les mâles, hurle Muriel.
Faible consolation si l’on s’échoue ; ce sera dans la bonne humeur.
Faut y aller, cap sur Gaëlle. L’étrave masque ses genoux, sa taille, ses seins, ses yeux… Juste avant d’arriver aux mains, grands coup de barre au joystick, jouer des moteurs pour faire déraper le cul alors que l’étrave semble monter à l’assaut de la plage, ne pas virer trop tôt ; Gaëlle défile à trois mètres du bord, de l’eau jusqu’aux chevilles.
Claudie me crie :
- Le cul est dans l’axe.
Je jette un œil au sondeur, en théorie nous sommes échoués !
Mais nous continuons d’avancer doucement, parallèle à la plage, j’interroge :
- Il y a de la marge à tribord ?
- 1,50 mètres.
- 2,00 mètres.
Bon, disons 1,50 mètres avec de l’eau à tribord et 2,5/3 mètres côté plage. Nous avançons lentement, déventés par l’île et le courant dans les fesses. Gaëlle court sur la plage, rentre dans l’eau jusqu’à la taille jusqu’à l’approche de Grotesque, ressort, court, rentre à nouveau, balise vivante et colorée qui guide notre approche.
- Patrick, la branche, me signale Muriel.
- Pas large, me lance Claudie.
C’est vrai, que du bateau, ça semble une toute petite tache turquoise, mais Grotesque pivote doucement ; Blaise mouille l’ancre, arrière et nous posons un peu sèchement le gros nez fluo sur la plage, amarres avant sur un arbre et un rocher.
- Gaëlle et Muriel, vous pouvez retourner voir le …gisant.
Avec Blaise, nous plongeons pour répéter la manœuvre d’hier, chaîne, amarres…
- C’est parfait là, de l’eau douce à 100 mètres, des fruits, des langoustes, constate Claudie.
- C’est plus sur que de nombreux ports mais on manque de visibilité ; là bas au moins, on voyait venir, modérai-je.
- Oui, mais là bas, au milieu du turquoise, ton jaune fluo et tes sommets de mât en orange vif … émet Blaise.
- Oui, tu as raison, d’ailleurs il faudra décoller cet adhésif orange et rendre à la coque sa couleur gris alu.

Nous nous retrouvons tous autour du blessé.
- Alors ?
- Il a bougé, il a dit «Miama » ou quelque chose comme ça, précise Gaëlle.
- Et tu es sur qu’il faille couper ? Demande Blaise.
- Regarde toi-même, propose Gaëlle en soulevant le linge qu’elle a mis sur la plaie. Tu vois là et là, la chair est morte.
Je vois tout devenir blanc autour de moi, je m’allonge jambes appuyées sur un tronc et souffle, la sueur au front.
- Ce sera sans moi.
- Émotif ? Questionne Gaëlle.
- Rien de le dire, confirme Claudie.
Le sang de mes jambes venu à la rescousse de mon pauvre cerveau, je peux continuer :
- Vous vous rendez vous compte de ce que cela représente !
Dégarnir proprement la peau, couper la chair, clamper et coudre les tuyauteries, couper l’os ou la jointure, recoudre la peau, laisser les drains. Oh ! Rien que d’y penser…
Je ferme les yeux, ébloui.
- Qui est la meilleure couturière ? Muriel, tu te vois coudre une artère ?
- Avec un bon éclairage, ça devrait aller, répond elle.
On se regarde avec Blaise, complètement sciés. Il bafouille :
- Le trio infernal, le trio infernal, je te l’avais dit.
Je me relève, vacillant :
-On vous installe cà.
Trois quart d’heure plus tard, nous avons installé une bâche bleue surélevée en son centre, démonté une porte de cabine de Grotesque en guise de table d’opération, tendu une moustiquaire sur le tout et amené les éclairages fluo rechargeables style « camping car ». La seule hésitation fut la porte, désinfecter à l’alcool à brûler où à l’eau de javel. L’eau de javel fut préférée, elle servit aussi pour les sangles à cliquet de Fifille, qui serviront de lien.
- Bon les filles, on le pose sur la porte, lance Blaise ; un, deux, trois…
La porte une fois posée sous la bâche, nous battons prudemment en retraite sur un :
- Si vous avez besoin de quoique ce soit, n’hésitez pas !
- La scie à métaux ? Questionne Muriel.
- Tout passé à l’eau de javel, confirmai-je avant de tomber dans les pommes… - Ca fait longtemps ? Demandai-je.
- Cinq secondes à peine, m’annonce Blaise en allumant nerveusement un chicot.
- Mince, j’aurais aimé qu’elles aient fini, viens on s’éloigne, je ne veux rein entendre.
- Appelez fort, si vous avez besoin les filles !
- Ouais…
Presque deux heures que nous déambulons sur la plage. Blaise mâchouille un deuxième chicot non allumé, apparemment il a décidé de le chiquer.
- A ton avis, ça va être un garçon ou une fille ?
- Couillon, Muriel accouche plus vite que ça, le deuxième est né dans l’ambulance. C’est bon signe, ça veut dire que le type est toujours vivant et qu’elles s’appliquent à faire un travail propre, positive Blaise.
- Tu te rends compte que nous intervenons sur l’avenir si ce type n’en sort alors qu’il aurait du mourir. Peut être, le bon était celui que nous avons poussé dans le trou et celui ci un fieffé salaud…
- Te tortures pas le peu de matière grise qu’il te reste, on peut raisonner à l’envers, à dire que ce qui nous a expédié là voulait qu’on essaie de sauver ce gars. Mais, ça ne sert à rien, Cool ! Décompresse Patrick.
- Et les gars, des lampes frontales, réclame Claudie.
Lorsque nous leurs amenons les lampes, Blaise questionne :
- Dis chérie, tu fais de la broderie ?
Mais devant la lame de scie utilisée, il change vivement son chicot de côté et s’empresse de me rejoindre à l’écart en lançant un, peu vaillant :
- Heureusement, mon boucher est plus vaillant.
Trois heures et enfin elles nous lancent un :
- C’est fini !
Qui nous laisse interrogateur : c’est fini ou c’est fini : il est mort.
- Ca va ? demande prudemment Blaise.
- Mouais, il vit encore, répond Claudie.
- Rhum pour tout l’équipage, lançai-je en battant en retraite vers Grotesque.
- Double, réclame Muriel.
Je ramène le cognac avec quelques verres qui ce soir sont dédaignés. La bouteille passe de main en main et le goulot de bouche en bouche ; seule, Gaëlle reste à l’écart. Muriel nous murmure :
- Elle croit qu’il va mourir.
Je tends la bouteille à Claudie en lui indiquant Gaëlle d’un signe de tête, sans succès. Pas plus avec Muriel ; Blaise semble très absorbé par le bout tout mâchouillé de son chicot, feignant de pas comprendre, il lâche :
- N’en reste plus que six.
Devant tant de coopération, je prends mon courage, enfin ce qu’il en reste, à deux doigts, me lève et lance en m’approchant de Gaëlle, un faussement enjoué :
- Un petit coup, toubib ?
Elle se retourne, sanglotant, et s’agrippe à moi comme elle s’agrippait à Claudie ce matin. Je reste là, les bras ballants, ma bouteille à la main faisant des mimiques désespérées pour réclamer de l’aide au trio rendu rigolard par mon désarroi. Je fixe Claudie lui intimant du regard un ordre muet :
- Viens !
J’en taperais presque du pied comme un gosse frustré. J’agite un doigt dans le dos de Gaëlle en articulant un :
- « Vous allez me le payer » muet.
Seul le regard de Muriel, malgré son fou rire silencieux, semble inquiet, me rappelant notre conversation de tout à l’heure.
Je pose ma main gauche sur l’épaule qui tressaute devant moi et là, ce sont les chutes du Niagara en technicolor. J’ai droit à la totale : les yeux brouillés de larmes, les lèvres gonflées de chagrin, les hoquets et le nez qui coule sur mon tee shirt. J’essaie de botter en touche par un :
- Tu sais, il y a d’autres moyens de me faire le coup du tee shirt mouillé.
Et ça marche en partie, elle oscille entre rires et sanglots m’offrant l’opportunité de réclamer de l’aide.
- Claudie, tu as un mouchoir, s’il te plaît ?
Ce qui me permet de désincruster le bébé et de lui passer le relais.
Je m’approche du duo :
- Vous êtes des salauds !
Muriel de remarquer tout bas à l’adresse de son mari :
- Tu vois, elle est limite.
Moi, je pense à récupérer HK, ce que je m’empresse de faire. En repassant près de la table, je m’aperçois que le gars me suit du regard en gémissant. Nos regards s’accrochent, je hurle :
- Gaëlle, il me regarde :
Aucune réaction, personne ne me croit, jusqu’à ce que le gars crie !
- Isabella !
Du fond de la nuit, un chant d’oiseau semble lui répondre, il sourit et ferme les yeux. Aux autres qui se sont rapprochés, je lâche, sidéré :
- J’ai vu sourire un gars que l’on vient d’amputer sans anesthésie générale !
- Conclusion : le modèle 1552 était plus solide que celui de 2003, résume Blaise.
- Y a pas photo, confirmai-je en prenant une gorgée.
- Au moins, ça a réussi, à ramener Gaëlle parmi nous, murmure Muriel.
- Tu as raison Blaise, ils construisaient solide à l’époque, passes moi ta bouteille Patrick, répond Gaëlle.
- Ca s’appelait la sélection naturelle, conclut Claudie.

Au petit matin, je descends de Grotesque, la marée basse l’a entièrement posé sur le sable, grosse baleine sans vie. Pourtant en faisant le tour, suivi de Léo qui semble regretter le temps des poissons volants, laissant glisser ma main sur sa coque, je lui parle :
- Alors mon gars, loin des glaces, hein ! Va falloir gratter tes hélices.
Puis arrivant vers le gouvernail qui trempe encore d’une vingtaine de centimètres dans l’eau des Caraïbes, je conclus par un :
- T’as vraiment un gros cul !
- Pardon ?
Je sursaute, j’ai du abuser du cognac.
- Tu précises ta pensée, reprend la voix de Muriel depuis le cockpit de pêche.
- Euh : Je parlais de Léo.
- T’as intérêt, continue Muriel descendant de l’échelle de bain pour nous rejoindre
- Allons voir, enchaîne t-elle.
En approchant du lieu de leur exploit d’hier, elle murmure :
- A voir le sourire de Gaëlle, il est toujours vivant.
Non seulement elle sourit mais elle est intarissable, nous apprenant pèle mêle qu’il s’est réveillé trois fois en sa présence, qu’il a bu, que c’est incroyable que…
Je n’écoute plus, je regarde Léo qui à nouveau se prend pour un chien de chasse, truffe au sol. Je demande :
- La, le, enfin la jambe, vous l’avez…
- Enterrée et profond, pas comme toi avec l’embroché, remarque Gaëlle.
- Facile, ce n’est pas la même taille, répliquai-je dans un haussement d’épaules.
Et Gaëlle de repartir :
- L’incroyable efficacité des antibio, pas de résistance, a encore crié « Isabella »…
Je la coupe :
- Comment ?
- Ben oui ! Il a encore crié « Isabella », a souri et puis s’est rendormi.
- Que je suis con !
- Ne te fais pas de mal, il faut vivre avec … m’assène la voix de Blaise dans mon dos.
Je me retourne vers lui, et Claudie, qui arrivent aux nouvelles.
- Sa femme, sa mère, peut être, propose Claudie.
- Quel age a-t-il ?
- Moins de 20 ans, annonce Gaëlle.
- Moi, je dirais 17 ans, précise Muriel, la voix un peu cassée songeant sans doute, à ses enfants.
- Chapeau ! 17 ans et déjà un mort à son actif, ça promet, résume Blaise.
- Et unijambiste, pas si bien parti, rectifie Claudie.
- Hier, qu’a-t-il marmonné ? Questionnai-je.
- Miarrnita,miaernita articule Claudie.
- C’est une marque de rhum ?
- Arrêtes, couillon, je pense qu’il a essayé de questionner : «mi hermanita» ?
Pas de réaction, seul Léo continue ses cercles, truffe au sol ; il va avoir les sinus plein de sable.
- Tu veux dire, la tombe fleurie et celle de sa sœur ? Me questionne Muriel.
- Ils sont fous, venir aux Antilles avec une fille… Commence Blaise,
- Développes, Vas y développes, l’encourage menaçante Muriel les mains sur les hanches.
- On va bientôt le savoir…
- Berk ! Tu ne vas pas creuser ?
- Moi, criai-je horrifié,
Puis essayant de retrouver le ton de la voix :
- Is…Is…Is…Isa...
- Là, tu l’as, me stoppe Gaëlle.
Le regard de Muriel est révélateur de ses pensées :
- Il y a 20 minutes, il parlait à son bateau, maintenant il vocalise… Le vieux a pété les plombs.
Je lève un doigt :
- Ecoutez !
- Ca y est, il se prend pour Trénet, s’exclame, les yeux ébahis de Muriel.

" Seuls les paranoïaques survivent "
19-11-2015 à 18:27:32
- Ca y est, il se prend pour Trénet, s’exclame, les yeux ébahis de Muriel.
Puis je me lance :
- Isabella !
- Et je conclus :
- Elle est vivante, elle a entre 6 et 16 ans.
Me rappelant les traces flairées par Léo, je précise :
- Peut être plus près de six que, elle sait nager et…
- Ah ! Laisse échapper Blaise.
Je n’espérais pas obtenir des «hourras, quel esprit brillant, quel génie» mais un « ah » navré, surmonté par quatre paires d’yeux semblant sonder mon cerveau pour connaître quel rouage à céder me navre.
J’achève, néanmoins, ma phrase :
- Et siffle divinement bien.
Rien, nada, le vide, l’incompréhension, ils me croient fou… Le suis-je ? Je relève un doigt (consternation dans les yeux de Muriel, inquiétude dans ceux de Claudie).
- Ecoutez, écoutez bien, pas de rossignol, d’accord ! Assénai-je, m’énervant.
- Non !
- Bien, écoutez : Isabella !
Et du doigt, je rythme la trille du rossignol qui semble, non, qui répond.
- Curieux, pondère Blaise.
Tu te rappelles le perroquet de Martigues ? Me demande Claudie.
Bien sur, je me rappelle; En passant dans la rue, il suffisait de siffler les premières notes de la Marseillaise, et il était lancé pour plusieurs couplets.
- Léo, toi tu sais que j’ai raison, allez viens Léo.
Et je plante là mes compagnons pour fouiller de fond en comble les deux cabanes construites par les naufragés. Quelques armes, des vêtements, tous de grande taille pour le moins de taille adulte que je rejette en tas, un beau et solide coffre que je ne peux ouvrir… Rien.
En sortant, je remarque une empreinte qui semble être un pied nu.
- Et ça ?
- Arrêtes, Robinson, il n’y a pas de Vendredi, se moque Gaëlle, me montrant ses pieds nus.
- Léo, Léo ! Quand ce chien obéira t il comme un chien ?
Je rentre dans la première cabane, trouve Léo flairant obstinément les vêtements. Son choix semble porté sur une chemise à laquelle est fixée une ficelle en guise de ceinture.
- Bravo Léo, c’est toi le génie, décrétai-je, en tapotant la tête de mon chien.
Entre la boucle et la trace laissée par le nœud, il y a environ quarante à quarante cinq centimètres, maigrichon pour un adulte.
Ma trouvaille, roulée en boule serrée, je ressorts en passant près des autres ; je dis simplement :
- Je vais faire un tour avec Léo, je prends la VHF. Vous m’appelez s’il se passe quoi que ce soit.
- Ah, au fait, j’ai réfléchi, les portables c’est jouable, annonce Blaise.
- Et le ptit déj, j’ai pétri du pain, je le fais cuire dans une heure, plaide Claudie.
A bord, je prends du pain, un peu de confiture, une gourde, les jumelles et au dernier moment mon harmonica.
Je longe la plage au petit trot jusqu’à l’extrémité ouest de l’île, décidé à la remonter contre le vent en son centre.
Je n’ai pas besoin d’aller plus loin pour avoir confirmation définitive de ma théorie. Des pas frais vont de la plage à la végétation, des empreintes d’une vingtaine de centimètres.
Léo flaire les empreintes, je lui fais flairer la chemise, ajoutant :
- Cherche Léo !
Il me regarde, interrogateur : «Tiens, une nouvelle effluve», puis remonte les pas jusqu’à l’herbe et suit une piste apparemment très claire pour lui et pour lui seul. Pourquoi n’a-t-il rien senti hier ? Peut être les
«effluves» de l’embroché l’ont-elles perturbé à moins qu’elles n’aient masqué tout autre trace ?
Déjà, nous arrivons à la piscine, Léo se met à gravir le petit promontoire où je me suis assis hier. Je le rappelle :
- Léo, Viens !
Il me regarde, étonné, on ne joue plus ?
- Léo, si tu as suivi ma trace d’hier, j’aurai du t’appeler Rantanplan, le tançai-je, avant d’ajouter :
- Excuse moi Léo, c’est toi le meilleur, viens ici.
J’ai aperçu des traces humides au bord de la piscine, puis sur une deuxième roche.
Assis, Léo à mes cotés, je sors les jumelles et suis les empreintes fraîches de roche en roche jusqu’à un trou gros comme une feuille de dactylo. L’herbe aplatie à l’entrée comme une coulée de lièvre, me confirme malgré la branche morte qui barre l’entrée.
- Je t’ai trouvé, Isabella !
Espérons qu’il n’y ait qu’une issue. Quelle attitude adoptée ? Je sus persuadée qu’elle ne sortira pas de son trou devant un homme inconnu, même qui semble désarmé. Bon, déjà avoir confirmation de sa présence, je sors bruyamment mon pain, ma confiture et commence à casse croûter. Du coin de l’œil, j’essaie d’observer le terrier. Rien. Montrer que Léo, lorsqu’il n’égorge pas un conquistador, est un gentil toutou. Léo, couché sur le dos, pattes avant repliées n’a rien d’une bête féroce avec ses oreilles de cochon étalées sur l’herbe et sa langue pendant par la gueule entrouverte vers le sol. Toujours rien, malgré les aboiements sonores et joyeux de Léo. Je ne vais quand même pas l’enfumer pour la faire sortir ! L’appeler ? Après tout, pourquoi pas !
- Isabella ! Vienne comigo ! Yo estoy un amigos, tu harmano este vivando !
Ca y est, j’ai épuisé tout mon espagnol.
- Isabellen! Vienne comer con migo continuai-je en étalant de la confiture sur un bout de pain.
Mouvement du côté du terrier, tout en tenant ma tartine bien visible, je porte les jumelles à mes yeux. Elle est bien là, à une si faible distance, sa tête emplir tout l’oculaire ; une peau très mate encadrée par une impressionnante chevelure qui n’a pas rencontré de peigne depuis longtemps.
Je me décide :
- Léo, tu restes là.
Je me dirige vers le trou mais sans rester dans l’axe, ce serait idiot de se faire tuer par cette gamine, arrivé sur le côté ; je pose ma tartine devant le trou et je rejoins Léo qui me regarde avec regret rentrer les mains vides de tartines.
Reprenant les jumelles, j’observe le terrier : finie, disparue, plus de tartine.
De la main gauche, je sors mon harmonica et en tire quelques notes. La tête réapparaît mâchouillant les restes de la défunte tartine. Je lâche trois notes… Et le rossignol les reprend ; cinq, six et là bas, l’écho répond. Après dix minutes de ce jeu ; je tente à nouveau :
- Isabella ! Viene !
Rien du tout. J’appelle à la VHF :
- Vous m’entendez ?
- Bien sur, me répond Blaise.
J’annonce fièrement :
- Avec Léo, nous sommes huit.
Silence.
- Blaise, envoies une femme à la piscine avec du pain et de la confiture.
- Tu veux concevoir le huitième ? Ironise Blaise.
- Non, le huitième est à dix mètres de moi, elle est brune et j’ai besoin d’une femme pour la rassurer.
- Après ce que j’ai vu hier soir, moi ça ne me rassurerait pas, mais je t’en envoie une.
Sept minutes plus tard, Muriel apparaît rouge et essoufflé, elle a du presser le pas, inquiète de mon état mental ou intéressée par ma trouvaille. Ses premiers mots me rassurent :
- Elle est où ?
- Le trou à 15 mètres sur le promontoire avec la branche morte.
- Le tout petit trou, mais on ne peut pas passer par là !
- Détrompes toi, Muriel, il y a 28 ans je passais par ce genre de trou.
- Toi ! Lance t-elle en me soupesant du regard.
- Oui, j’ai pris 25 kilos je sais ; prends les jumelles et regardes !
- Je ne vois rien…
- Bon, écoute !
Portant l’harmonica à mes lèvres, je me dis :
« Si le rossignol reste muet, Muriel me passe la camisole ».
Je lance deux notes : silence puis le rossignol fait écho, quatre notes et l’écho me répond, une quinzaine, le début de La Marseillaise et le rossignol reprend fidèlement …
Je lance :
- Muchas Gracia Isabella !
Et plus bas, : de prouver que je ne suis pas encore sénile…
- Je ne vois rien, continue Muriel.
- tu connais beaucoup de rossignols ou même de perroquets qui sifflent la Marseillaise en 1552, m’emportai-je.
- Je ne dis pas qu’elle n’est pas là ! Me jette Muriel en se retournant vers moi.
Comme je suis assis et elle debout, je ne dois mon salut qu’à mes réflexes. Muriel est comme ça, toujours la poitrine en avant. Je lui fais remarquer :
- Tu aurais pu t’habiller un peu plus ; en 1552, une femme en short et maillot de bain, tu imagines !
- Pas pensé ! Des seins pour cette enfant, c’est rassurant Non ?
- Tu as le pain ?
- Tout chaud, Claudie sortait la première fournée, super hein !
Je coupe et tartine une grosse tranche et réitère ma manœuvre de toute à l’heure.
- Rapide ou affamée, j’ai juste aperçu un bras et hop ! Plus de tartine.
- Bien ! Maintenant il faut la faire sortir, on ne va pas y passer la journée.
- Ca fait quatre ans, une journée de plus ou de moins.
- On essaye, tu t’approches sur le côté et tu parles. Ne te mets pas dans l’axe, si elle est armée et qu’elle ait peur.
- Armée ! Tu crois ? S’inquiète Muriel.
- Non, juste au cas où.
J’essaie une dernière fois.
- Isabella, vienne con nosotros.
Puis je m’assois près de la piscine en essayant de me rappeler les airs que je jouais autrefois, pendant que Muriel, assise à deux mètres du terrier, murmure d’une voix douce le peu d’espagnol qu’elle connaît. Mais le rossignol se contente de répéter ma mélodie. Vaincue, Muriel lâche :
- Elle ne sortira pas, c’est ta barbe qui lui fait peur.
- Je ne vais pas me raser quand même, j’ai déjà les cheveux rares, il fait que je compense.
Muriel m’interroge du regard :
- Quoi ?
- J’ai entendu glousser ton rossignol.
- C’est la tartine qui a du mal passer, poses la gourde à l’entrée.
La gourde à peine posée, un bras se tend et rentre tranquillement avec sa proie. Alors que nous nous regardons avec Muriel, un clair et net : « Merci beaucoup, Senora », nous met KO debout.
Vous imaginez rencontrer un martien qui vous tape dans le dos et vous disant :
«Alors mon pote, ça boume ! »
Et bien c’est l’impression que nous avons : KO debout.
- Elle parle, lâche enfin Muriel
- Tu ne voulais pas qu’elle soit muette ou juste siffleuse.
- Oui, mais français, français comme nous.
Français, c’est possible, comme nous…
- Quel age as-tu ? Demande Muriel.
- Douze ans, à peu près, est la réponse qui sort du terrier.
Je pense : « C’est gagné». La VHF grésille, Claudie s’inquiète :
- Alors, ça va ?
- Oui, le dialogue vient de s’engager avec Muriel… en français.
- En français ! Curieux ! On mange dans deux heures. Langoustes grillées, Gaëlle a encore frappé.
- Muriel, on mange dans deux heures, langoustes grillées.
Elle lance un :
- Encore, écœuré que ses pupilles démentent.
- Isabella ! Tu as compris,nous mangeons dans deux heures.
- Je m’appelle Isabelle.
- Tu es de France ?
- Ma mère l’est.
Je suis surpris de la facilité de compréhension, en quatre siècles le français a du changer… J’interroge :
- Tu comprends bien notre français ?
- Non, j’ai du mal mais je vous écoute depuis hier.
- Tu es née en quelle année ?
Muriel me regard, surprise, pensant :
« Il ne sait plus faire une soustraction de tête. »
- Il y a 12 ans.
- Ca, c’est une lapalissade, j’aurai pu te le dire, me lance Muriel.
Je pense : « n’insiste pas, déjà la faire sortir de son terrier ».
- Isabelle, on te fait peur ?
- Non… La dame n’est pas beaucoup habillée.
- Le nom de ton frère c’est …
- Enrique.
- Enrique va peut être vivre mais nous avons du lui… retirer la jambe abîmée.
- Je peux le voir ?
- Tu n’as qu’à sortir.
- Et le chien ?
- Il s’appelle Léo, il adore les petites filles mais il préfère le poisson, la rassure Muriel.

" Seuls les paranoïaques survivent "
20-11-2015 à 09:38:52
allez un passage un peu "mou du genoux" mais après un peu plus de reve et d'action

- Je retire la branche et tu sors, conclut Muriel.
- D’ac…cord !
Enfin, elle sort. Trois heures pour en arriver là. Elle est plus grande que nous le pensions, mais aussi plus maigre.
- Va falloir la remplumer, remarque Muriel pour qui toute la gente féminine devrait être à son image, confortable et généreuse.
Je confirme par VHF :
- On arrive.
Isabelle m’observe mais ne me pose pas de questions.
- Tu étais à bord quand le galion a coulé ?
- Bien sur, c’était un… une grosse tempête, il a tapé sur les rochers ; la mer était presque deux mètres plus haute, le fond du bateau a cassé, quand il est arrivé à la fosse il a coulé.
Sans doute, un cyclone avec la marée cyclonique, ils ont eu de la chance de s’en sortir.
- Tes bleus, c’est quoi ? Interroge Muriel.
Silence.
- Tes marques là, c’est quoi ? Insiste elle.
- Le gros, c’est le gros, il il …
- Ca va isabelle, on a compris, et j’enchaîne :
- Tu as du t’amuser à nous écouter, essayer de te parler, Non ?
- Ah ça oui ! Les barbus ne me font pas peur, mon père l’était.
En arrivant près de Grotesque, Isabelle le détaille avec insistance et me demande :
- C’est ton bateau, c’est toi qui l’as fait construire ?
- Oui, c’est le notre, nous l’avons dessiné, construit.
Puis j’ajoute :
- Et nous allons au Canada.
- Ah bon.
Pas de réaction.
- Nous allons au Canada alors nous l’avons peint en jaune fluo, précisai-je.
- Oui, il est solide.
- Très, mais tu ne veux pas savoir pour le Canada ?
- Quoi ?
Je la regarde dans les yeux, lui souris et continue par :
- Viens voir ton frère.
Durant notre approche, je précise :
- Voilà mes amis : la brune aux cheveux longs, Claudie ma femme, l’autre brune aux cheveux courts, Gaëlle, son ami Armel a été tué récemment, elle est un peu fragile…
- Je comprends c’est pas facile, ajoute Isabelle.
- L’homme aux cheveux gris, c’est Blaise le mari de Muriel.
- Muriel, c’est moi.
- Et moi, c’est Patrick.
- Alors, tu n’étais pas encore fou, attaque Blaise.
- Et Enrico, il va comment ? Questionne ai je.
- Il s’est à nouveau réveillé et Gaëlle lui a fait boire un mélange qu’elle avait préparé, pas ragoûtant mais soit disant nécessaire ; consigne de Gaëlle : à chaque fois qu’il se réveille, une ou deux gorgées minimum, résume Claudie.
- Bien, je vous laisse dix minutes, et je retourne à bord de Grotesque.
Dans la cabine arrière, j’ai un stock phénoménal de revues nautiques qui alourdit mon bateau ; pour un hivernage, il est intéressant d’avoir des choses à lire, à relire et finalement à brûler dans le petit poêle à bois qui est dans le carré, mi déco, mi chauffage d’appoint et le crépitement sec, c’est super quand la neige masque la moitié des hublots.
Lorsque Claudie m’appelle, je suis en train de lire un article vieux de presque quatre ans, je déchire la page et la glisse, pliée en quatre dans ma poche.
Les braises cuisent doucement six nouvelles victimes de Gaëlle. Elles sont englouties aussi rapidement qu’hier. Aujourd’hui, une bouteille de blanc est sacrifiée et au nombre de toasts portés, nous nous serions crus dans un pays communiste.
- « à Gaëlle, reine du couteau et du bistouri »,
- « à Muriel et Claudie pour leurs langoustes et bon pain »,
Blaise à même glissé : « et à leur talent ».
- « à Blaise, qui va nous trafiquer les portables »,
- « à Isa, qui parle si bien le français »,
Et
- « au vieux qui n’est pas encore sénile ».
- Pourquoi m’appelez vous « le vieux » ? Je vous rappelle que Blaise a un an de plus que moi.
- Oui, mais tu es tellement moins bien conservé, ajoute l’intéressé.
En voyant Gaëlle revivre, Muriel me murmure :
- C’est Mademoiselle tout ou rien, pourvu qu’il vive !
- Quoi ? Interroge Gaëlle.
- Tu connais Muriel, elle se lamente de n’avoir pas pu digérer sa langouste hier.
- Tu as raison, chérie, celle là est bien meilleure elle a moins de sable.
Il s’enfuit près de Grotesque mais Muriel le rattrape et dans un superbe plaquage ils tombent à l’eau sous nos rires.
Je songe : «Bonne journée : un ressuscité, une retrouvée, un moral en hausse, pourvu que çà dure» !
- Tiens Isa, je peux t’appeler Isa ?
- Oui, bien sûr, mon, mes parents m’appellent Isa.
- Tu me montreras où le galion à couler, on va faire un tour en barque, D’accord ?
- Oui.
Je remets Fifille à l’eau, la grée, présente ‘Fille du vent ' à Isabelle, mais ses amis l’appellent Fifille.
Et nous voilà portés avec Léo vers la poire; après une centaine de mètres, je demande :
- Veux tu barrer ?
- Oh oui, c’est comme…
- Comme un optimiste ou plus gros, terminai-je et je continue :
- Comment est ce arrivé pour vous ?
- Il y avait une tempête, le galion a tapé et il a coulé là-bas.
- Isabelle, tu as 12 ans 3 mois et 5 jours donc un rapide calcul tu es née… - le 26 décembre 1539
- D’une famille noble ?
- Oui
- La mademoiselle De Montrignac née le 26 décembre 1990 dans la région bordelaise, c’est exact ?
Elle ne bronche pas, ne pâlit pas, ne pleure pas ; elle est solide surtout elle a eu 4 ans ½ pour le devenir.
- Pourquoi nous mentir, si tu veux, cela restera un secret entre nous, si tu ne veux pas en parler. Tu aurais du être étonnée par Grotesque.
- Il est super ton bateau… mais papa m’a dit de ne jamais parler de notre époque, qu’ils nous tueraient comme sorciers, qu’il ne fallait pas changer l’ordre des choses.
- Et Enrique ?
- Lui, il est du 16ème, fils unique d’un noble qui était à bord du galion ; grâce à son père et à lui, nous rentrions en Espagne. Papa était un architecte connu et il avait dessiné une demeure pour la famille d’Henrique.
- Comment avez-vous rencontré Henrique ?
- Ce galion nous a abordé par accident pendant notre traversée, ils nous ont récupérés. Papa a presque tout de suite compris, moi je me croyais dans un film…. Le père d’Henrique est comme un représentant du roi ou de la reine qui faisait une tournée d’inspection. Nous avons eu de la chance mais en rentrant… conclut elle en montrant le récif. Mon père leur avait dit mais ils ne l’ont pas cru.
- Comment as-tu su mon nom ?
Je lui tends l’article, elle le lit :
- Le plus dur, c’est çà. Penser que tous nous croient morts…
- Tu sais Isa, le mieux c’est de tout raconter aux autres sauf à Henrique bien sur puisque nous sommes du même temps.
- Ca, quand j’ai vu Grotesque sur la plage, j’ai cru être de retour au 20e siècle. Au fait, et vous, à quelle date ça vous est arrivé ?
- Des lueurs, le 13 mars 2003… et puis voilà, terminai-je.
Arrivés à la poire, Isabelle dirige rapidement « Fifille vers la partie S.E., elle n’a pas besoin de m’indiquer la position. a l’approche du galion dans cette eau si claire, il se voit mieux que le nez au milieu du visage, couché sur le flanc bâbord dans moins de 20 mètres d’eau ,de la surface il semble très abîmé.
J’interroge :
- Vous êtes revenus plonger dessus ?
- Au début, papa est revenu pour récupérer du matériel, nous étions douze survivants.
- Douze !
- Oui, et un canot avait pu être sauvé ; alors papa a voulu l’équiper pour aller d’île en île, retourner vers une base espagnole.
- Tous les douze ?
- Non, on pouvait tenir à six mais une nuit, cinq se sont sauvés avec…
- Bon, on rentre et je continue en montrant les bleus que la chemise découvre sur ses bras :
- Faudra que Gaëlle regarde çà.
- Elle est médecin ?
- Non, infirmière.
- Dommage que maman ne soit pas là, elle est chirurgien, c’est pour çà qu’elle n’a pas pu traverser avec nous… Pour les bleus, c’est rien, si j’avais su.
Je respecte son silence, mal à l’aise. Elle reprend :
- Si j’avais su, j’aurais laisser faire Bernardo, je n’en serais pas morte, alors qu’Henrique…
Là, je ne peux m’empêcher de la couper :
- Tu as fait ce qu’il fallait faire et Henrique a bien fait de le trucider.
- C’est pas lui…
De mieux en mieux.
- Tu as bien fait, tu es redoutable avec une épée, dis donc !
- Lorsque Henrique est venu à mon secours, Bernardo a tout de suite tiré, il a sorti sa dague pour tuer Henrique, j’ai ramassé l’épée et …
- Joli coup pour un début, essayai-je de plaisanter.
- Ce n’est pas un début, depuis quatre ans que nous sommes ici, Henrique m’a appliqué la technique que lui avait appliqué son père : entraînement, entraînement.
- Pourtant, il n’a pas l’air dangereux, si jeune.
- A 13 ans, il était considéré comme l’un des meilleur s bretteurs d’Espagne, il me disait :
«J’arrêterai de t’entraîner le jour où tu me battras», et maintenant il est mourant…
- Non, Gaëlle est formelle, il va s’en sortir, mentais-je.
- Mais unijambiste, j’aurais dû…
- Bon, çà suffit ! Coupai-je avec le ton que j’emploie avec Léo, les rares fois ou il obéit ; d’ailleurs, il me regarde étonné, l’air de dire : « qu’est ce que j’ai fait» ?
- Tu as fait çe qu’il fallait, d’ailleurs, j’aurais fait exactement pareil.
Elle me regarde puis éclate de rire. Je suis sûr qu’elle a imaginé Bernardo essayant de … m’attraper.
Comme nous approchons, je questionne :
- Si j’avais eu une fille, j’aurais aimé qu’elle ait ton caractère.
- Et pas mon physique ?
- Ton physique, il a besoin d’au moins six à sept kilos de plus, ton physique.
- Ben tu sais, les fast foods et les sucreries sont loin…
En arrivant sur la plage, je conclus :
- On fait comme tu as dit.

Alors qu’Isabelle part voir Gaëlle et Henrique, je rejoins les autres sur le pont de Grotesque qui aussitôt questionnent :
- Il est là ?
- Apparemment presque intact, drôle d’impression de voir une vieille épave à l’état neuf.
Blaise remarque :
- Coulé là, il est à l’abri du ressac et des forts courants, une chance pour nous.
- La cargaison doit être intacte, continue Claudie, rêveuse.
Je résume pour mes compagnons l’histoire d’Isabelle depuis le naufrage en omettant, comme elle me l’a demandé, ses origines du 20ème siècle. D’ailleurs, la voilà qui revient tenant par la main une Gaëlle souriante.
- Tout arrive, remarque Muriel.
Ce serait bien que la petite s’occupe de la grande en lui laissant croire l’inverse, songeai-je.
- A ton sourire, je présume qu’Henrique va bien, remarque Claudie.
- Pas plus mal qu’hier, déjà miraculeux, précise Muriel.
- Tu me fais visiter ton bateau ? demande Isa à Claudie.
Après m’avoir lancé un regard interrogateur pour l’une et complice pour l’autre, la visite commence. En voyant la vitre étoilée par l’attaque, Isabelle interroge :
- C’est du verre, çà doit être lourd ?
- Très, mais que voulais tu mettre ? demande Claudie.
- Du… du verre moins épais.
Ouf ! Elle a failli se griller, si vite cela n’aurait pas été drôle ; elle enchaîne :
- Tout le bateau est en métal et il ne coule pas ?
- Et non, enchaîne Blaise, comme une coupe en argent dans un seau d’eau.
- Oui j’ai compris.
Et montrant les six portables en partie désossés sur lesquels s’affaire Blaise :
- C’est quoi ?
- Ca c’est pour parler de loin et s’envoyer de images de …
- Des images ! s’exclame Isa, ils sont si petits (maintenant).
Elle va se griller trop tôt, mais mon Blaise reprenant à mon intention :
- Il faut du matos, qu’est ce que je peux cannibaliser ?
- Le petit récepteur radio, les GPS fixes et portables. Ce n’est pas demain la veille que l’on reverra un satellite dans le ciel, alors sers toi.
Avec la même mine gourmande que Muriel devant un bon plat, Blaise se jette sur le matériel sacrifié, désormais inutile et fièrement lance :
- Tu vas voir, ça ne va pas traîner.
Et replonge dans son monde fait d’électronique.
Dans la cuisine, Isabelle demande :
- Pour faire cuire, vous faites comment ?
- Nous avons des bouteilles de propane pour l’hivernage…
Claudie s’interrompt, je lui fais signe de poursuivre.
- ou à l’électricité quand les moteurs tournent ou le petit groupe électrogène, ou le poêle à bois…
Claudie s’interrompt à nouveau et me lance :
- Mais comment veux tu qu’elle comprenne ?
- Oui tu as raison, remarqu’ai-je, entrant dans le jeu d’Isabelle.
Je lui montre la salle des machines et lui explique.
- Non, non moi je vais la toiser et la peser d’abord, intervient Muriel dans son rôle de mère poule.
- Me peser ?
- Oui, avec un appareil sur lequel Muriel refuse de monter depuis longtemps, ironise Blaise, réfugié derrière son écran.

" Seuls les paranoïaques survivent "
21-11-2015 à 11:02:16
- Oui, avec un appareil sur lequel Muriel refuse de monter depuis longtemps, ironise Blaise, réfugié derrière son écran.
Gaëlle a posé devant isabelle l’objet de la discorde :
- Allez, montes.
- Mon Dieu, 30 kilos à peine ! s’exclame Muriel.
- Pour 1.44 mètre, c’est grand en 1552, enfin je veux dire pour 12 ans, se reprend Gaëlle.
- Il faudrait que je l’examines, poursuit Muriel.
- Non, je veux aller voir la salle des des, comment ?
- Des machines, terminai-je.
En passant la porte étanche, Isabelle ne peut s’empêcher de laisser échapper :
- C’est comme dans un chalutier ! La taille des batteries…
- Oui, j’espère qu’elles dureront aussi longtemps qu’elles nous ont coûté cher.
Devant la mine surprise de Claudie qui nous a suivis, je m’apprête à lui expliquer, lorsqu’une sonnerie de portable retentit et, réflexe idiot, c’est la ruée. A ce jeu, Muriel est la plus rapide, elle décroche et lance un  :
- Allo ? nerveux,
Auquel répond de derrière l’écran une voix navrée :
- Mais Muriel, voyons, qui veux tu qui nous appelle ici, maintenant. J’essayais…
- Tu aurais dû prévenir, je croyais… j’espérais, s’emporte Muriel en éclatant en sanglots.
Alors Isabelle, après avoir plongé la main dans sa chemise, en sort quelques gris gris pendus au bout d’une fine lanière de cuir et les yeux embués, en ouvrant le poing fait cet aveu :
- Pour moi, le plus dur, c’est quand elle s’est arrêtée.
Tous les cinq, nous contemplons ce fameux gris gris.
- Une jolie petite montre d’enfant, et elle ajoute :
- 18 mois, elle a marché 18 mois.
Devant l’incompréhension de mes compagnons, je confirme :
- Elle est du 20ème siècle.
- Elle aussi, s’exclame Gaëlle.
- Tu le savais ! s’enflamme Muriel.
- Voulais plaisanter.
Coupant aux discussions, Gaëlle lâche :
Alors, elle n’est finalement pas très grande.
- Et surtout pas très grasse, reprend Muriel qui a déjà repris ses esprits.
- Combien de disparus sont en réalité des…
Hésitant, Blaise cherche ses mots :
- Des naufragés du temps.
Reprenant ses précédentes idées, Gaëlle continue :
- Peut-être, ne sommes nous pas en 1552 mais au fond d’un bocal, un sujet d’expérience…
- Ben, il est drôlement grand ton bocal, la coupe Blaise.
- Si quelqu’un ou quelque chose était capable de recréer tout çà pour une simple expérience, il aurait plus vite fait de nous replacer directement en 1552, enfin aujourd’hui, remarquai-je.
Gaëlle, ne voulant totalement abdiquer, conclut :
- Peut être une expérience en 1552 ?
Claudie, silencieuse depuis un moment, regarde simplement son poignet :
- Moi aussi elle est à pile.
Cette simple phrase fait planer un silence de plusieurs s secondes, chacun contemplant son poignet. Ma vieille «Tissot navigation » de plus de 32 ans s’avère être la seule à se dispenser de ces miraculeuses petites pastilles argentées pour fonctionner.
- Qu’est ce qui lâchera après ? Désespère Muriel.
- Les batteries du portable devraient durer quatre à cinq ans, répond Blaise.
- Et celles du bateau ?
- Pour le démarrage, peut être six ans et celles de servitude, elles auraient résisté en laboratoire à un vieillissement accéléré équivalent à une vingtaine d’année.
- En clair, si l’on vit vieux, nous finirons à la bougie, se lamente Muriel,
avant de continuer :
- Dis chéri, tu ne pourrais pas nous réinventer l’électricité d’ici là ?
- Faut voir, est la seule réponse de Blaise.
Pour dévier la conversation de cette pente défaitiste, je demande à Isabelle :
- Qu’est ce qui te ferait plaisir ?
- Vraiment plaisir ? Si vous aviez une brosse à dent et un peu de dentifrice… mentholé.
La pente est devenue toboggan.
- Au fait Isabelle, questionne Blaise, ils ont du tabac par ici ?
- Et des ruches, il y a des ruches aux Antilles ? demande Muriel.
Et c’est le déferlement de questions auxquels doit faire face Isa cherchant à se rappeler ce qu’elle a vu ou côtoyé durant six mois, quatre ans plus tôt.

Après le léger passage à vide d’hier, tout le monde semble repartir de bonne humeur ce matin. Prenant Isa à part, je lui demande :
- Pourrais tu me rendre un service ?
Et elle me répond :
- Faut voir.
Ce qui prouve que Blaise fait des émules.
- Voilà, Gaëlle n’est pas solide du tout. Si tu pouvais lui laisser à penser que tu as besoin d’elle, comme une grande sœur, etc.…
- Compris, t’inquiètes, je m’en occupe est sa seule réponse accompagné d’un salut vaguement militaire.
Claudie, s’approchant, propose :
- On, enfin vous pourrez plonger aujourd’hui.
Muriel, ajoutant :
- Tu peux venir, pour couler, pas besoin de savoir nager…
Gaëlle décline l’offre.
- Je préfère rester auprès d’Henrique.
- Moi aussi, enchaîne Isabelle en m’adressant un regard entendu.
- Bon, comme Léo n’est pas très bon en plongée, il ne reste que Patrick, Muriel et moi pour aller barboter, conclut Blaise.
Fifille chargée, nous voilà partis en direction du lieu du naufrage. Regardant pensivement par-dessus bord, Muriel remarque :
- On pourrait en ramener quelques unes.
- Quoi ! Encore des langoustes, rétorque Blaise.
- Juste pour épargner les stocks, chéri.
Lorsque nous mouillons près de l’épave, nous sommes à nouveau émerveillés par le foisonnement de vie dans cette fosse et Blaise de résumer :
- Le rêve de tout plongeur.
Puis regardant l’équipement, il lâche :
- On ne risque pas d’avoir froid.
C’est sûr, notre matériel prévu pour les eaux glacées semble déplacer sous les tropiques.
- Mais c’est çà ou rien et rien, çà risque d’être frisquet.
Après quelques contorsions, Blaise parvient à enfiler la combinaison prévue pour Claudie «au cas où » et deux ploufs sonores marquent le début de notre exploration.
Et là, planant dans cette eau cristalline parmi les bulles de Blaise qui me précède, pour la première fois je pense :
« Quelle chance nous avons ! Quelle chance ? Oui finalement devant ces poissons curieux pas encore exterminés, qui par centaines nous entourent. Oui quelle chance !»
Mais déjà, nous approchons du pavois tribord du galion, à peine onze mètres au profondimètre. Vu sous cet angle, il semble intact, à part les caps de mouton et le gréement qui n’ont pas résisté à la mer. Les vergues et les antennes ont disparu des deux mats qui se dressent encore fièrement dans leur emplanture. Seul, le mât d’artimon est brisé à environ deux mètres au dessus du pont. Lors du naufrage, les vagues ont balayé du pont tout ce qui s’y trouvait mais inexplicablement, une couleuvrine pointe encore vers la surface. En s’arrêtant près d’elle, je suis sûr que Blaise songe comme moi au reste sanglant du pauvre Armel, victime sans doute de ce genre d’arme…
Sans s’être concertés, instinctivement, nous nous dirigeons vers l’arrière de l’épave. Après une légère hésitation, nous pénétrons dans le château; la lumière ne diffusant plus que par quelques ouvertures, cela donne l’impression d’une scène éclairée par quelques faisceaux de projecteurs laissant dans une semi pénombre bleutée la majeure partie de l’espace où nous venons de pénétrer, féerique et un peu inquiétant.
Apparemment, pas de risque de rencontrer les ex occupants des lieux, ils ont dû se précipiter à l’extérieur où la mer les a tous noyés, tous sauf douze qui ont eu une incroyable chance. Malheureusement, contrairement à ce que laissait espérer l’aspect extérieur, la structure à fortement été ébranlée, tout ce qui devait se trouver dans cet espace a dû être arraché par le choc et doit se trouver, pour les choses les plus lourdes contre le flanc bâbord, sous le sable qui doucement, inexorablement à commencer son œuvre d’ensevelissement.
Nous nous regardons avec Blaise, cela ne va pas être facile.
Pas de coffres éventrés débordant de joyaux étincelants dans les rais de lumière, pas de pièces d’or, de parures aztèques attendant qu’on les cueille. Non, juste du sable avec quelques protubérances informes vers lesquelles nous palmons. Heureusement, il s’agit de sable et non pas de vase pulvérulente ; un gros mérou curieux s’installe au dessus de nous semblant jauger nos efforts comme un contre maître silencieux.
Après bien des efforts, nous dégageons successivement une écuelle, une bouteille, une dague et un minuscule coffret… La gente féminine va être déçue de notre pêche qui n’a rien de miraculeuse. Seule, une myriade de petits poissons multicolores intéressés entourent nos mains lorsque nous bougeons le sable semblant trouver une invisible pitance parmi ce minéral déplacé.
Blaise me tape sur l’épaule : il va falloir remonter.
Au sortir du galion, en regardant vers Fifille, l’on rencontre le regard émerveillé de Muriel qui nous observe à travers le seau à fond de verre qui me sert à vérifier mon mouillage lorsque l’eau est trop froide pour plonger.
Une brusque volte face des poissons qui nous entourent, suivi de l’apparition d’une forme fuselée gris mât, nous rappelle qu’il n’y a pas que de gentils mérous dans ces eaux turquoises.
Après être remontés, non sans mal à bord de Fifille, nous ne pouvons que rire devant la mine déçue de Muriel contemplant notre maigre butin.
- C’est tout !
- Ben oui, chérie, mais sur le chemin du retour nous prendrons des langoustes.
- A quand même.
Je remarque :
- Il faudrait aussi ramener le canot ici ; il est plus stable et l’amarrer à l’étrave avec une des amarres que nous avons laissée au sommet de la poire.
Cela nous prit une heure, une heure d’efforts supplémentaires et lorsque sur la route du retour, Muriel questionne :
- Les langoustes ?
Blaise se contente de répliquer :
- Chérie, tu sais où elles sont.
Moins de quinze minutes plus tard, devant une Muriel trempée et radieuse, admirant le butin de pêche, Blaise constate goguenard :
- Aussi bonne plongeuse que Gaëlle si la gourmandise la motive.
Arrivés à l’arrière de Grotesque, Claudie nous amarre cherchant du regard les réponses espérées, puis lâche un :
- C’est tout ? Interrogateur.
Auquel répond Blaise :
- Oui, Muriel n’en a pêché que huit.
Claudie veut préciser :
-Non ! Les…
Je la coupe par un :
- Plein de sable et nous ne savons pas où chercher.
- Henrique pourra vous aider, il est conscient et parle avec Isabelle.
Et remarquant les langoustes que flaire Léo, elle ajoute ironique :
- Oh, des langoustes, çà faisait longtemps.
- On mange dans une demi-heure, abrège Muriel.
- Bon, nous avons le temps d’ouvrir le coffre, propose Blaise.
Le coffret est fait d’un bois dur que le couteau a du mal à marquer, un peu comme du bois de Lim Vietnamien, avec tout un quadrillage de fer que l’électrolyse a rendu brillant comme du fer neuf et… une serrure qui trente minutes plus tard nous résiste toujours, cassée, bloquée par le sable. Blaise finit par conclure :
- Va falloir employer la manière forte.
Connaissant Blaise, je crains le pire ; sorti de l’informatique quand il parle de manière forte ce n‘est pas des paroles en l’air. Cela veut dire masse, hache ou pire encore.
Alors qu’il est parti chercher un outil digne de ses prétentions, Isabelle grimpe à bord et devant le minuscule coffret, s’exclame :
- Vous l’avez trouvé ! C’est merveilleux. Henrique va être heureux !
Et elle repart plus rapidement qu’elle n’est arrivée.
Devant l’apparition de Blaise, masse de cinq kilos à la main, je tempère son ardeur en l’informant :
- Le coffret est important.
- Ahh ! Ravi de Blaise.
- Il est à Henrique.
- Ahh ! Déçu du même Blaise.
A Isabelle, revenue encore plus rapidement qu’elle n’avait disparu, Blaise demande :
- Qu’est ce qu’il contient ?
- Un insigne, un collier symbolisant la charge, la fonction héréditaire dont bénéficie la famille d’Henrique depuis…
Devant le bras armé de la masse qui se lève, Isa s’interrompt et nous montre…une clé finement ouvragée.
- Isabelle, la clé est en excellent état mais la serrure…

" Seuls les paranoïaques survivent "
21-11-2015 à 11:26:14
Le pire c'est lorsque nous arriverons aux causes du "bordel" à notre époque...par ce que là nous prenons le chemin de cette fiction écrite en 2005...mais bons c'est encore dans un bon paquets de pages

" Seuls les paranoïaques survivent "
21-11-2015 à 11:39:57
la suiiiiite !!!
21-11-2015 à 13:53:50
Lorsque j'avais vu que le responsable de l'autre site avait créé une "maison d'édition" je lui avais propose de l'éditer .... vous avez échappé à 2 précommandes

" Seuls les paranoïaques survivent "
21-11-2015 à 17:21:50
- Isabelle, la clé est en excellent état mais la serrure…
-Il n’y a qu’à scier les charnières.
On se retrouve tous idiots devant la remarque de Claudie tellement elle est évidente. Blaise remarque écœuré :
- Nous n’avons plus grand-chose entre les oreilles.
- Un quart heure plus tard, les charnières cèdent et révèlent le contenu du coffret : un collier avec un gros médaillon se terminant par un méplat gravé, le tout probablement en or car lourd et intact.
- Quel poids, demande Muriel oubliant les langoustes trop cuites.
- Je l’emmène à Henrique, coupe Isabelle.
- Nous n’avons pas fait de bulles pour rien, se console Blaise.
- Oui, mais çà donne faim.
- Mes langoustes ! Hurle Muriel se précipitant vers les braises.
- Finalement, nous avons le même plat avec des accommodations différentes : langoustes passées au sable et sel, langoustes charbon de bois…
- Ca suffit Chéri ! Interrompt Muriel.
A Isabelle qui revient, Blaise annonce :
- Dépêche toi sinon Muriel ou Léo va te manger ta part.
- Un combat de titans,
- Non de gourmands.
- Henrique vous remercie énormément, il ne comprend pas comment vous avez pu plonger assez longtemps pour le retrouver mais il se dit votre obligé, précise Isabelle.
- Ca nous fait une belle jambe, commente Blaise.
Mais devant le regard assombri d’Isabelle, le voilà qui bafouille, s’excuse ; je ne reconnais plus mon Blaise.
- Je sais ce que tu voulais dire, mais Henrique vient de me confier à quel point c’est dur pour lui.
- Il a mal ?
- Bien sûr, mais le plus pénible, c’est qu’il voulait être le meilleur et maintenant, maintenant…
- On va lui faire une jambe du tonnerre, tu vas voir, essaie de se racheter Blaise.
- Gaëlle, comment est il ? Interrogeai-je.
- Étonnamment bien, nous pourrions le déplacer.
- Pour le mettre où, à bord ? Questionne Claudie.
- Mais il va voir tout ça, tout ce qui n’existe pas encore, comment être sûr de son silence ? Être sur qu’il ne parlera jamais ? Enchaîne Muriel.
- Facile, tu as une bible ?
- Nous nous entre regardons, apparemment ce n’est pas notre livre de chevet.
- Muriel ?
- Non.
Dans les livres de ta grand-mère peut être, soumet Claudie.
- Peut être mais pourquoi Isa ?
- Tu lui fais jurer sur la «Sainte Bible», tu es sur que même sur le bûcher il ne parlera pas.
- On ne lui en demande pas tant, s’émeut Blaise
Puis se tournant vers moi, à mi voix :
- Pas bon pour les jambes de bois le bûcher.
Ouf ! Je retrouve Blaise.
- j’en ai une, s’exclame Claudie brandissant le livre sur lequel on a tous parjuré au fil des siècles.
- Nous irons voir Henrique dès que tu auras mangé, concluai-je.
C’est vrai qu’il se rétablit vite le gaillard ; alors qu’avec Muriel et Blaise, nous nous approchons de la moustiquaire qui lui tient de lieu de tente, nous l’observons à loisir. Plus de sueur malsaine et de teint livide, c’est sur, il est solide. Blaise dans un lapidaire «Je ne regrette pas ma croix » résume notre pensée à tous.
Devant ce jeune fraîchement amputé avec ma Bible à la main, je me sens couillon. Heureusement, c’est Henrique qui prend l’initiative. Il se lance dans une tirade qu’Isabelle traduit d’un bref :
- Il se présente.
- Ah bon ! On n’est pas sorti de l’auberge, glisse Blaise entre ses dents.
Henrique continue et Isabelle finit par nous traduire :
- Isabelle m’a expliqué : je suis prêt à jurer sur la « Sainte Bible » de ne jamais parler de ce que je verrai ou de ce que j’ai compris…
- Qu’a-t-il compris ?
- Beaucoup, beaucoup trop, s’il parlait…, lance Gaëlle qui vient de nous rejoindre avec Claudie.
- Ca fait réunion au sommet, non ? Remarque Claudie.
Tendant le fameux livre à Isabelle, je dis ;
- Bon, il jure et on l’embarque.
Henrique nous regarde tour à tour, puis traduit à Isabelle :
- Il jure comme demandé et il ajoute qu’il vous est redevable de nous avoir sauvé et que… s’il doit sacrifier sa vie pour nous sauver, il le fera, conclut Isa en lui passant une main sur le front.
- La classe… mais on le préfère vivant plutôt que mort.
Alors Henrique ajoute une phrase et Isabelle traduit :
- C’est un beau chien.
Nous nous retournons. Léo est assis derrière nous, observant la scène, fier comme un pape.

- Je ne ferais pas ça tous le jours, remarque Blaise rouge et essoufflé.
Je ne dois pas avoir meilleur aspect que lui et il a raison ; porter la porte avec Henrique dessus, poser le tout sur zozo, puis dans le cockpit de pêche, et enfin sur le pont. Ouf !
Henrique, étonnement stoïque durant le transport mouvementé, observe avec une curiosité évidente tant de choses nouvelles : winchs, câbles inox, éoliennes, écoutes synthétiques, etc…
- Isa, tu pourras lui demander des renseignements sur le galion ? La cargaison, l’emplacement des choses intéressantes ;
- Il pourrait faire un croquis, propose Muriel.
Je demande à Claudie :
- Tu viens barboter à la piscine ?
Sur quoi Claudie se jette à l’eau du cockpit de pêche en criant :
- Viens Léo !
- Elle ne prend de risques, elle a pied, remarque Blaise.
Alors que je rejoins Léo et Claudie sur la plage, elle constate :
- Au moins, nous avons sauvé une vie peut être deux.
Je poursuis :
- Et supprimé une bonne dizaine.
- Tu as une mentalité de comptable, me lâche t-elle en s’élançant vers la piscine
- Si je t’attrape… commençai-je
- Léo est le premier à l’eau, suivi de Claudie qui crie dans ma direction :
- Faudrait perdre encore quelques kilos si tu veux m’attraper.
Essoufflé, je m’affale dans cette eau presque trop chaude. Je resterais des heures à regarder sourdre les chapelets de perles argentés du fond de ce bassin que l’on croirait façonnés par des mains d’homme ; juste des pierres et un peu de sable, pas de vase et d’herbe, ni de canettes de bière.
- Ce serait merveilleux… si nous étions en 2003
- C’est merveilleux tout court.
- Oui, mais tu as vu la joie presque le bonheur d’Isabelle devant une simple brosse à dents et du dentifrice, poursuit Claudie. Tu sais aussi bien que moi que nos stocks, bien que conséquents, ne sont pas éternels.
- Je sais, plus de chicots, plus de parmesan, presque plus de crèmes solaires.
- Les allumettes, le vinaigre, il n’en reste pas beaucoup, de shampoings…
J’interromps Claudie :
- Ca va, nous verrons ce que l’encyclopédie nous apprendra à remplacer.
- L’ordi peut lâcher d’un moment à l’autre. Pfft ! Plus d’infos, remarque t-elle décidément défaitiste.
- Tu as raison ; on va lister les choses importantes, chercher les infos et les noter.
- Tant qu’on a du papier et des stylos.
- Arrêtes ! Regardes autour de toi, c’est le paradis, jouis du spectacle.
- Puisque tu en parles, je crois que je vais croquer …la pomme.
Un ange passe et choqué s’enfuit, poursuivi de Léo.
De retour au bateau, Muriel nous accueille, les yeux plus brillants que ceux de Claudie. L’or aurait il plus d’effet que… le plaisir de la chair ?
- C’est incroyable ce que transporte le galion, bien plus que dans ton livre, Patrick.
- C’est normal, cela veut dire que la différence nous allons la sortir de l’épave, remarque Claudie toujours logique.
- Oui, nous ou quelqu’un d’autre, rectifiai-je.
- Non, non ! Nous, insiste Claudie qui adore toujours autant l’or.
- Alors, nous sommes milliardaires, s’enflamme Muriel.
Je n’ose doucher son enthousiasme d’un : «En 1552», car finalement le rêve a du bon , je me contente de dire :
- Montres les croquis, beau coup de crayon, on s’y croirait presque.
- C’est là, indique Blaise.
- Manana, concluai-je.

Notre contre maître le Mérou nous accueille à notre arrivée sur l’épave ; nous nous dirigeons directement vers l’endroit indiqué sur le croquis de Muriel pour rechercher un coffre qui a fait allumer une lueur émeraude dans les prunelles de la gente féminine.
Un coffre d’environ soixante centimètres de long sur trente par trente, sensé contenir un pur produit d’Amérique du sud : des émeraudes.
Dix minutes, dix petites minutes, descente comprise, et nous l’avons trouvé presque trop facilement. Sans doute, son contenu moins lourd lui a évité d’être trop enfoncé dans le sable. Deux gros pare battages sont amarrés au coffre, puis en partie regonflés nous n’avons plus qu’à le remorquer. Dès notre apparition à l’extérieur de l’épave, le bruit d’un plongeon nous fait relever la tête, Gaëlle se dirige vers nous. La mimique que Blaise échange avec moi me confirme qu’il apprécie le spectacle à sa juste valeur.
Les pare battages plus gonflés par leur légère ascension tirent désormais le coffre doucement, puis de plus en plus rapidement vers la surface.
Nous suivons l’ascension de ces formes rebondies avec plaisir.
Il faudra s’y mettre à quatre pour hisser ce coffre à bord du canot, non sans avoir laissé à plusieurs reprises l’eau s’écouler.
Dès qu’il est à bord du canot, Claudie et Gaëlle s’active pour tenter de l’ouvrir alors que Blaise et moi allongés sur le banc de nage essayons de récupérer en les observant, narquois. Claudie se retourne et nous lance :
- Au lieu de profiter du spectacle, venez nous aider !
- Quoi ! Nous ? Se défend Blaise.
- Laisses le s’égoutter, nous le transborderons sur Fifille, on l’ouvrira sur Grotesque, conseillai je.
- Il faudra mettre la masse et le burin dans le canot, remarque Claudie.
- Non, il faudra plonger avec, les autres coffres sont beaucoup plus lourds. Sans Grotesque sur place, impossible de les sortir de l’eau entiers, il faudra les vider au fond, propose Blaise.
- Nous sommes si bien là bas, plaide Claudie en désignant Grotesque, grosse baleine en partie échouée sur la plage.
- En attendant, mettons ce coffre sur Fifille.
Après notre petite navigation tranquille, Muriel nous accueille par un :
- Déjà ! Déçue.
- Ca fait plaisir, chérie, je reviens te couvrir de joyaux et voilà comment tu me reçois, se désole Blaise.
- Vous l’avez, vous l’avez !
C’est la ruée, seul Henrique se contente de lever la tête et Léo…boude, mécontent d’avoir été abandonné sur Grotesque.
Mais Muriel et Isabelle sont déjà dans le cockpit de pêche avec les palans des bossoirs. En un tour de main, le coffre se retrouve sur le pont.
- Il pue, constate Muriel.
- Juste une odeur de poissons.
Le mot magique, Léo a tendu le cou, hume le délicat fumet (pour lui) et se précipite vers le coffre qu’il regarde, déçu…
Un quart heure à batailler pour ouvrir ce satané coffre ; lorsqu’enfin je relève le couvercle vers moi, je n’ai pas besoin de baisser les yeux pour être rassuré sur le contenu. Le «Ohhhh ! » émerveillé de tous m’a déjà rassuré me rappelant le même «Ohhhh !» émerveillé d’un public de cinéma devant le contenu inattendu d’une batterie auto… presque 40 ans plus tôt, mais là avec le soleil tropical en plus.
Claudie, Muriel Gaëlle et Isa se pressent contre le coffre. C’est magique. Je lance un clin d’œil à Blaise et d’un seul mouvement l’on renverse le coffre dont le contenu, comme un liquide, déferle en mini vague émeraude teintant la blancheur du pont d’une multitude de reflets suivant la taille des pierres. Blaise, stupéfait, remarque :
- Ils ne faisaient pas dans le petit modèle à l’époque.
- Regardes celle là, me demande Claudie en me montrant une pierre d’un vert profond, grosse comme la première phalange de mon pouce.
- Elles ont n’importe quelle forme, remarque Isabelle.
- Elles sont brutes, pas taillées mais une pierre comme… tiens c'elle la, au 20ème siècle et tu es riche.
- Et au 16e, s’informe Gaëlle pour une fois plus terre à terre que Claudie.
- Demandons à Henrique.
Isabelle traduit :
- De 20 à 30 fois son poids en or.
- Ca ne le choque pas que nous pillions, enfin que nous récupérons cela dans le galion ? Interrogeai-je.
Isabelle à nouveau traduit :
- Si c’est fait, c’est que Dieu l’a voulu. Il a vu la croix de Claudie et de Muriel, alors il précise que ce n’est pas tombé dans les mains d’infidèles et c’est le principal.
Après une nouvelle tirade, Isa enchaîne :

" Seuls les paranoïaques survivent "
22-11-2015 à 09:49:52
Après une nouvelle tirade, Isa enchaîne :
- S’il vous décrit un coffre, pourriez vous lui ramener ? Ce serait celui de son père, dedans il y aurait…
Je l’interromps :
- Peu importe ce qui il y a dedans, si nous le trouvons, nous lui remontons.
Blaise intervient :
- Si nous trouvons de l’or, je vais me recycler dans la bijouterie, pardon dans la joaillerie.
Et chacun d’étaler des pierres dans d’hypothétiques colliers, parures, pendentifs. Nous sommes tous heureux d’avoir remonté ce précieux butin qui nous est pourtant parfaitement inutile. Mais, je ne vais pas casser l’ambiance en disant que j’aurais préféré trouver une caisse de munitions ou une citerne de gazole. Et je ne suis pas insensible à la fortune que symbolise cette vague verte étalée sur le pont de Grotesque. Prenant une pierre de taille moyenne, je la passe devant Claudie et je commente :
- Tiens ta voiture de sport qui te faisait envie.
- Une petite, trouvez en une petite pour mon nombril, réclame Gaëlle.
Commence la traque à la petite pierre.
- Celle la enfin, propose Muriel plaçant une petite pierre grosse comme un ongle devant le nombril en question.
- Elle ne tiendra pas, remarquai-je.
- Si, si vous faites un bijou avec mon piercing.
- C’est vrai, j’avais oublié que comme beaucoup de jeunes, Gaëlle est pleine de trous.
- Tu as raison miss gruyère, je ferai une fixation, susurre Blaise.
- Oh ! La fixation, tu l’as déjà faite, assène Muriel, hilare.
Je viens au secours de Blaise en proposant :
- Chacun prend une dizaine de pierres et le reste on le range dans un bidon étanche à fond de cale, ça vous va ?
- Avec le reste, on pourrait jouer au monopoly, propose Isa.
- Ou au strip poker, continue Gaëlle.
- Avec ce que tu portes, tu as perdu avant de commencer remarque Claudie.
- En parlant de vêtement, comme tu es la seule à t’habiller au rayon «ado », tu as peut être un maillot de bain pour Isa ?
Après un haussement d’épaules, Gaëlle invite Isabelle à la suivre, chacune emportant leurs cailloux serrés contre elles.
A leur retour, le pont est débarrassé ; malgré les six ponctions faites sur le tas, il nous a fallu deux bidons étanches de 15 litres pour tout faire disparaître.
Fière de son premier maillot de bain depuis 4 ans ½ et sans doute de son premier soutien…pas grand-chose (aurait dit Blaise), Isa nous la fait défilé de mode et les commentaires sont de :
- Superbe de Claudie,
-Faut absolument que tu manges de Muriel,
Les « Aie, aie, aie, les bleus» de Blaise crispent un peu le sourire d’Isabelle. J’essaie de rétablir l’ambiance en précisant :
- Pardon,Gaelle, je rectifie : ton maillot va parfaitement à une lolita de 12 ans un peu maigre. Donc tu t’habilles au rayon «fillette» !
- Maintenant, tu as les moyens d’acheter plus de tissus, enchaîne Blaise.
Se redressant, Gaëlle questionne :
- Fillette ! Vraiment ?
Avec un bel ensemble, notre cri du cœur jaillit :
- Joker !

Aujourd’hui nous ne verrons pas notre contre maître Le Mérou, Gaëlle et Muriel ayant décidé qu’elles plongeraient et que les petits vieux se reposeraient à bord du canot.
- Je ne fais pas un peu pingouin avec ta combinaison, m’interroge Muriel.
- Tu fais presque vingt centimètres de moins mais tu as plus de pectoraux, ça compense.
- Tu ne vas pas un défilé de mode de toute façon, avec ou sans, tu es sexy.
Puis d’une claque sonore sur une partie charnue de son individu, Blaise l’envoie à l’eau. Gaëlle se retourne et demande :
- Et moi, personne ne m’aide ?
- Toi, gardes ton souffle, tu vas en avoir besoin.
Après les avoir regardées disparaître dans l’épave, Blaise se redresse et remarque :
- Finalement, c’est moins stressant d’y être que d’attendre, et le narguilé ?
- Le narguilé ne permet pas de descendre à plus de dix mètres et puis il faudrait que Grotesque soit ici pour l’énergie.
Dix minutes plus tard, Blaise commence à s’impatienter.
- Mais qu’est ce qu’elles font ?
- Tu as raison, vaut mieux être en bas.
Mais nous n’avons ni l’âge, ni la forme de Gaëlle.
- On pourrait aller jusqu’au pavois ?
- Oui, mais on le voit très bien d’ici, alors calmes toi, elles sont meilleures nageuses que nous.
Sautant du coq à l’âne :
- Nous sommes un peu idiot, courir après un trésor sitôt projeté dans le passé ?
Ma moitié normande prenant la parole, je lui réponds d’un laconique :
- Oui et Non.
- Tu as raison, oui si nous restons à l’écart de la société et non si nous essayons de faire notre trou quelque part.
- Au 16ème siècle encore plus qu’au 21ème il vaut mieux être riche, donc puissant que pauvre…
- Et impuissant, termine Blaise en me tapant sur le dos !
Décidément, Blaise sera toujours gaulois quelque soit l’époque. Finalement, ½ heure plus tard, Blaise soulagé annonce :
- Elles sortent !
En effet, elles sont contre le pavois, insufflent un peu plus d’air dans les pare battages qui s’élancent vers nous entraînant leur cargaison. Nous nageons vers les deux globes blancs qui viennent crever la surface turquoise et nous les remorquons vers le canot à couple duquel est amarrée Fifille.
- Vu le peu qui émerge du pare bat, ça doit être lourd, constate Blaise.
- On devrait fixer un mâtereau dans le canot et y gréer un palan sinon on va y laisser toutes nos vertèbres.
- On n’y arrivera pas comme ça, il suffit de vider les sacs, propose Blaise.
Mais les pare battages sont noués autour des sacs. - Notre ego va en prendre un coup, il va falloir attendre la remontée des faibles femmes, remarquai-je.
- On n’a pas fini d’en entendre parler, pronostique Blaise.
Dès que les deux têtes émergent, les premières paroles de nos rainettes, comme les appellent Blaise sont :
- Besoin d’aide ?
Le regard de Blaise me dit clairement :
- Je te l’avais dit.
- Non, nous ne voulions pas vous priver le plaisir de sortir votre pêche de l’eau, mentai je.
- Mais si vous voulez, on peut vous aider, renchérit Blaise.
Même à quatre, cela n’a pas été facile, malgré les efforts nécessaires. Muriel et Gaëlle n’arrêtent pas de parler de leur plongée ?
- Des coffres gros comme ça, …du sable,….emmêles…, or…., plastron… collier ouverture…masse…
- La masse, vous l’avez laissée au fond ? M’exclamai-je.
- Elle est dans un sac, rassure Muriel.
- A ben alors, vous n’avez rien ramené de bien lourd, la taquine Blaise.
Et pendant le trajet retour, piochant au hasard dans leur butin, apparaissent tour à tour collier, bracelet, parement divers… (A Rechercher).
Curieuse impression de se dire qu’il y a sans doute cinq ans à peine, quelques nobles indiennes portaient ces mêmes parures, cinq ans et non pas cinq siècles, une manière de plus de se sentir si loin de
« chez soi ».
Lorsque nous étalons notre pêche de la journée sur le pont de Grotesque, il n’y a pas la même excitation qu’hier devant ces pierres superbes et anonymes. Aujourd’hui, toutes ces parures magnifiques ont le témoignage d’une civilisation qui se meurt, victime de l’envahisseur et des trahisons, alliances et trahisons au sein du même peuple jusqu’à sa perte.
- Quel poids ? Interroge Claudie, égale à elle-même.
Nous voilà entassant ces symboles de tout un peuple sur une balance comme de simples paquets de sucre ; dire que dans 450 ans, les musées s’arracheront de tels trésors.
Claudie, crayon levé, annonce le total de nos pesées :
- 65 kilos au prix de l’or, ça doit faire environ 650000 euros. Et bien les filles, vous êtes les plongeuses les mieux payées du 21ème siècle !
- Du 16ème, rectifie Blaise.
- Et encore, tu n’as pas pris en compte la valeur historique, remarque Muriel.
- Tu sais, la valeur historique, je crois que les gens du 16ème s’en moque un peu. Ils vont sortir, je crois, près de 400 tonnes d’or et environ 25 000 tonnes d’argent de l’Amérique, la valeur historique se compte en kilo, c’est tout.
- Je peux prendre ce collier ? demande Isabelle en montrant (A Décrire).
- Bien sur, chacun prend ce qui lui fait envie et le reste…
Je suis interrompu par un chœur de : - A fond de cale !
- Quel meilleur lest, une fois et demi plus dense que du plomb, environ 18 kilos au litre, précise Blaise.
- Mais pourquoi est-ce si jaune ? Interroge Isabelle.
- 24 carats ou presque, pas 18 comme en France, de l’or, du vrai, lui explique Claudie.

Depuis une semaine, nous allons à la mine tous les matins sous l’œil de notre contre maître favori, car silencieux le Mérou.
Nous avons vidé le coffre ouvert par Gaëlle et Muriel, puis forcé un deuxième rempli de pièces et de curieux petits lingots et la remarque blasée de Blaise fut :
- Ce sera plus facile à ranger.
Hier, nous avons repéré le coffre décrit par Henrique mais à deux, malgré nos efforts, nous n’avons pu le sortir. Aujourd’hui, nous essayons la proposition de Gaëlle : descendre à quatre sur les deux bouteilles munies des deux détendeurs.
J’annonce :
- Muriel et Blaise, vous prenez la bouteille et Gaëlle et moi les détendeurs auxiliaires.
- Ce n’est pas logique, intervient Gaëlle, Muriel et moi sommes meilleures nageuses, c’est nous qui devrions avoir les auxiliaires.
- Elle a raison, renchérit Muriel.
- Mais je préférerais…
- Je viens avec toi Patrick, me coupe Muriel.
Alors que Blaise et Gaëlle entament leur plongée, Muriel ajoute pour mes seules oreilles.
- Tu avais peur d’être relié à Gaëlle ?
- Tu n’as pas peur qu’elle ait la même bouteille que Blaise.
- En 2003 Oui, en 1552 il faudra bien trouver une solution.
Devant mon air surpris, connaissant la jalousie habituelle de Muriel, il y a de quoi. Elle me ramène à la réalité par :
- Galion, plongée, coffres, ouh ouh ! Il y a quelqu’un ?
- T’as intérêt à me suivre sinon, couic, je te coupe l’air.
Nous rejoignons Blaise et Gaëlle et nous les suivons sur un chemin désormais familier. Salut Mérou !
Salut sale gueule de murène, dans ton trou ! Bonjour multitude curieuse, dévoreuse d’invisible entre mes doigts ! Et enfin, bonjour, notre problème du jour, le trop coincé coffre d’Henrique, en partie soulagée par des pare battages. Hier, nous n’avons pas pu le dégager, bloqué qu’il est entre une épontille et la cloison déformée par le poids du sable et de tout ce qui a ripé lors du naufrage.
Deux autres pare battages sont gonflés pour soulager le coffre, puis Blaise et Gaëlle se glissant derrière le coffre font levier pour le sortir alors qu’avec Muriel nous tirons sur le palan gréé pour le dégager. Tout se tend levier, muscles, palan, mais rien ne s’ébranle. Nouvel effort et d’un seul coup, d’un seul, le coffre jaillit vers nous comme un pépin de citron pincé entre deux doigts et se précipite vers le plafond ou les pare battages vont se presser contre les barrots.
Et c’est l’accident. Privé de cet appui, la cloison cède et se déverse sur Blaise et Gaëlle pendant ce qui nous semble une éternité. Nous ne voyons que du sable en suspension, puis Blaise apparaît, la tête contre les barrots, un pied semblant pris dans l’éboulis hétéroclite, qui nous fait signe vers le bas… Dans son dos, pend le deuxième détendeur, 1,50 mètre plus bas.
Tout contre l’épontille, Gaëlle émerge du sable, le masque arraché mais consciente. Ouf ! Je laisse ma bouteille à Muriel et Gaëlle, m’approche de Blaise, récupère le détendeur laissé libre ; en deux minutes, le pied de Blaise est dégagé…sans palmes. « Une palme, ce n’est pas cher payé notre bêtise, me réjouissai-je ».
Mais en nous rapprochant des rainettes, nous déchantons. Blaise, qui a vu dans les yeux de sa femme un début de panique, lui fait signe de se calmer avant d’à son tour échanger avec moi un regard éperdu.
Seule, Gaëlle semble rester calme à moins qu’elle ne soit assommée, sa jambe gauche coincée à mi cuisse contre le reste de la cloison et le plancher ; un léger filet rosé semble sourdre des planches elles mêmes.
Avec Blaise , nous faisons levier de toutes nos forces, je suis sur que comme moi, il croit sentir ses vertèbres craquer une à une sous l’effort terrible que nous fournissons, terrible et inefficace. Rien ne bouge ou si peu. Nous n’osons croiser nos regards ; finalement, j’ose regarder Gaëlle, je ne sais si sa grimace est due au détendeur ou à la peur, mais dans son regard la peur, la dispute ou renoncement…déjà.
Blaise, tournant le dos à Gaëlle me fait signe : «l’air ». Oui, ça va être juste, c’est maintenant qu’il faut la sortir… ou jamais.
Mais comment ? Plus j’essaie de penser plus les mots : vite, faire vite, bloquent tout raisonnement. Tapant sur son poignet, Gaëlle nous fait signe de partir ; je lui réponds d’un geste éloquent et international que d’habitude je réserve à Blaise. Comment, comment faire vite ? Tout à coup une possibilité s’impose à mon esprit : les pare battages.
Alors que Muriel passe la sangle et le palan précédemment utilisé pour ce maudit coffre d’Henrique sous les bras de Gaëlle, avec Blaise nous glissons les pare battages dégonflés entre la cloison et le plancher. Maintenant, c’est tout ou rien, nous devons sacrifier une partie de notre air devenu si vital. Muriel, aidée de Gaëlle, maintient le palan en tension et nous gonflons notre cric improvisé… Imperceptiblement, la cloison semble s’élever, oh pas grand-chose, quelques millimètres puis peut être un centimètre. J’essaie de faire levier pendant que Blaise continue à sacrifier de précieux litres d’air. Gaëlle, grimaçante, tire avec Muriel sur le palan et elle bouge… Blaise fait signe de tirer plus vite, les pare battages supportent une pression énorme. Le genou apparaît, puis le mollet, le pied. Nos soupirs de soulagement sont clairement matérialisés par quatre colonnes de grosses bulles partant vers le plafond, chercher leur chemin à travers les lattes de pont. La cinquième colonne bien plus imposante est le dernier soupir des deux pare battages qui viennent de rendre l’âme sous l’intensité de l’effort demandé. Juste !
Gaëlle, bougeant son pied, nous fait signe que tout est ok, malgré l’aspect peu engageant de sa cuisse au dessus du genou.
Le coffre, en partie soulagé par les deux pare battages rescapés, nous barrent la sortie. Nous le poussons à l’extérieur où il hésite, se stabilise dans l’azur. « Qu’il aille au diable s’il veut », pensai-je. Semblant avoir pris sa décision, il commence à s’élever lentement ; du seuil mes yeux le suivent et… ils sont là !
Cerclant au dessus de l’épave, vautours des océans, ils sont là ; cinq ou six requins makos (pointe noire) nous attendent ou plutôt attendent celle dont le sang les a appâtés : Gaëlle. Tous les quatre, serrés contre le pavois, nous les regardons tourner nerveusement autour du coffre qui s’élève lentement, les plus hardis, venant tâter du nez ce curieux poisson qui n’a pas peur d’eux. Pour ma part, je trouve tout à coup mes jambes et mes bras beaucoup trop longs. A voir comme Muriel cherche à s’incruster entre les jambettes du pavois, je comprends que je ne suis pas le seul à être inquiet. Alors que visiblement les prédateurs semblent nous trouver plus appétissants que le coffre d’Henrique, se rapprochent de nous. Nous nous entre-regardons, le regard de Blaise résume mes pensées :
« On n’est pas dans la m….» !Semblent me dire ses yeux
Après nous avoir regardés intensément, Gaëlle se détend vers la surface ; seul Blaise réagit et s’élance pour la stopper net lui enserrant les jambes au passage. Son mouvement reflex m’arrache le détendeur auxiliaire de la bouche. Juste à ce moment, le plus téméraire ou le plus affamé des squales attaque en direction de Muriel et tente de mordre…la bouteille, ce qui de mon point de vue n’est pas la partie la plus appétissante de la rainette. Surmontant ma peur, je hurle et m’avance, crachant le maximum de bulles. D’un mouvement sec, il bifurque et s’éloigne. Je récupère le détendeur que Gaëlle a laissé libre et me serre avec Muriel contre le pavois tandis que Blaise ramène sèchement, si je puis dire, Gaëlle à coté de nous.
Nous nous replions à l’entrée de la dunette. Blaise, retirant la bouteille de son dos s’emploie à ôter la combinaison étanche… Bien sur il a raison, ces combinaisons conviennent pour des plongées dans les eaux froides et sont étanches, étanches à l’eau et au sang. Gaëlle retire sa combinaison de planche à voile qu’elle avait revêtue et l’échange avec Blaise. Pendant que Muriel et moi surveillons les évolutions de ceux qui nous ont inscrits à leur menu, nous récupérons parmi le fatras déblayé ces dix derniers jours : une épée, un, pic ou une hallebarde, tous plus ou moins attaqués par la mer ; mais faute de mieux, on se sent moins nu !

En d’autres lieux, le corps bronzé de Gaëlle se contorsionnant pour enfiler cette fameuse combinaison pourrait avoir quelque chose d’érotique mais aujourd’hui, face à la menace qui plane nerveusement au dessus de nous, la partie concernée de mon individu est réduite à sa plus simple expression.
A nouveau, regroupés contre le pavois, nous surveillons les évolutions de ces fabuleux prédateurs, fabuleux lorsqu’une épaisse vitre d’aquarium nous sépare des mâchoires.
Il va falloir y aller. Doucement nous montons ; déjà deux squales s’avancent, le plus téméraire reçoit un violent coup de pic décoché par Blaise et il s’enfuit, suivi comme une ombre par son compère. Les quatre restants semblent hésiter à trois ou quatre mètres de nous ; nous sommes serrés dos à dos et immobiles. Blaise regarde son poignet et m’indique encore quatre minutes avant de poursuivre, quatre minutes qui paraissent une éternité à repousser trois attaques en règle, gueules béantes sur toutes ses dents, dents triangulaires faites pour déchirer les chairs. Blaise donne le signal de remontée ; le plus délicat va commencer : sortir de l’eau les uns après les autres sans y laisser un mollet ou un pied…pour le reste, rien à craindre avec la trouille qui me vrille l’estomac il faudrait une fourchette à escargot pour retrouver l’intéressé.
Muriel émerge la première me laissant la bouteille ; j’ai des fourmis dans les jambes tellement je les sens vulnérables.
Alors que Gaëlle sort, nouvelle tentative des carnassiers, l’épée qui me sert de débordoir rentre dans la gueule de l’attaquant si loin que la mâchoire se referme presque sur la garde. Je lui abandonne son butin, il part en tournoyant sur lui-même, ça doit lui chatouiller l’estomac. Du canot, Muriel et Gaëlle dardent deux avirons autour de l’échelle, pathétique rempart contre une éventuelle attaque. Alors que Blaise hésite à monter, je lui fais signe de laisser tomber la bouteille, pas la peine de se ralentir. Il s’en défait et sort. Ce gros poisson cylindrique jaune et noir qui coule agitant deux détendeurs brillants au bout de deux tentacules noires semble vivement intéresser les squales qui le suivent dans sa chute. J’en profite et me jette sur l’échelle, propulsé par la peur et les bras de Blaise et de Muriel et jaillis littéralement hors de l’eau, m’affalant au fond du canot ; si je pouvais battre de la queue, je ressemblerais aux malheureuses bonites, victimes de Gaëlle.
- Ben la vache ! Dure journée, s’exclame Blaise.
Muriel, quand à elle blême et tremblante, confesse honteuse :
- J’ai fait pipi de trouille.
Tâtant mon nez qui a heurté une membrure, je lâche :
- Moi qui croyais que c’était ma superbe musculature qui les avait fait fuir ;
- Pas du aimer l’arôme, la saveur, renchérit Blaise moqueur
- Quant à toi, attaquai-je en direction de Gaëlle, ne nous refais jamais un coup comme ça.
- Mais je voulais …
- Te faire croquer, coupe Muriel.
- C’est moi qui les attirais, alors…
- Si tu fais à nouveau la chèvre, préviens nous, j’ai un copain légionnaire, commence Blaise rappelé à l’ordre par un :
- Chéri ! Lourd de reproches.
- Oh, c’était juste pour détendre l’atmosphère ; si on peut plus plaisanter, se renfrogne Blaise.
Montrant les deux globes soutenant ce maudit coffre d’Henrique, je remarque :
- Tant qu’à faire…
Nous l’amarrons en remorque de Fifille avant de nous diriger vers Grotesque, abandonnant la bouteille de plongée à la curiosité gourmande la faune sous marine.
- Demain, on pourra les récupérer, propose Blaise.
- C’est fini, plus de plongée.
- Mais, il y a encore… commence Muriel.
- Encore quoi ? Nous avons presque trente litres d’émeraudes et peut être sept à huit cents kilos d’or et de bijoux, tu ne crois pas …
- Si, me coupe Muriel, tu as raison.
- Mais la bouteille, on ne peut pas se permettre de la perdre, un aller et retour, c’est à peine trente secondes, plaide Gaëlle.
- Ce qui est curieux, c’est que lors de la découverte de l’épave en 1985 ? Ils ne parlent pas…des pare battages. Quand même, des pare battages en plastique coincés sous une cloison coulée en 1548, ça choque non ? Raisonne Blaise.
- En tout cas, ce n’est pas nous qui irons les retirer, tant pis pour cet accroc à la logique, concluai-je.
Le retour est lent, freiné par le coffre, Fifille se traîne malgré nos efforts, lent et silencieux, chacun ressassant les événements de cette matinée et remerciant Dieu ou la Chance suivant ses convictions personnelles pour cet heureux dénouement. Seul Blaise, égal à lui-même, tentant de plaisanter en passant sur un rocher particulièrement fourni en langoustes, demande :
- Chérie, tu plonges nous en chercher ?
La réponse de Muriel, quoique muette fut éloquente.

" Seuls les paranoïaques survivent "
23-11-2015 à 09:00:16
Allez je vous en remet une (grosse) tartine si cela vous permet de vous échapper de notre quotidien qui va finir par être plus dangereux que celui de l'histoire ! (si vous trouvez des infos concernant l'armement et les portés des armes de l'époque , cela me permettrais de corriger certaines "approximations"



Devant la cuisse marquée de Gaëlle et l’absence de la deuxième bouteille, Claudie interroge :
- Des problèmes ?
- Oh oui ! On vous racontera, promet Blaise.
-Ben moi, je vais me rincer à la piscine, qui vient avec moi ? Interroge Muriel.
Seul Léo lui emboîte le pas.
Non ma chérie, moi je récupère, je suis vidé, lui répond Blaise.
Je suis de son avis, après avoir épuisé une douchette solaire sur mon début de calvitie, je m’adosse à la timonerie à côté d’Henrique et d’Isabelle, leur montrant le coffre échoué. Je promets :
- Cet après midi, nous le hisserons.
Depuis qu’Henrique revit, il s’intéresse à tout ce qu’il découvre à bord, plus particulièrement à la longue vue dont il ne se sépare presque plus, observant sans relâche un environnement qui lui est pourtant familier depuis quatre ans. Pourra t-il tenir son serment et taire tout ce qu’il découvre ?
Après avoir échangé quelques paroles avec Henrique, Isabelle traduit :
- Il demande si c’est dur d’être à son époque ?
- Parce qu’il a compris !?
- Oui, bien sur… et je lui ai expliqué, précise Isabelle.
- Bien sur, beaucoup de choses nous manque, nos familles, nos amis, nos gadgets…
- Il propose de dire à son fils, qui le dira à son petit fils de transmettre un message jusqu’à notre siècle pour que nous ne traversions pas à ce moment là.
Mes compagnons intéressés par cette proposition se sont rapprochés. Je remarque :
- Ce ne serait pas équitable.
- Pourquoi ? Questionne Blaise.
- Et bien, ça voudra dire qu’il sacrifie sa vie, celle d’Isabelle, toute sa descendance peut être.
- Dix huit générations environ, en supposant un enfant et demi par génération, multiplié…en faisant une moyenne basse, 1500 personnes, et si il meurt il ne pourra le dire ...conclut Blaise.
- Mais, il dit que si vous n’étiez pas venus, de toute façon il serait déjà mort, traduit Isabelle.
- Mais il ne l’a pas fait puisque nous sommes là…
Blême, Claudie m’interrompt d’une phrase qui nous glace :
- Il l’a fait !
- Quoi !!!
- Il l’a fait. Mon téléphone qui sonnait sans arrêt à Port St Louis, continue Claudie, blafarde et tremblante. C’était un notaire qui me disait que, il avait un message pour moi, que nous ne devions pas partir…Je ne l’ai pas cru, je ne l’ai pas cru. Oh mon Dieu ! Armel, c’est ma faute, j’aurais du…
- Claudie ! La coupai-je en la secouant par les épaules, regarde Isabelle et Henrique et ses…combien ?
- 1500 descendants, précise Blaise.
Je continue :
- Tu as sauvé environ 1500 personnes, Isa, Henrique, le bilan est, excuses moi Gaëlle, mais le bilan est positif.
- Oui, mais ceux que nous avons tués, remarque Blaise, eux aussi auraient du avoir des descendants.
Gaëlle intervient :
- Comme tu le dirais Claudie, nous sommes là et nous nous devons de survivre.
Pour quelqu’un qui voulait se sacrifier, se suicider deux heures plus tôt, curieux revirement; Je précise :
- De toute façon, si tu l’avais cru, nous ne serions pas venus, Henrique serait mort et avec lui tout espoir de descendance, donc personne ne t’aurait prévenue… et nous serions là où nous sommes.
- Euh ! Tu peux résumer ?
- Nous sommes là et … nous sommes là, conclut Gaëlle.
Un cri strident me vrille l’oreille gauche, je pense :
«Il n’y a pas de raison de hurler comme çà Claudie», puis la suite du hurlement s’articule en un :
- Oooh Léo !
Léo vient d’apparaître à la lisière de la végétation, en haut de la plage se traînant ensanglanté vers nous, les pattes avant fléchissant…et il tombe sur le sable. Claudie est déjà sur la plage ; la voyant s’approcher, dans un effort pathétique, Léo essaie de se relever sans y parvenir, trop faible. Alors que Claudie, suivie de près par Gaëlle rejoignent Léo gémissant, Blaise descend l’échelle, accompagné d’Isabelle, je trépigne sur le pont, hésitant à sauter les trois mètres qui me séparent du sable de la plage. Ah vingt ans plus tôt !
- Quoi ? Qu’est ce qu’il dit ? Demandai je après la phrase que vient de cracher Henrique.
Isabelle, remontant traduit en montrant la plage à trois cents mètres de là :
- Des pirates hollandais, il dit…
Je me précipite à l’intérieur, prends HK et ressorts au moment où Isabelle, qui a repris la longue vue, me crie :
- Ils emmènent Muriel !
- Muriel ? Rugit Blaise.
Alors que je tombe de l’échelle plus tôt que je ne la descends, Blaise est déjà parti, une épée à la main.
- Blaise, ne fais pas le con ! Attends moi !
Peine perdue, va falloir accélérer pour le rattraper.
En passant près du gros Léo ensanglanté, je pense à ces salauds et jette un bref :
- Gaëlle Léo ; Claudie carabines, pirates !
Et j’accélère à la poursuite de Blaise. Trois cents mètres plus loin, trois hommes entraînent difficilement une Muriel encore visiblement bien vivante, alors que deux autres observant notre course les suivent tranquillement, portant chacun une lourde arquebuse.
- Blaise, attends moi…haletai je.
Normalement, je suis plus rapide que lui sur les petites distances mais de voir Muriel emmenée, cela lui donne des ailes. J’ai un mal fou à le rattraper ; mon cœur semble chercher un passage entre mes cotes, comme un oiseau fou se cognant aux barreaux de sa cage. Les veines de mon cou, douloureuses et gonflées, me gênent pour respirer.
- Blaise… Arrête !
J’essaie d’arracher plus vite mes pieds du sable qui semble vouloir les retenir. Enfin, alors que les hollandais viennent d’atteindre la pointe nord ouest de l’île où un canot échoué avec deux hommes à bord les attendent. Enfin, j’attrape l’épaule de Blaise et parvient à le stopper. Nous sommes à environ cent vingt mètres des sept hommes qui nous observent toujours, l’air de dire : «alors, on s’arrête? »
Je suis sur qu’ils ont un sourire goguenard. En regardant nos mains, je résume la situation :
- Qu’est ce qu’on est con !
Reprenant un peu de sang froid, Blaise commente :
- M… !
Oui, c’est exactement ça ; sept hommes, autant d’épées plus deux arquebuses d’un coté et 120 mètres plus loin deux hommes, un pistolet et une épée.
- Et Claudie ?!
- Au moins quatre cents mètres plus loin pour les carabines.
Alors que les deux arquebusiers plantent de curieuses fourches dans le sable, les trois autres tentent de plaquer une Muriel déchaînée au sol, leur intention est on ne peut plus claire ; d’ailleurs, les deux du canot s’approchent pour leur prêter main forte.
- Les salauds, ils vont, ils vont, hoquette Blaise que je retiens toujours.
Nous sommes maintenant à cent mètres et un arquebusier tire.
Plongeant le nez dans le sable, Blaise m’exhorte à répliquer à cette balle qui vient de frapper le sable derrière nous.
- Tire, Patrick ! Tire, ils vont…
Cent mètres plus loin, le deuxième arquebusier qui nous vise est tout petit derrière le guidon qui tremble dans mes mains. Essoufflé, je n’arrive pas à viser, la sueur me brûle les yeux.
- Tire, mais tire !!!
Essayer de reprendre mon souffle, vider ma tête de pensées parasites, juste penser à la silhouette trop lointaine qui ne veut pas rester devant le canon de HK. Doucement la bossette et…. là bas le type a fait un bond de plusieurs mètres, comme fauché par un fléau géant. Blaise n’a pas le temps de me jeter stupéfait que l’explication parvient à mes oreilles : le bruit mat et profond du .50 ; Claudie en brisant un tabou vieux de huit ans a sorti la Barret du coffre.
- Claudie, lâchai-je pour toute explication devant l’incompréhension de Blaise, resté couché.
- Surtout, reste couché.
Ça, il vaut mieux rester couché alors qu’au dessus de nous passent des balles de 50 grammes, lancées à plus de 900 mètres/seconde
Le deuxième arquebusier subit le même sort que son collègue, fauché.
Je fais signe en direction du bateau, j’imagine Claudie allongée sur le pont, malgré le frein de bouche la lourde carabine est très lourde à maîtriser (j’en sais quelque chose). Le poing fermé comme lorsqu’il s’agit de stopper la chaîne, nous nous relevons doucement espérant que Claudie a bien compris mon geste. Là bas, des cinq hommes restants, seuls deux nous observent, les trois autres, maintenant Muriel au sol, n’ont pas encore réagi.
Nous nous élançons à nouveau : 80 mètres, 40 mètres. Devant notre ruée, les deux qui maintiennent Muriel la lâchent. Libérée, elle attaque le troisième qui, fesses à l’air, s’apprêtait à lui faire subir…, vu le hurlement qui jaillit de sa gorge, je ne voudrais pas être à sa place. Vingt mètres, un de ses acolytes s’élance vers elle, épée levée. A vingt mètres, bien qu’essoufflé, tremblant, je sais qu’il n’a aucune chance ;
«double tap» comme disent les tireurs, il est mort avant d’avoir compris et c’est la débandade. Les trois restants s’enfuient avec quinze mètres d’avance puis, se ravisant, stoppent et nous font face. Logique pour eux, mon curieux pistolet ne peut être que vide, donc une épée contre trois, ils pensent avoir l’avantage. Blaise s’avance, épée levée. J’interviens :
- Blaise, ne fais pas le con, trois balles et le problème est réglé !
- Non, je veux les étriper ces fils de pu…, leur couper les c….
Je ne peux lui laisser prendre des risques idiots face à ces pirates entraînés au combat, alors lâchement, facilement, honteusement j’abats les deux premiers, le troisième se détend comme un mètre à ruban, s’échappe de son bateau et s’enfuit, poursuivi de Blaise qui se trouve dans ma ligne de mire. Je ne peux pas tirer ! Le fugitif se retourne et se fend. Je crois voir l’épée traverser mon ami. Mais non ! D’un mouvement pur, simple, limpide Blaise esquive et transperce l’imprudent qui s’effondre sans un mot, sans un râle… Interloqué, j’entends Blaise rugir :
- Ah ! Ça fait du bien ; mon salaud tu fais moins le fier maintenant, ajoute t il donnant un coup de pied dans la carcasse qui imbibe de son sang une si jolie plage.
Soudain calmé, il se précipite vers Muriel, je reste debout au milieu des ces sept cadavres. Est-ce notre vraie nature qui se fait jour sous le vernis désormais émietté de la civilisation ?
Le plaisir malsain du chasseur tuant sa proie, parmi toutes les espèces animales la plus cruelle survivra  ; la plus cruelle j’en fais donc partie, l’espèce humaine, celle qui fait le moins preuve… d’humanité.
Il y a trois ans, j’hésitais à tuer un moustique ; il y a un mois, j’hésitais à tuer un homme ; aujourd’hui, je n’ai pas eu l’ombre d’une hésitation…
En regardant vers l’entrée de la passe, j’ai un choc : notre galion est là.
Mouillé à l’entrée de la passe dans ce vent d’est, il nous présente son flanc tribord, fidèle réplique de celui sur lequel nous étions quelques heures plus tôt. Son flanc tribord d’où s’échappe quelques volutes de fumée…
- Il nous canonne ! Hurlai je.
Nous avons clairement entendu le souffle du boulet qui vient de plonger dans le lagon. Deux canots sont mis à l’eau contre les flancs du galion, nous nous enfuyons vers la plage. Blaise remarque :
- Soit en trois mois l’artillerie a fait de gros progrès, soit les canons hollandais sont plus performants.
Après deux cents mètres de course, nous reprenons un rythme plus en rapport avec l’âge de nos artères. Devant le visage ensanglanté de Muriel qui court nue à nos cotés, je m’inquiète :
- Tu es blessée ?
- Non, c’est le sang de l’autre existé.
- Nous sommes idiots, nous avons fini par nous croire seuls au monde dans un jardin d’éden et sept imbéciles débarquent…
- Huit, m’interrompt Muriel.
- Où est il ? Interrogeai je en relevant HK,
- Probablement en enfer, je trouve que Léo prend vite goût à la chair humaine, tente de plaisanter Muriel avant de reprendre :
- Et Léo, c’est grave ?
Justement, nous arrivons à coté du blessé qui ne tourne pas la tête vers nous se contentant de lever les sourcils.
- Alors Gaëlle ?
- Une longue estafilade, presque trente centimètres pas trop profonde mais il a énormément saigné.
- Alors ?
- Bien, il va falloir refermer proprement et lui pêcher beaucoup de poissons.
Au mot magique, la tête consent à bouger ; bon signe !
- Henrique dit qu’ils chargent les canots avec beaucoup d’hommes et…
J’interromps Isabelle :
- Pourquoi pour un hollandais est il identique au notre ?
Isabelle traduit :
- Il y a eu, comment dit t’on ? Trois sisters ships construits, celui là doit être celui capturé par le pirate «  hollandais» il y a cinq ans.
- S’ils débarquent, nous sommes très mal, remarque Blaise.
- Je sais, Grotesque échoué sur la plage ne peut fuir et même s’il flottait, la seule issue de ce piège se trouve au niveau de la passe, sous le feu des canons hollandais.
- Ils ne peuvent débarquer qu’à la pointe où sur la plage ci, la côte nord-est n’est que récifs et rouleaux, résume Claudie.
- Combien par canot Henrique ?
- Ils commencent à embarquer dans le premier, peut être quinze, relaye Isa.
- Nous n’avons qu’à aller à la pointe avec les carabines, précise Muriel.
- Sous les boulets ?
- Il faudrait détruire le galion pour pouvoir empêcher le débarquement…soumet Gaëlle.
-Qui a un missile ? Me moquai je,
Puis me ravisant :
- Blaise, mets le hors bord sur zozo, vite ! Isa, demande à Henrique où est la sainte barbe.
- La quoi ?
- L’endroit où ils stockent la poudre à canon, l’endroit exact sur les croquis de Muriel. Claudie, passe moi la …Barrett.
Huit ans que mon égo fracassé ne m’a pas permis de tenir la crosse synthétique de cette arme particulièrement élégante avec son frein de bouche. J’interroge Claudie :
- Ca a été ?
- Ca pousse méchamment.
- C’est fait, interrompt Blaise.
Le zozo échoue son nez sur la plage, barré par Isabelle.
- Tu descends.
- Pas question.
- Si tu étais ma fille…commençai je.
- Je désobéirais encore plus, de toute façon tu as besoin de quelqu’un, je suis la plus légère et je connais parfaitement la passe et le lagon, alors !
Alors, elle a raison.
- Tu n’as pas intérêt à te faire tuer sinon…
A l’adresse des autres :
- S’ils débarquent, vous vous réfugiez dans Grotesque et …
- Le premier canot quitte le galion, traduit Isabelle.
- Vas y !
D’un coup de poignet rageur, elle lance zozo qui, avec mon poids sur l’avant, déjauge sur quelques longueurs.
La plage qui m’a semblé interminable à la poursuite de Blaise est avalée en moins de cinquante secondes.
A ma surprise, aucun coup de canon, ne salue notre traversée éclair de la passe et en une poignée de secondes nous sommes à l’abri de l’île ouest.
Lorsque nous abordons, Isabelle me jette :
- Suis moi !
Je la suis jusqu’à un petit promontoire semblable à celui de la piscine (mais sans piscine) dont les pierres sans végétation trahissent la longue station pleine d’espérance que les naufragés ont du passer dans ce poste de guet naturel. D’ici, l’on voit parfaitement la passe à cent cinquante mètres et le galion à trois cent cinquante mètres.
Le premier canot est au début de la passe, Isabelle m’interroge :
- Peut on les stopper ?
Elle a raison, il ne faut pas qu’ils abordent mais c’est s'exposé à une possible canonnade…mais elle a raison.
J’appuie la Barrett, mes doigts retrouvent leurs marques sur cette crosse torturée, ma joue retrouve la position exacte qu’elle avait huit ans plus tôt. A travers la lunette, l’étrave du canot semble me sauter au visage. Je vise la flottaison qui ondule dans la lunette sous les efforts des rameurs et doucement, j’effleure avec appréhension la queue de détente. C’est inhumain comme calibre, comment a fait Claudie…  ?
Là bas, le trou d’entrée est propre et rond, mais la balle traversant le canot en diagonale a lacéré des pieds et de tibias avant d’emporter avec elle une partie d’un bordé bâbord.
Alors du canot, un rameur essaie de colmater les trous ; pour le premier cela semble facile, mais le second laisse visiblement entrer beaucoup d’eau.
- Pourvu qu’ils fassent demi tour.

Mais non, ils continuent. Je vise à nouveau la coque, il ne faut pas qu’ils débarquent sinon Grotesque au fond de sa nasse est en mauvaise posture.
Puis je me ravise, même avec un second trou, même sans bateau, ils iront sur la plage. Il faut que je vise encore les hommes. Du fait d’un léger coude dans la passe le canot fait presque un cap sur nous. Je vise le haut du dos du premier rameur et…
- Qu’est ce que tu attends ? Me demande Isabelle.
Si seulement ils pouvaient faire demi tour, remonter à bord et repartir, mais non. Je tire :
- Oh, la vache !
Laisse échapper Isa, les jumelles collées aux yeux
- Tu ne devrais pas regarder.
Non elle ne devrait pas, c’est pas un joli spectacle ; la balle de cinquante grammes a traversé le premier rameur au niveau de l’omoplate gauche, le deuxième sous l’omoplate, le troisième au milieu du dos lui broyant les vertèbres, le quatrième dans les reins et le cinquième au sommet du bassin. Une vraie boucherie.
- c’est pas un spectacle pour une gamine, ai-je temps de lâcher avant que ma vue ne se trouble, victime d’un éblouissement, mes mains tremblantes laissant glisser la Barrett…
- Patrick ! Ohh, Patrick, réveille toi ! Me hurle Isabelle dans les oreilles, en me secouant.
- Longtemps ?
- Cinq secondes, mais tu m’as fait peur, …mon père, mon père est mort comme ça d’un seul coup, achève t-elle des sanglots dans la voix.
- Tu cherches à me rassurer ou à m’achever ?
Reprenant la Barrett, j’observe le canot qui, très enfoncé, va s’échouer sur l’îlot Est ; à bord huit hommes encore valides, l’un deux brandit une épée dans notre direction approximative, sans doute, pour informer les canonniers du galion. Ça y est, ils tirent dans notre direction.
- Baisse toi, Isa !
Mais les boulets percutent la végétation bien en dessous de nous, notre hauteur nous place peut être hors de portée. Encore un étourdissement :
- Ça va, s’inquiète Isa, parce que moi je ne tire pas avec ça !
- Ça va aller, mais dure journée : la plongée, la course, et maintenant çà.
Le premier homme du canot vient de sauter sur la plage ; prudent, il s’est immédiatement couché. Ce que je craignais le plus est en train de se produire. Les pirates prennent pied sur l’îlot ou Grotesque échoué ne peut fuir. C’est le dilemme qui torture mon esprit : je n’ai pris que seize de ces monstrueuses balles.
- Le galion, vise le galion, intervient Isa devant mon hésitation.
Et elle continue par une image :
- On coupe le robinet avant d’éponger, le robinet c’est le galion.
J’observe alternativement le croquis de Muriel où figure la croix faite par Henrique. Absolument identique la croix se trouve sous le troisième cap de mouton du mât d’artimon, un mètre dessous environ. Dans la lunette, j’essaie de situer ce point pendant qu’Isa me commente ce qui se passe sur la plage en face  :
- Il y en a trois de débarqués.
- Préviens les, lui demandai je en lui tendant la VHF.
- Ici Isabelle, il y en a trois de débarquer sur votre îlot et cinq…
Un souffle l’interrompt :
- Chut, on sait… a répondu Blaise.
A tous les coups, ils ne m’ont pas écouté, je commence à me redresser stopper par un seul mot lâché par Isabelle :
- Le robinet.
Elle a raison. Cap de mouton, un mètre, nous dirons 90 centimètres, je suis bien plus haut ; bossette, là bas tout près me semble t-il dans la lunette, seul un petit trou bien rond semble me narguer, un trou c’est tout. Pas d’explosion, pas de tonnerre et de destruction, rien. Pourtant, une balle de ce poids à une vitesse pareille dans une réserve de poudre, ça devrait faire comme…Dans les films.
Dans les films, c’est ça le problème qu’est ce qui se passe réellement dans la vraie vie ?
Qui s’amuse à tirer sur un baril de poudre noire pour… pour voir ce qui se passe ? Personne. Le doute m’assaille.
- Continue, ils sont couchés tous les huit sur la plage.
Je revoie pourtant cette peinture représentant je ne sais plus quel officier tirant un coup de pistolet dans la sainte barbe pour ne pas être pris et faire voler en éclats du même coup lui, son bateau et les assaillants. Mais est ce le choc de la balle ou la flamme du canon qui les a tous expédiés dans l’au-delà ?
Reprendre la visée, à nouveau ils nous canonnent.
-S’ils s’améliorent encore, la prochaine fois on va avoir chaud, remarque Isa.
Je commence :
- Va…
- Non ! Robinet.
A nouveau, le cap de mouton, garder les 90 centimètres, un peu plus derrière, combien ? 15,20 centimètres, bossette, détonation et … deuxième trou qui me nargue.
- Merde, merde et merde…!
Deux détonations interrompent mes jurons et Isabelle commente :
- Six couchés et deux touchés.
Prenant la VHF, je crie :
- Mais vous êtes où ?
- Chut ! Occupe toi du galion, on s’occupe de ceux là, me conseille Blaise.
Cap de mouton, toujours 90 centimètres et 40 centimètres derrière ; à ce rythme là, il va falloir écrire : «à découper suivant les pointillés». Bossette et…Le Ouiiiii ! strident d’Isabelle me confirme que cette balle a eu l’effet souhaité.
Le galion n’a cependant pas explosé en projetant une multitude de petites bûchettes aux quatre vents comme dans les films à grand spectacle. Néanmoins, une partie du pont et des bordés supérieurs a visiblement été soufflée.
Déçu, je me tourne vers Isa et commence :
- Je m’attendais plutôt …
- A ça ?! M’interrompt elle,
Alors qu’une formidable explosion parvient jusqu’à nous, coupé en deux, littéralement coupé en deux. Curieusement, l’avant et l’arrière semblent vouloir continuer à flotter de conserve un bref instant, probablement reliés entre elles par le reste des œuvres vives ; puis l’arrière prenant l’avant de vitesse s’en va le premier vers le fond.
Sur la plage en face, il me semble que les six hommes se sont un peu plus incrustés dans le sable, incrédules.
Alors que je me retourne vers le large, il ne reste plus rien de l’orgueilleux navire pirate, plus rien que quelques agrées flottants, des caillebotis, trois tonneaux, une cage à poules et de nombreuses planches brisées… et la carcasse du deuxième canot, retournée. Parmi ces multiples débris, quelques têtes essaient de surnager… pas pour longtemps. Sans doute frustrés de n’avoir pas pu goûter la chair tentatrice de Gaëlle, ils sont déjà à l’œuvre, la distance nous épargne en partie le macabre spectacle. Songeant aux calculs de Blaise, je lâche :
- Notre passif s’aggrave à 1500 descendants par victime… - Nous n’avons pas demandé à être là, rétorque froidement Isabelle.
Observant la plage, je propose à la VHF :
- On pourrait essayer de les laisser vivants ?
- Pour qu’ils reviennent nous poignarder dans le dos ? Questionne Blaise.
- Pas d’accord, c’est eux ou nous, renchérit Muriel depuis la VHF fixe de Grotesque.
- Bon, nous revenons avec Zozo.
Suivant Isabelle qui me précède d’une dizaine de mètres, je reprends le chemin de zozo. Alors qu’arrivée à la plage, elle se retourne, son visage en un instant se décompose. Sans réfléchir, au hasard, j’envoie la crosse de la Barrett en arrière ; un choc métallique suivi de ce qui doit être un juron, fait suite à ce mouvement réflexe. Mon assaillant a laissé choir son couteau, mais le colosse n’a pas ralenti sa course, il n’a pas besoin de son couteau. Lorsque cette masse noueuse et musclée me percute accrochant ses deux mains à ma gorge, je suis projeté en arrière sur le sable. Le choc me fait cracher mes poumons, je ne peux reprendre mon souffle ; durant la chute, j’ai envoyé mon genou vers une partie sensible de son individu ne rencontrant qu’une cuisse musclée.
J’essaie de passer mes bras à l’intérieur des siens, en vain. Qu’est ce qu’il y a de vulnérable dans une pareille masse : les yeux ? Lui planter mes doigts dans les yeux. Je manque d’air, «ma caisse à outils» , la sortir de l’étui de ceinture, j’étouffe… essayer, déplier…la lame…Non ! J’étouffe…
«C’était vraiment pas ma journée», pensai-je, alors que déjà mes yeux se voilent. Le moustique Isabelle attaque le gorille ; au moins soixante kilos les séparent. Teigneuse, Isabelle s’accroche à son dos lui mordant le cou en lui plantant ses doigts dans les yeux. La main droite du colosse lâche mon larynx meurtri et s’en va saisir la chevelure d’Isa, la projetant d’un seul geste à trois mètres de là. Dans un sifflement, mes poumons ont profité de ce répit pour réoxygéner mon pauvre cerveau. Vite, déplier cette minuscule lame qui ne traversera jamais une telle carapace de muscles, c’est certain.
Soudain, vient flotter devant mes yeux l’image de ce Vietnamien rondouillard et souriant qui, dix ans plus tôt, me montrant une minuscule lame de couteau m’avait confié :
«Avec ça, j’ai tué huit khmers rouges».
Et qui devant mon sourire septique m’avait précisé, en tapotant mes vertèbres cervicales :
« L’important, ce n’est pas la taille de la lame, mais où elle frappe »,
Alors que le battoir qui lui fait office de main s’apprête à rejoindre son jumeau pour m’achever, je me détends visant la gorge, faute de vertèbre cervicale à portée de main. Mais le gorille a en partie paré le coup, c’est un tueur entraîné. Sa main gauche saisit mon poignet alors que je viens de lui porter un coup dans les côtes sans qu’il ne bronche. La force de ce type est terrifiante ; je dis colosse, pas pour sa taille, il doit être à peu près grand comme moi, mais il a au moins vingt kilos de muscles de plus et vingt ans de moins.
Mon poignet droit broyé par la poigne de ce type et mon poing gauche tentant en vain de frapper la gorge et le visage du gorille, je ne vois pas d’issue si ce n’est fatale pour moi.
- Hhan ! Hhan !
Un hhan de bûcheron ! Isabelle vient de frapper, tenant le couteau du type à deux mains, elle lui enfonce jusqu’à la garde dans le dos. Il me lâche, trouve la force de projeter à nouveau le moustique sur le sable qui n’a pas lâché le couteau, les quatre fers en l’air.
Accompagnant son mouvement, j’ai pu me dégager et le faire basculer, ma main droite glisse sous son menton, rejoint la gauche qui est passée au dessus de son épaule gauche et la collé contre son dos ensanglanté, ma tête bloquée contre la sienne…Je serre de toutes les pauvres forces qu’il me reste, alors qu’il essaie de se redresser. Une seule pensée barbare m’anime : «le tuer, le tuer à tout prix». Ne pas faiblir, ne pas lâcher serrer, serrer… lorsque mes muscles tétanisés relâchent péniblement leur étreinte mortelle, Isabelle assise dans le sable le couteau ensanglanté dans la main, remarque simplement :
- A mon avis, ça fait un bon moment qu’il est mort.
- Merci, parviens je à articuler d’une voix rauque.
La VHF grésille un inquiet :
- Qu’est ce que vous faites ?
- Un petit problème à régler, on arrive rassure Isabelle.
- Petit ? Questionnai je en récupérant la Barrett pleine de sable.
- Va falloir faire un sacré trou, constate Isabelle pour toute oraison funèbre.
D’une pétarade, zozo nous a ramené sur l’îlot de Grotesque. A notre passage, les six rescapés n’ont pas bronché. Nous abordons à cent mètres d’eux environ où se tient Muriel et à ma grande surprise Henrique est debout sur le prototype de jambe articulée que nous lui avons confectionné Blaise et moi.
- Il ne devrait pas, c’est trop tôt, les cicatrices, commençai je.
Isabelle traduit mes remarques et la réponse d’Henrique :
- Où serait ma dignité si je restais assis alors que des femmes catholiques sont en danger ?
- Et Léo ?
- Gaëlle est restée avec, et d’après elle ça va.
- Elle a une arme ?
- Le 22 à Claudie et un portable pour nous contacter.
J’appelle à la VHF :
- Claudie, Blaise en avez-vous vu d’autres ?
- Non, nos ennemis de ce matin ont été de précieux alliés cette après midi, Gaëlle les a mis en appétit, remarque Blaise.
- Eux aussi ? Ironise Muriel en me tendant HK avant d’ajouter :
- Tu es enroué ?
- On t’expliquera, abrège Isabelle.
Tout en parlant, nous nous sommes approchés des six survivants. Henrique se lance dans une diatribe enflammée qu’Isabelle traduit d’un laconique :
- Il leur dit qu’ils ne méritent que la pendaison.
- On pourrait…
- Non, m’interrompt Muriel.
Je lui redonne HK précisant :
- J’en ai assez de tuer pour aujourd’hui.
Alors que visiblement la très catholique Muriel s’apprête à les renvoyer auprès de leur créateur, Henrique la retient. Isabelle traduit :
-Il dit que c’est à lui de les corriger.
- Les corriger !
- Oui.
- Mais ils sont six et sa jambe, il est pénalisé, plaide Muriel.
- Oui, mais il a besoin de se rassurer, il faut qu’il se batte sinon pour lui il ne sera qu’un handicapé fini…il faut, insiste Isabelle.
- Qu’est ce qu’on fait ? Demande Blaise.
Je regarde Henrique qui s’éloigne, décidé et Isabelle, dont les yeux semblent dire :
« Laisse lui une chance de se retrouver».
- Si il y en a trop qui s’approche, on éclaircit les rangs.
- Trop, c’est combien ? Remarque justement Blaise.
- Isabelle, trop c’est combien ?
- Sans sa jambe, affaibli, je pense quatre.
- Quatre, mais …
- Il est très bon, je te dis, s’énerve Isabelle.
J’interroge Blaise :
- Tu as entendu ?
Henrique stoppe et commence à parler d’une voix forte. Isabelle nous traduit :
- Est-ce qui parmi les cochons apeurés qui se vautrent dans leur urine, il y en a au moins un qui aurait le courage d’attaquer autre chose qu’une femme ?
Le premier et le troisième hésitent à se lever, Henrique les rassure :
- Vous n’avez que mon épée à craindre, mes amis ne veulent plus gaspiller leur poudre sur des infidèles tout juste bon a faire des razzias et à violer comme des barbaresques.
Alors que Muriel me redonne le 9mm, les deux indécis s’élancent et ...meurent.
- Je n’ai rien vu… constate Muriel.
Pour ma part, je n’ai entendu que deux cliquetis, un sifflement et pfutt ! Le premier à genou se tient la gorge à deux mains, et le deuxième, tout aussi étonné, regarde une tache rouge qui s’élargit sous son sein gauche. Regardant les quatre derniers, Henrique jette quelques mots brefs comme autant de soufflets provocateurs.
- Qu’est ce qu’il a dit ? Interroge Muriel curieuse.
- Je ne comprends pas, je ne connais pas ces mots.
Si elle ne les connaît pas, ils ont un effet terrible sur le quatuor qui semble très bien les avoir compris et, se redressant comme un seul homme, ils répliquent sur le même ton.
- A mon avis, il s’agit des noms d’oiseaux, commente Muriel.
- Oui, mais ils sont quatre, remarquai je en relevant HK.
Isabelle arrête mon geste.
- Henrique a engagé sa parole : « que l’épée ».
Nous nous regardons avec Muriel, nous sommes les deux cancres et de loin de nos après midi d’escrime.
Le quatuor s’est arrêté à prudente distance d’Henrique qui, d’une phrase, tente de les aiguillonner.
- Auriez vous peur d’un handicapé ? Traduit Isabelle.
En le regardant orgueilleux et fier, dans le soleil de cette fin d’après midi, je songe :
« Handicapé, certes, mais faisant preuve d’une belle intelligence de combat. IL a su se placer dos au soleil sur le sable plus compact en lisière des flots, alors que ses assaillants piétinent dans le sable meuble».
Le quatuor, plus avisé, lance des attaques prudentes pour tester les défenses d’Henrique.
Si tout à l’heure l’esquive de Blaise était pure, le combat d’Henrique n’est qu’élégance dans la pureté ; pas un geste inutile, un suite de parade et d’attaque où tout s’enchaîne à la perfection comme si la scène avait été répétée mille fois ou plutôt comme si Henrique lisait dans les pensées de ses assaillants leur prochain coup, leur prochaine attaque. C’est ça, exactement comme un maître aux échecs il a toujours un raisonnement d’avance.
Amoureuse ou fière de son ami, Isabelle remarque :
- Il est doué, non !
- Oui, mais ils sont toujours quatre, il va se fatiguer. Il faut intervenir.
- Tu as raison, sont les seuls mots lancés par Isabelle, avant qu’elle ne ramasse l’épée de la précédente victime et s’élance au côté d’Henrique.
A la voir épauler son ami, le seul mot qui me revient à l’esprit est «moustique». Elle virevolte, pique, s’éloigne, pique à nouveau, son faible poids loin d’être un handicape l’aidant dans son harcèlement qui déjà porte ses fruits. Désorganisé, le quatuor ouvre sa défense et Henrique, d’un seul mouvement souple, tranche à nouveau une gorge et balafre une cuisse.
L’angoisse, à voir ces deux jeunes gens face à des tueurs chevronnés, qui me culpabilisait de ne pas les avoir tous les six froidement expédiés «ad patres», s’estompe.
Henrique se concentre sur les deux valides alors que Moustique pique sans relâche le blessé qui bientôt s’effondre, vaincu.
Les deux derniers redoublent d’efforts, se jettent en avant, Henrique recule, faiblit il ?
Visiblement, il temporise, puis il cède à nouveau d’un pas, son combat a perdu de la prestance.
- Mais qu’est ce qu’il attend ? Demande Muriel.
L’attaquant de droite se fend en un éclair, Henrique le dévie, frappe le cou de celui de gauche et revient piquer celui de droite, deux doigts sous le sein gauche.
- Ça, répondis je à Muriel.
- Apparemment, il aime les doublés, remarque Blaise qui s’approche.
- 17 trous, constater Claudie toujours terre à terre.
- 17 quoi ?
-17 tombes, on n’a pas fini de creuser, 26 m3 soit environ quarante tonnes de sable, précise Blaise.
- On pourrait les donner aux requins, propose Claudie pragmatique.
- Ooooh ! Choqué de Muriel.
- Repus comme ils doivent être, ils sont capables de nous faire des restes, plaisante Blaise.
Le fou rire général qui nous secoue n’est en fait qu’un moyen de libérer la tension qui nous oppresse depuis toutes ces heures.
Devant le regard étonné de Moustique et d’Henrique, je précise :
- Humour noir !
Avant de continuer :
- Bravo ! Tu peux le féliciter, il est exceptionnel.
Tous reprennent en chœur les félicitations. Devant les louanges traduites par Isabelle, Henrique, tel un matador se redresse fièrement alors que derrière lui un dernier râle se fait entendre. Curieuse nature humaine, aucun de nous supporterait l’assassinat d’un innocent taureau pour le plaisir d’un voyeurisme malsain et là, nous félicitons ces adolescents pour leurs victimes.
- Ca va, ça va crache la VHF ?
- Oui Gaëlle, c’est fini, comment va Léo ? Réponde Claudie.
- Ca va le faire rassure telle.
- Nous rentrons. Terminé.
Le retour, s’effectue, déployé sur toute la largeur de l’île, pour vérifier si nous sommes toujours bien les seuls habitants de cet Eden qui commence à ressembler de plus en plus à un cimetière.
«Il faudrait les enterrer sur l’autre îlot », songeai je.
Arrivés près de la piscine, c’est la déception, le pirate tué par Léo a en partie souillé de son sang la piscine… Nous le tirons à l’écart mais pour ce soir, ce sera tout.
- Vidé, complètement vidé, je n’en peux plus.
Blaise a bien résumé notre état physique.
- mais pourtant il va falloir porter Léo à bord, assène Claudie.
- Léo, il pèse vingt kilos de plus qu’Henrique, tentai je d’opposer.
- On remonte Léo à bord, insiste Claudie.
Blaise tente une diversion :
- Il ne supportera pas le transport.
Mais le :
- Oh bien sur que si,
de Gaëlle rend toute résistance inutile. Si les bretonnes se liguent… « Ce que Femme veut, Dieu le veut» alors «ce que les femmes … ».

" Seuls les paranoïaques survivent "
23-11-2015 à 09:52:00
les arquebuses ont une porté de 50 m avec une mise a feu a meche (je connais pas trop les armes de cette epoque)
23-11-2015 à 11:49:46
Moi je dit = TROP BIEN Encore.......................

Et hier soir , à " Canal-sat" il y avait " Nimitz Retour vers l'Enfer " , La Tempête magique Hi
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