Allez je vous en remet une (grosse) tartine si cela vous permet de vous échapper de notre quotidien qui va finir par être plus dangereux que celui de l'histoire ! (si vous trouvez des infos concernant l'armement et les portés des armes de l'époque , cela me permettrais de corriger certaines "approximations"
Devant la cuisse marquée de Gaëlle et l’absence de la deuxième bouteille, Claudie interroge :
- Des problèmes ?
- Oh oui ! On vous racontera, promet Blaise.
-Ben moi, je vais me rincer à la piscine, qui vient avec moi ? Interroge Muriel.
Seul Léo lui emboîte le pas.
Non ma chérie, moi je récupère, je suis vidé, lui répond Blaise.
Je suis de son avis, après avoir épuisé une douchette solaire sur mon début de calvitie, je m’adosse à la timonerie à côté d’Henrique et d’Isabelle, leur montrant le coffre échoué. Je promets :
- Cet après midi, nous le hisserons.
Depuis qu’Henrique revit, il s’intéresse à tout ce qu’il découvre à bord, plus particulièrement à la longue vue dont il ne se sépare presque plus, observant sans relâche un environnement qui lui est pourtant familier depuis quatre ans. Pourra t-il tenir son serment et taire tout ce qu’il découvre ?
Après avoir échangé quelques paroles avec Henrique, Isabelle traduit :
- Il demande si c’est dur d’être à son époque ?
- Parce qu’il a compris !?
- Oui, bien sur… et je lui ai expliqué, précise Isabelle.
- Bien sur, beaucoup de choses nous manque, nos familles, nos amis, nos gadgets…
- Il propose de dire à son fils, qui le dira à son petit fils de transmettre un message jusqu’à notre siècle pour que nous ne traversions pas à ce moment là.
Mes compagnons intéressés par cette proposition se sont rapprochés. Je remarque :
- Ce ne serait pas équitable.
- Pourquoi ? Questionne Blaise.
- Et bien, ça voudra dire qu’il sacrifie sa vie, celle d’Isabelle, toute sa descendance peut être.
- Dix huit générations environ, en supposant un enfant et demi par génération, multiplié…en faisant une moyenne basse, 1500 personnes, et si il meurt il ne pourra le dire ...conclut Blaise.
- Mais, il dit que si vous n’étiez pas venus, de toute façon il serait déjà mort, traduit Isabelle.
- Mais il ne l’a pas fait puisque nous sommes là…
Blême, Claudie m’interrompt d’une phrase qui nous glace :
- Il l’a fait !
- Quoi !!!
- Il l’a fait. Mon téléphone qui sonnait sans arrêt à Port St Louis, continue Claudie, blafarde et tremblante. C’était un notaire qui me disait que, il avait un message pour moi, que nous ne devions pas partir…Je ne l’ai pas cru, je ne l’ai pas cru. Oh mon Dieu ! Armel, c’est ma faute, j’aurais du…
- Claudie ! La coupai-je en la secouant par les épaules, regarde Isabelle et Henrique et ses…combien ?
- 1500 descendants, précise Blaise.
Je continue :
- Tu as sauvé environ 1500 personnes, Isa, Henrique, le bilan est, excuses moi Gaëlle, mais le bilan est positif.
- Oui, mais ceux que nous avons tués, remarque Blaise, eux aussi auraient du avoir des descendants.
Gaëlle intervient :
- Comme tu le dirais Claudie, nous sommes là et nous nous devons de survivre.
Pour quelqu’un qui voulait se sacrifier, se suicider deux heures plus tôt, curieux revirement; Je précise :
- De toute façon, si tu l’avais cru, nous ne serions pas venus, Henrique serait mort et avec lui tout espoir de descendance, donc personne ne t’aurait prévenue… et nous serions là où nous sommes.
- Euh ! Tu peux résumer ?
- Nous sommes là et … nous sommes là, conclut Gaëlle.
Un cri strident me vrille l’oreille gauche, je pense :
«Il n’y a pas de raison de hurler comme çà Claudie», puis la suite du hurlement s’articule en un :
- Oooh Léo !
Léo vient d’apparaître à la lisière de la végétation, en haut de la plage se traînant ensanglanté vers nous, les pattes avant fléchissant…et il tombe sur le sable. Claudie est déjà sur la plage ; la voyant s’approcher, dans un effort pathétique, Léo essaie de se relever sans y parvenir, trop faible. Alors que Claudie, suivie de près par Gaëlle rejoignent Léo gémissant, Blaise descend l’échelle, accompagné d’Isabelle, je trépigne sur le pont, hésitant à sauter les trois mètres qui me séparent du sable de la plage. Ah vingt ans plus tôt !
- Quoi ? Qu’est ce qu’il dit ? Demandai je après la phrase que vient de cracher Henrique.
Isabelle, remontant traduit en montrant la plage à trois cents mètres de là :
- Des pirates hollandais, il dit…
Je me précipite à l’intérieur, prends HK et ressorts au moment où Isabelle, qui a repris la longue vue, me crie :
- Ils emmènent Muriel !
- Muriel ? Rugit Blaise.
Alors que je tombe de l’échelle plus tôt que je ne la descends, Blaise est déjà parti, une épée à la main.
- Blaise, ne fais pas le con ! Attends moi !
Peine perdue, va falloir accélérer pour le rattraper.
En passant près du gros Léo ensanglanté, je pense à ces salauds et jette un bref :
- Gaëlle Léo ; Claudie carabines, pirates !
Et j’accélère à la poursuite de Blaise. Trois cents mètres plus loin, trois hommes entraînent difficilement une Muriel encore visiblement bien vivante, alors que deux autres observant notre course les suivent tranquillement, portant chacun une lourde arquebuse.
- Blaise, attends moi…haletai je.
Normalement, je suis plus rapide que lui sur les petites distances mais de voir Muriel emmenée, cela lui donne des ailes. J’ai un mal fou à le rattraper ; mon cœur semble chercher un passage entre mes cotes, comme un oiseau fou se cognant aux barreaux de sa cage. Les veines de mon cou, douloureuses et gonflées, me gênent pour respirer.
- Blaise… Arrête !
J’essaie d’arracher plus vite mes pieds du sable qui semble vouloir les retenir. Enfin, alors que les hollandais viennent d’atteindre la pointe nord ouest de l’île où un canot échoué avec deux hommes à bord les attendent. Enfin, j’attrape l’épaule de Blaise et parvient à le stopper. Nous sommes à environ cent vingt mètres des sept hommes qui nous observent toujours, l’air de dire : «alors, on s’arrête? »
Je suis sur qu’ils ont un sourire goguenard. En regardant nos mains, je résume la situation :
- Qu’est ce qu’on est con !
Reprenant un peu de sang froid, Blaise commente :
- M… !
Oui, c’est exactement ça ; sept hommes, autant d’épées plus deux arquebuses d’un coté et 120 mètres plus loin deux hommes, un pistolet et une épée.
- Et Claudie ?!
- Au moins quatre cents mètres plus loin pour les carabines.
Alors que les deux arquebusiers plantent de curieuses fourches dans le sable, les trois autres tentent de plaquer une Muriel déchaînée au sol, leur intention est on ne peut plus claire ; d’ailleurs, les deux du canot s’approchent pour leur prêter main forte.
- Les salauds, ils vont, ils vont, hoquette Blaise que je retiens toujours.
Nous sommes maintenant à cent mètres et un arquebusier tire.
Plongeant le nez dans le sable, Blaise m’exhorte à répliquer à cette balle qui vient de frapper le sable derrière nous.
- Tire, Patrick ! Tire, ils vont…
Cent mètres plus loin, le deuxième arquebusier qui nous vise est tout petit derrière le guidon qui tremble dans mes mains. Essoufflé, je n’arrive pas à viser, la sueur me brûle les yeux.
- Tire, mais tire !!!
Essayer de reprendre mon souffle, vider ma tête de pensées parasites, juste penser à la silhouette trop lointaine qui ne veut pas rester devant le canon de HK. Doucement la bossette et…. là bas le type a fait un bond de plusieurs mètres, comme fauché par un fléau géant. Blaise n’a pas le temps de me jeter stupéfait que l’explication parvient à mes oreilles : le bruit mat et profond du .50 ; Claudie en brisant un tabou vieux de huit ans a sorti la Barret du coffre.
- Claudie, lâchai-je pour toute explication devant l’incompréhension de Blaise, resté couché.
- Surtout, reste couché.
Ça, il vaut mieux rester couché alors qu’au dessus de nous passent des balles de 50 grammes, lancées à plus de 900 mètres/seconde
Le deuxième arquebusier subit le même sort que son collègue, fauché.
Je fais signe en direction du bateau, j’imagine Claudie allongée sur le pont, malgré le frein de bouche la lourde carabine est très lourde à maîtriser (j’en sais quelque chose). Le poing fermé comme lorsqu’il s’agit de stopper la chaîne, nous nous relevons doucement espérant que Claudie a bien compris mon geste. Là bas, des cinq hommes restants, seuls deux nous observent, les trois autres, maintenant Muriel au sol, n’ont pas encore réagi.
Nous nous élançons à nouveau : 80 mètres, 40 mètres. Devant notre ruée, les deux qui maintiennent Muriel la lâchent. Libérée, elle attaque le troisième qui, fesses à l’air, s’apprêtait à lui faire subir…, vu le hurlement qui jaillit de sa gorge, je ne voudrais pas être à sa place. Vingt mètres, un de ses acolytes s’élance vers elle, épée levée. A vingt mètres, bien qu’essoufflé, tremblant, je sais qu’il n’a aucune chance ;
«double tap» comme disent les tireurs, il est mort avant d’avoir compris et c’est la débandade. Les trois restants s’enfuient avec quinze mètres d’avance puis, se ravisant, stoppent et nous font face. Logique pour eux, mon curieux pistolet ne peut être que vide, donc une épée contre trois, ils pensent avoir l’avantage. Blaise s’avance, épée levée. J’interviens :
- Blaise, ne fais pas le con, trois balles et le problème est réglé !
- Non, je veux les étriper ces fils de pu…, leur couper les c….
Je ne peux lui laisser prendre des risques idiots face à ces pirates entraînés au combat, alors lâchement, facilement, honteusement j’abats les deux premiers, le troisième se détend comme un mètre à ruban, s’échappe de son bateau et s’enfuit, poursuivi de Blaise qui se trouve dans ma ligne de mire. Je ne peux pas tirer ! Le fugitif se retourne et se fend. Je crois voir l’épée traverser mon ami. Mais non ! D’un mouvement pur, simple, limpide Blaise esquive et transperce l’imprudent qui s’effondre sans un mot, sans un râle… Interloqué, j’entends Blaise rugir :
- Ah ! Ça fait du bien ; mon salaud tu fais moins le fier maintenant, ajoute t il donnant un coup de pied dans la carcasse qui imbibe de son sang une si jolie plage.
Soudain calmé, il se précipite vers Muriel, je reste debout au milieu des ces sept cadavres. Est-ce notre vraie nature qui se fait jour sous le vernis désormais émietté de la civilisation ?
Le plaisir malsain du chasseur tuant sa proie, parmi toutes les espèces animales la plus cruelle survivra ; la plus cruelle j’en fais donc partie, l’espèce humaine, celle qui fait le moins preuve… d’humanité.
Il y a trois ans, j’hésitais à tuer un moustique ; il y a un mois, j’hésitais à tuer un homme ; aujourd’hui, je n’ai pas eu l’ombre d’une hésitation…
En regardant vers l’entrée de la passe, j’ai un choc : notre galion est là.
Mouillé à l’entrée de la passe dans ce vent d’est, il nous présente son flanc tribord, fidèle réplique de celui sur lequel nous étions quelques heures plus tôt. Son flanc tribord d’où s’échappe quelques volutes de fumée…
- Il nous canonne ! Hurlai je.
Nous avons clairement entendu le souffle du boulet qui vient de plonger dans le lagon. Deux canots sont mis à l’eau contre les flancs du galion, nous nous enfuyons vers la plage. Blaise remarque :
- Soit en trois mois l’artillerie a fait de gros progrès, soit les canons hollandais sont plus performants.
Après deux cents mètres de course, nous reprenons un rythme plus en rapport avec l’âge de nos artères. Devant le visage ensanglanté de Muriel qui court nue à nos cotés, je m’inquiète :
- Tu es blessée ?
- Non, c’est le sang de l’autre existé.
- Nous sommes idiots, nous avons fini par nous croire seuls au monde dans un jardin d’éden et sept imbéciles débarquent…
- Huit, m’interrompt Muriel.
- Où est il ? Interrogeai je en relevant HK,
- Probablement en enfer, je trouve que Léo prend vite goût à la chair humaine, tente de plaisanter Muriel avant de reprendre :
- Et Léo, c’est grave ?
Justement, nous arrivons à coté du blessé qui ne tourne pas la tête vers nous se contentant de lever les sourcils.
- Alors Gaëlle ?
- Une longue estafilade, presque trente centimètres pas trop profonde mais il a énormément saigné.
- Alors ?
- Bien, il va falloir refermer proprement et lui pêcher beaucoup de poissons.
Au mot magique, la tête consent à bouger ; bon signe !
- Henrique dit qu’ils chargent les canots avec beaucoup d’hommes et…
J’interromps Isabelle :
- Pourquoi pour un hollandais est il identique au notre ?
Isabelle traduit :
- Il y a eu, comment dit t’on ? Trois sisters ships construits, celui là doit être celui capturé par le pirate « hollandais» il y a cinq ans.
- S’ils débarquent, nous sommes très mal, remarque Blaise.
- Je sais, Grotesque échoué sur la plage ne peut fuir et même s’il flottait, la seule issue de ce piège se trouve au niveau de la passe, sous le feu des canons hollandais.
- Ils ne peuvent débarquer qu’à la pointe où sur la plage ci, la côte nord-est n’est que récifs et rouleaux, résume Claudie.
- Combien par canot Henrique ?
- Ils commencent à embarquer dans le premier, peut être quinze, relaye Isa.
- Nous n’avons qu’à aller à la pointe avec les carabines, précise Muriel.
- Sous les boulets ?
- Il faudrait détruire le galion pour pouvoir empêcher le débarquement…soumet Gaëlle.
-Qui a un missile ? Me moquai je,
Puis me ravisant :
- Blaise, mets le hors bord sur zozo, vite ! Isa, demande à Henrique où est la sainte barbe.
- La quoi ?
- L’endroit où ils stockent la poudre à canon, l’endroit exact sur les croquis de Muriel. Claudie, passe moi la …Barrett.
Huit ans que mon égo fracassé ne m’a pas permis de tenir la crosse synthétique de cette arme particulièrement élégante avec son frein de bouche. J’interroge Claudie :
- Ca a été ?
- Ca pousse méchamment.
- C’est fait, interrompt Blaise.
Le zozo échoue son nez sur la plage, barré par Isabelle.
- Tu descends.
- Pas question.
- Si tu étais ma fille…commençai je.
- Je désobéirais encore plus, de toute façon tu as besoin de quelqu’un, je suis la plus légère et je connais parfaitement la passe et le lagon, alors !
Alors, elle a raison.
- Tu n’as pas intérêt à te faire tuer sinon…
A l’adresse des autres :
- S’ils débarquent, vous vous réfugiez dans Grotesque et …
- Le premier canot quitte le galion, traduit Isabelle.
- Vas y !
D’un coup de poignet rageur, elle lance zozo qui, avec mon poids sur l’avant, déjauge sur quelques longueurs.
La plage qui m’a semblé interminable à la poursuite de Blaise est avalée en moins de cinquante secondes.
A ma surprise, aucun coup de canon, ne salue notre traversée éclair de la passe et en une poignée de secondes nous sommes à l’abri de l’île ouest.
Lorsque nous abordons, Isabelle me jette :
- Suis moi !
Je la suis jusqu’à un petit promontoire semblable à celui de la piscine (mais sans piscine) dont les pierres sans végétation trahissent la longue station pleine d’espérance que les naufragés ont du passer dans ce poste de guet naturel. D’ici, l’on voit parfaitement la passe à cent cinquante mètres et le galion à trois cent cinquante mètres.
Le premier canot est au début de la passe, Isabelle m’interroge :
- Peut on les stopper ?
Elle a raison, il ne faut pas qu’ils abordent mais c’est s'exposé à une possible canonnade…mais elle a raison.
J’appuie la Barrett, mes doigts retrouvent leurs marques sur cette crosse torturée, ma joue retrouve la position exacte qu’elle avait huit ans plus tôt. A travers la lunette, l’étrave du canot semble me sauter au visage. Je vise la flottaison qui ondule dans la lunette sous les efforts des rameurs et doucement, j’effleure avec appréhension la queue de détente. C’est inhumain comme calibre, comment a fait Claudie… ?
Là bas, le trou d’entrée est propre et rond, mais la balle traversant le canot en diagonale a lacéré des pieds et de tibias avant d’emporter avec elle une partie d’un bordé bâbord.
Alors du canot, un rameur essaie de colmater les trous ; pour le premier cela semble facile, mais le second laisse visiblement entrer beaucoup d’eau.
- Pourvu qu’ils fassent demi tour.
Mais non, ils continuent. Je vise à nouveau la coque, il ne faut pas qu’ils débarquent sinon Grotesque au fond de sa nasse est en mauvaise posture.
Puis je me ravise, même avec un second trou, même sans bateau, ils iront sur la plage. Il faut que je vise encore les hommes. Du fait d’un léger coude dans la passe le canot fait presque un cap sur nous. Je vise le haut du dos du premier rameur et…
- Qu’est ce que tu attends ? Me demande Isabelle.
Si seulement ils pouvaient faire demi tour, remonter à bord et repartir, mais non. Je tire :
- Oh, la vache !
Laisse échapper Isa, les jumelles collées aux yeux
- Tu ne devrais pas regarder.
Non elle ne devrait pas, c’est pas un joli spectacle ; la balle de cinquante grammes a traversé le premier rameur au niveau de l’omoplate gauche, le deuxième sous l’omoplate, le troisième au milieu du dos lui broyant les vertèbres, le quatrième dans les reins et le cinquième au sommet du bassin. Une vraie boucherie.
- c’est pas un spectacle pour une gamine, ai-je temps de lâcher avant que ma vue ne se trouble, victime d’un éblouissement, mes mains tremblantes laissant glisser la Barrett…
- Patrick ! Ohh, Patrick, réveille toi ! Me hurle Isabelle dans les oreilles, en me secouant.
- Longtemps ?
- Cinq secondes, mais tu m’as fait peur, …mon père, mon père est mort comme ça d’un seul coup, achève t-elle des sanglots dans la voix.
- Tu cherches à me rassurer ou à m’achever ?
Reprenant la Barrett, j’observe le canot qui, très enfoncé, va s’échouer sur l’îlot Est ; à bord huit hommes encore valides, l’un deux brandit une épée dans notre direction approximative, sans doute, pour informer les canonniers du galion. Ça y est, ils tirent dans notre direction.
- Baisse toi, Isa !
Mais les boulets percutent la végétation bien en dessous de nous, notre hauteur nous place peut être hors de portée. Encore un étourdissement :
- Ça va, s’inquiète Isa, parce que moi je ne tire pas avec ça !
- Ça va aller, mais dure journée : la plongée, la course, et maintenant çà.
Le premier homme du canot vient de sauter sur la plage ; prudent, il s’est immédiatement couché. Ce que je craignais le plus est en train de se produire. Les pirates prennent pied sur l’îlot ou Grotesque échoué ne peut fuir. C’est le dilemme qui torture mon esprit : je n’ai pris que seize de ces monstrueuses balles.
- Le galion, vise le galion, intervient Isa devant mon hésitation.
Et elle continue par une image :
- On coupe le robinet avant d’éponger, le robinet c’est le galion.
J’observe alternativement le croquis de Muriel où figure la croix faite par Henrique. Absolument identique la croix se trouve sous le troisième cap de mouton du mât d’artimon, un mètre dessous environ. Dans la lunette, j’essaie de situer ce point pendant qu’Isa me commente ce qui se passe sur la plage en face :
- Il y en a trois de débarqués.
- Préviens les, lui demandai je en lui tendant la VHF.
- Ici Isabelle, il y en a trois de débarquer sur votre îlot et cinq…
Un souffle l’interrompt :
- Chut, on sait… a répondu Blaise.
A tous les coups, ils ne m’ont pas écouté, je commence à me redresser stopper par un seul mot lâché par Isabelle :
- Le robinet.
Elle a raison. Cap de mouton, un mètre, nous dirons 90 centimètres, je suis bien plus haut ; bossette, là bas tout près me semble t-il dans la lunette, seul un petit trou bien rond semble me narguer, un trou c’est tout. Pas d’explosion, pas de tonnerre et de destruction, rien. Pourtant, une balle de ce poids à une vitesse pareille dans une réserve de poudre, ça devrait faire comme…Dans les films.
Dans les films, c’est ça le problème qu’est ce qui se passe réellement dans la vraie vie ?
Qui s’amuse à tirer sur un baril de poudre noire pour… pour voir ce qui se passe ? Personne. Le doute m’assaille.
- Continue, ils sont couchés tous les huit sur la plage.
Je revoie pourtant cette peinture représentant je ne sais plus quel officier tirant un coup de pistolet dans la sainte barbe pour ne pas être pris et faire voler en éclats du même coup lui, son bateau et les assaillants. Mais est ce le choc de la balle ou la flamme du canon qui les a tous expédiés dans l’au-delà ?
Reprendre la visée, à nouveau ils nous canonnent.
-S’ils s’améliorent encore, la prochaine fois on va avoir chaud, remarque Isa.
Je commence :
- Va…
- Non ! Robinet.
A nouveau, le cap de mouton, garder les 90 centimètres, un peu plus derrière, combien ? 15,20 centimètres, bossette, détonation et … deuxième trou qui me nargue.
- Merde, merde et merde…!
Deux détonations interrompent mes jurons et Isabelle commente :
- Six couchés et deux touchés.
Prenant la VHF, je crie :
- Mais vous êtes où ?
- Chut ! Occupe toi du galion, on s’occupe de ceux là, me conseille Blaise.
Cap de mouton, toujours 90 centimètres et 40 centimètres derrière ; à ce rythme là, il va falloir écrire : «à découper suivant les pointillés». Bossette et…Le Ouiiiii ! strident d’Isabelle me confirme que cette balle a eu l’effet souhaité.
Le galion n’a cependant pas explosé en projetant une multitude de petites bûchettes aux quatre vents comme dans les films à grand spectacle. Néanmoins, une partie du pont et des bordés supérieurs a visiblement été soufflée.
Déçu, je me tourne vers Isa et commence :
- Je m’attendais plutôt …
- A ça ?! M’interrompt elle,
Alors qu’une formidable explosion parvient jusqu’à nous, coupé en deux, littéralement coupé en deux. Curieusement, l’avant et l’arrière semblent vouloir continuer à flotter de conserve un bref instant, probablement reliés entre elles par le reste des œuvres vives ; puis l’arrière prenant l’avant de vitesse s’en va le premier vers le fond.
Sur la plage en face, il me semble que les six hommes se sont un peu plus incrustés dans le sable, incrédules.
Alors que je me retourne vers le large, il ne reste plus rien de l’orgueilleux navire pirate, plus rien que quelques agrées flottants, des caillebotis, trois tonneaux, une cage à poules et de nombreuses planches brisées… et la carcasse du deuxième canot, retournée. Parmi ces multiples débris, quelques têtes essaient de surnager… pas pour longtemps. Sans doute frustrés de n’avoir pas pu goûter la chair tentatrice de Gaëlle, ils sont déjà à l’œuvre, la distance nous épargne en partie le macabre spectacle. Songeant aux calculs de Blaise, je lâche :
- Notre passif s’aggrave à 1500 descendants par victime… - Nous n’avons pas demandé à être là, rétorque froidement Isabelle.
Observant la plage, je propose à la VHF :
- On pourrait essayer de les laisser vivants ?
- Pour qu’ils reviennent nous poignarder dans le dos ? Questionne Blaise.
- Pas d’accord, c’est eux ou nous, renchérit Muriel depuis la VHF fixe de Grotesque.
- Bon, nous revenons avec Zozo.
Suivant Isabelle qui me précède d’une dizaine de mètres, je reprends le chemin de zozo. Alors qu’arrivée à la plage, elle se retourne, son visage en un instant se décompose. Sans réfléchir, au hasard, j’envoie la crosse de la Barrett en arrière ; un choc métallique suivi de ce qui doit être un juron, fait suite à ce mouvement réflexe. Mon assaillant a laissé choir son couteau, mais le colosse n’a pas ralenti sa course, il n’a pas besoin de son couteau. Lorsque cette masse noueuse et musclée me percute accrochant ses deux mains à ma gorge, je suis projeté en arrière sur le sable. Le choc me fait cracher mes poumons, je ne peux reprendre mon souffle ; durant la chute, j’ai envoyé mon genou vers une partie sensible de son individu ne rencontrant qu’une cuisse musclée.
J’essaie de passer mes bras à l’intérieur des siens, en vain. Qu’est ce qu’il y a de vulnérable dans une pareille masse : les yeux ? Lui planter mes doigts dans les yeux. Je manque d’air, «ma caisse à outils» , la sortir de l’étui de ceinture, j’étouffe… essayer, déplier…la lame…Non ! J’étouffe…
«C’était vraiment pas ma journée», pensai-je, alors que déjà mes yeux se voilent. Le moustique Isabelle attaque le gorille ; au moins soixante kilos les séparent. Teigneuse, Isabelle s’accroche à son dos lui mordant le cou en lui plantant ses doigts dans les yeux. La main droite du colosse lâche mon larynx meurtri et s’en va saisir la chevelure d’Isa, la projetant d’un seul geste à trois mètres de là. Dans un sifflement, mes poumons ont profité de ce répit pour réoxygéner mon pauvre cerveau. Vite, déplier cette minuscule lame qui ne traversera jamais une telle carapace de muscles, c’est certain.
Soudain, vient flotter devant mes yeux l’image de ce Vietnamien rondouillard et souriant qui, dix ans plus tôt, me montrant une minuscule lame de couteau m’avait confié :
«Avec ça, j’ai tué huit khmers rouges».
Et qui devant mon sourire septique m’avait précisé, en tapotant mes vertèbres cervicales :
« L’important, ce n’est pas la taille de la lame, mais où elle frappe »,
Alors que le battoir qui lui fait office de main s’apprête à rejoindre son jumeau pour m’achever, je me détends visant la gorge, faute de vertèbre cervicale à portée de main. Mais le gorille a en partie paré le coup, c’est un tueur entraîné. Sa main gauche saisit mon poignet alors que je viens de lui porter un coup dans les côtes sans qu’il ne bronche. La force de ce type est terrifiante ; je dis colosse, pas pour sa taille, il doit être à peu près grand comme moi, mais il a au moins vingt kilos de muscles de plus et vingt ans de moins.
Mon poignet droit broyé par la poigne de ce type et mon poing gauche tentant en vain de frapper la gorge et le visage du gorille, je ne vois pas d’issue si ce n’est fatale pour moi.
- Hhan ! Hhan !
Un hhan de bûcheron ! Isabelle vient de frapper, tenant le couteau du type à deux mains, elle lui enfonce jusqu’à la garde dans le dos. Il me lâche, trouve la force de projeter à nouveau le moustique sur le sable qui n’a pas lâché le couteau, les quatre fers en l’air.
Accompagnant son mouvement, j’ai pu me dégager et le faire basculer, ma main droite glisse sous son menton, rejoint la gauche qui est passée au dessus de son épaule gauche et la collé contre son dos ensanglanté, ma tête bloquée contre la sienne…Je serre de toutes les pauvres forces qu’il me reste, alors qu’il essaie de se redresser. Une seule pensée barbare m’anime : «le tuer, le tuer à tout prix». Ne pas faiblir, ne pas lâcher serrer, serrer… lorsque mes muscles tétanisés relâchent péniblement leur étreinte mortelle, Isabelle assise dans le sable le couteau ensanglanté dans la main, remarque simplement :
- A mon avis, ça fait un bon moment qu’il est mort.
- Merci, parviens je à articuler d’une voix rauque.
La VHF grésille un inquiet :
- Qu’est ce que vous faites ?
- Un petit problème à régler, on arrive rassure Isabelle.
- Petit ? Questionnai je en récupérant la Barrett pleine de sable.
- Va falloir faire un sacré trou, constate Isabelle pour toute oraison funèbre.
D’une pétarade, zozo nous a ramené sur l’îlot de Grotesque. A notre passage, les six rescapés n’ont pas bronché. Nous abordons à cent mètres d’eux environ où se tient Muriel et à ma grande surprise Henrique est debout sur le prototype de jambe articulée que nous lui avons confectionné Blaise et moi.
- Il ne devrait pas, c’est trop tôt, les cicatrices, commençai je.
Isabelle traduit mes remarques et la réponse d’Henrique :
- Où serait ma dignité si je restais assis alors que des femmes catholiques sont en danger ?
- Et Léo ?
- Gaëlle est restée avec, et d’après elle ça va.
- Elle a une arme ?
- Le 22 à Claudie et un portable pour nous contacter.
J’appelle à la VHF :
- Claudie, Blaise en avez-vous vu d’autres ?
- Non, nos ennemis de ce matin ont été de précieux alliés cette après midi, Gaëlle les a mis en appétit, remarque Blaise.
- Eux aussi ? Ironise Muriel en me tendant HK avant d’ajouter :
- Tu es enroué ?
- On t’expliquera, abrège Isabelle.
Tout en parlant, nous nous sommes approchés des six survivants. Henrique se lance dans une diatribe enflammée qu’Isabelle traduit d’un laconique :
- Il leur dit qu’ils ne méritent que la pendaison.
- On pourrait…
- Non, m’interrompt Muriel.
Je lui redonne HK précisant :
- J’en ai assez de tuer pour aujourd’hui.
Alors que visiblement la très catholique Muriel s’apprête à les renvoyer auprès de leur créateur, Henrique la retient. Isabelle traduit :
-Il dit que c’est à lui de les corriger.
- Les corriger !
- Oui.
- Mais ils sont six et sa jambe, il est pénalisé, plaide Muriel.
- Oui, mais il a besoin de se rassurer, il faut qu’il se batte sinon pour lui il ne sera qu’un handicapé fini…il faut, insiste Isabelle.
- Qu’est ce qu’on fait ? Demande Blaise.
Je regarde Henrique qui s’éloigne, décidé et Isabelle, dont les yeux semblent dire :
« Laisse lui une chance de se retrouver».
- Si il y en a trop qui s’approche, on éclaircit les rangs.
- Trop, c’est combien ? Remarque justement Blaise.
- Isabelle, trop c’est combien ?
- Sans sa jambe, affaibli, je pense quatre.
- Quatre, mais …
- Il est très bon, je te dis, s’énerve Isabelle.
J’interroge Blaise :
- Tu as entendu ?
Henrique stoppe et commence à parler d’une voix forte. Isabelle nous traduit :
- Est-ce qui parmi les cochons apeurés qui se vautrent dans leur urine, il y en a au moins un qui aurait le courage d’attaquer autre chose qu’une femme ?
Le premier et le troisième hésitent à se lever, Henrique les rassure :
- Vous n’avez que mon épée à craindre, mes amis ne veulent plus gaspiller leur poudre sur des infidèles tout juste bon a faire des razzias et à violer comme des barbaresques.
Alors que Muriel me redonne le 9mm, les deux indécis s’élancent et ...meurent.
- Je n’ai rien vu… constate Muriel.
Pour ma part, je n’ai entendu que deux cliquetis, un sifflement et pfutt ! Le premier à genou se tient la gorge à deux mains, et le deuxième, tout aussi étonné, regarde une tache rouge qui s’élargit sous son sein gauche. Regardant les quatre derniers, Henrique jette quelques mots brefs comme autant de soufflets provocateurs.
- Qu’est ce qu’il a dit ? Interroge Muriel curieuse.
- Je ne comprends pas, je ne connais pas ces mots.
Si elle ne les connaît pas, ils ont un effet terrible sur le quatuor qui semble très bien les avoir compris et, se redressant comme un seul homme, ils répliquent sur le même ton.
- A mon avis, il s’agit des noms d’oiseaux, commente Muriel.
- Oui, mais ils sont quatre, remarquai je en relevant HK.
Isabelle arrête mon geste.
- Henrique a engagé sa parole : « que l’épée ».
Nous nous regardons avec Muriel, nous sommes les deux cancres et de loin de nos après midi d’escrime.
Le quatuor s’est arrêté à prudente distance d’Henrique qui, d’une phrase, tente de les aiguillonner.
- Auriez vous peur d’un handicapé ? Traduit Isabelle.
En le regardant orgueilleux et fier, dans le soleil de cette fin d’après midi, je songe :
« Handicapé, certes, mais faisant preuve d’une belle intelligence de combat. IL a su se placer dos au soleil sur le sable plus compact en lisière des flots, alors que ses assaillants piétinent dans le sable meuble».
Le quatuor, plus avisé, lance des attaques prudentes pour tester les défenses d’Henrique.
Si tout à l’heure l’esquive de Blaise était pure, le combat d’Henrique n’est qu’élégance dans la pureté ; pas un geste inutile, un suite de parade et d’attaque où tout s’enchaîne à la perfection comme si la scène avait été répétée mille fois ou plutôt comme si Henrique lisait dans les pensées de ses assaillants leur prochain coup, leur prochaine attaque. C’est ça, exactement comme un maître aux échecs il a toujours un raisonnement d’avance.
Amoureuse ou fière de son ami, Isabelle remarque :
- Il est doué, non !
- Oui, mais ils sont toujours quatre, il va se fatiguer. Il faut intervenir.
- Tu as raison, sont les seuls mots lancés par Isabelle, avant qu’elle ne ramasse l’épée de la précédente victime et s’élance au côté d’Henrique.
A la voir épauler son ami, le seul mot qui me revient à l’esprit est «moustique». Elle virevolte, pique, s’éloigne, pique à nouveau, son faible poids loin d’être un handicape l’aidant dans son harcèlement qui déjà porte ses fruits. Désorganisé, le quatuor ouvre sa défense et Henrique, d’un seul mouvement souple, tranche à nouveau une gorge et balafre une cuisse.
L’angoisse, à voir ces deux jeunes gens face à des tueurs chevronnés, qui me culpabilisait de ne pas les avoir tous les six froidement expédiés «ad patres», s’estompe.
Henrique se concentre sur les deux valides alors que Moustique pique sans relâche le blessé qui bientôt s’effondre, vaincu.
Les deux derniers redoublent d’efforts, se jettent en avant, Henrique recule, faiblit il ?
Visiblement, il temporise, puis il cède à nouveau d’un pas, son combat a perdu de la prestance.
- Mais qu’est ce qu’il attend ? Demande Muriel.
L’attaquant de droite se fend en un éclair, Henrique le dévie, frappe le cou de celui de gauche et revient piquer celui de droite, deux doigts sous le sein gauche.
- Ça, répondis je à Muriel.
- Apparemment, il aime les doublés, remarque Blaise qui s’approche.
- 17 trous, constater Claudie toujours terre à terre.
- 17 quoi ?
-17 tombes, on n’a pas fini de creuser, 26 m3 soit environ quarante tonnes de sable, précise Blaise.
- On pourrait les donner aux requins, propose Claudie pragmatique.
- Ooooh ! Choqué de Muriel.
- Repus comme ils doivent être, ils sont capables de nous faire des restes, plaisante Blaise.
Le fou rire général qui nous secoue n’est en fait qu’un moyen de libérer la tension qui nous oppresse depuis toutes ces heures.
Devant le regard étonné de Moustique et d’Henrique, je précise :
- Humour noir !
Avant de continuer :
- Bravo ! Tu peux le féliciter, il est exceptionnel.
Tous reprennent en chœur les félicitations. Devant les louanges traduites par Isabelle, Henrique, tel un matador se redresse fièrement alors que derrière lui un dernier râle se fait entendre. Curieuse nature humaine, aucun de nous supporterait l’assassinat d’un innocent taureau pour le plaisir d’un voyeurisme malsain et là, nous félicitons ces adolescents pour leurs victimes.
- Ca va, ça va crache la VHF ?
- Oui Gaëlle, c’est fini, comment va Léo ? Réponde Claudie.
- Ca va le faire rassure telle.
- Nous rentrons. Terminé.
Le retour, s’effectue, déployé sur toute la largeur de l’île, pour vérifier si nous sommes toujours bien les seuls habitants de cet Eden qui commence à ressembler de plus en plus à un cimetière.
«Il faudrait les enterrer sur l’autre îlot », songeai je.
Arrivés près de la piscine, c’est la déception, le pirate tué par Léo a en partie souillé de son sang la piscine… Nous le tirons à l’écart mais pour ce soir, ce sera tout.
- Vidé, complètement vidé, je n’en peux plus.
Blaise a bien résumé notre état physique.
- mais pourtant il va falloir porter Léo à bord, assène Claudie.
- Léo, il pèse vingt kilos de plus qu’Henrique, tentai je d’opposer.
- On remonte Léo à bord, insiste Claudie.
Blaise tente une diversion :
- Il ne supportera pas le transport.
Mais le :
- Oh bien sur que si,
de Gaëlle rend toute résistance inutile. Si les bretonnes se liguent… « Ce que Femme veut, Dieu le veut» alors «ce que les femmes … ».
" Seuls les paranoïaques survivent "