Juste un essai pour voir ce que cela donnerait à vous faire "subir"

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24-11-2015 à 08:09:46
Lorsque de retour de Croatie printemps 2005 , nous avions parler de cette histoire à une copine Calabraise (en stoppant "Bad-Mobile" à coté de chez elle) nous avions abordé le sujet du sexe dans ce type d'histoire, pour elle avec son accent Italien:"Bien sur ll fallait inclure des scène de sexe".
J'ai essayé , c'était pas terrible ,donc désolés les gars et les filles il n'y en aura pas , j'aurais du demander à la Cala-BRAISE de les écrire


- Pourquoi n’as-tu pas acheté un caniche nain ? M’interroge Blaise haletant, alors qu’enfin Léo repose sur le pont de Grotesque. Je ne réponds pas cherchant mon souffle. A regarder Léo qui nous observe sous ses sourcils levés, je suis de voir luire une lueur narquoise dans ses prunelles.
- Qu’est ce que vous voulez manger ce soir : spaghettis Bolognaises, ou tripes à la mode de Caen ? Demande Claudie.
- Aaaah ! Tu n’as pas quelque chose de plus, enfin de moins évocateur.
- Chochottes, bon ! Aussi cuisses de canard.
- Ca roule, articulai je péniblement.
Alors que je me glisse le long de l’échelle de bain pour me laisser porter par cette eau tiède des tropiques, j’entends Blaise décréter :
- Rhum pour les combattants !
Oui, les combattants ; deux fois, nous avons eu beaucoup de chance mais les tropiques sont décidément bien trop fréquentés pour notre sécurité, malgré leur nombreux avantages, température constante, légumes et fruits toute l’année, plage et piscine…le paradis, mais trop mal fréquenté. Gaëlle me ramène à la réalité d’une simple question qui me fait dresser les cheveux sur la tête :
- Tu crois qu’ils ont assez mangé ?
Lorsque je m’assois dans le cockpit de pêche, Gaëlle remarque malicieusement :
- C’est rassurant, je t’effraye moins que les Jean Louis.
- Non, c’est juste qu’il est sorti sans réfléchir, précise Blaise en me tendant un cognac.
Tous les sept, assis sur le pont autour de Léo, nous savourons l’instant magique du crépuscule que nous avons failli ne jamais voir. Profiter du spectacle, de mes compagnons, je les observe un par un en sirotant ce vieux cognac sorti pour l’occasion. Dans les yeux d’Henrique s’est rallumé la flamme de la confiance en soi ; malgré sa fatigue, il se tient plus droit, fier d’avoir montré à tous, surtout à Isabelle, ce dont il était capable.
Isabelle, qui semble boire ses paroles parait beaucoup plus âgée qu’il u a seulement quinze jours, sans doute le régime spécial concocté par Muriel. Je remarque à l’intention d’Isabelle :
-Ton bronzage est vraiment…
- Ce n’est pas que du bronzage, ma grande mère maternelle était indienne de Pondichéry.
- Ça explique la tignasse superbe constate Muriel.
- Et solide, ajoutai-je.
- J’ai cru qu’il m’arrachait le peau du crâne, s’exclame Isa.
Avant de résumer notre «petit » problème avec le colosse.
- Montre ton cou à Gaëlle, me conseille Claudie.
- Mon quoi ? Tentai je de plaisanter.
Ce soir, même les très mauvaises plaisanteries sont prétextes à rire, rire pour la vie, rire pour se sentir vivant.
Ma main droite gratouille Léo derrière l’oreille gauche (sa préférée) alors que de la gauche j’essuie mes yeux qu’un fou rire idiot ont fait pleurer. Gaëlle s’approche et éclairant mon cou lâche :
- A quand même, il devait être balaise ?
- Un monstre, renchérit Isabelle.
Palpant mon larynx douloureux, Gaëlle me nargue :
- Douillet ?
- C’est rien de le dire, confirme Claudie.
- Pense à autre chose, me conseille Gaëlle en laissant glisser son regard vers son décolleté qu’elle à vertigineux. Dans la lueur de la torche, j’aperçois le piercing de son nombril.
- Vaut mieux pas, intervient Claudie, sinon il va nous péter une durite.
Blaise volant à mon secours, annonce :
- J’ai un an de plus que Patrick et je peux résister au pire des spectacles…
- Au pire des spectacles ! S’insurge Muriel.
- Mais je ne parlais pas de toi, chérie.
- De moi peut être ? Menace Gaëlle.
Blaise, battant en retraite, remarque à mon intention.
- Tu as raison Patrick, tu n’aurais pas du l’appeler Grotesque mais les Jeannes.
- Les comment ?
- Une femme du 14e siècle qui, pour venger l’exécution de son mari, est devenue pirate et a commandé jusqu’à trois navires, raconte Claudie,
Avant d’ajouter à l’intention de Gaëlle :
- Bon, tu ne vas pas lui compter tous les poils de la Barbe !
Essayant de détourner la conversation, j’interroge Blaise :
- Tu te laisses pousser la barbe ?
- Pas le choix, j’ai jeté mon dernier jetable alors…
- Moi, j’ai sacrifié mon dernier pour raser Léo avant de le recoudre ; maintenant, je vais être obligée d’entamer un dur combat avec pour toute seule arme ma pince à épiler, ajoute Gaëlle.
- Vu la taille de tes maillots, tu risques de perdre le combat, remarque Blaise.
- C’est le cognac qui le rend égrillard ou…
Interrompant Gaëlle, Muriel précise :
- Oh non ! Il est comme un gros célèbre : il est tombé dedans quand il était petit et depuis…
- Depuis il est comme tous les hommes, il ne pense qu’à ça, tous des obsédés, conclut Claudie.
Me tournant vers Blaise, je constate :
- C’est notre fête ce soir,
avant de continuer à l’intention de la gent féminine :
- Parce que vous, Non ?
Le cri du cœur jaillit entre les lèvres de Gaëlle suivi d’un soupir lourd de sens :
- Oh, moi si !
Un ange s’enfuit outré devant cet aveu spontané.
- Bon, si on s’occupait plutôt des canards ?
Léo adora le repas. Chaque manchon ayant sa peau, qu’habitude de vie dans un pays riche du 21e siècle personne ne mange. Léo se vit donc attribuer un repas supplémentaire fait d’une bonne douzaine de peaux bien grasses, il nous remercie comme à son habitude d’un fort joli rot bien sonore.
- Ton chien est vraiment mal élevé, note Muriel.
- Il faut bien qu’il s’exprime et c’est Patrick qui a déteint dessus ! S’empresse de le défendre Claudie.
- Oh, décidément, c’est ma fête, je préfère noyer mon chagrin dans l’alcool, concluai-je en savourant un
«Lalande Pomerol » sacrifié pour l’occasion.
- Pas près d’en racheter un comme ça, remarque Blaise nostalgique, plus de chicots, un jour ou l’autre plus de Bordeaux, tous les plaisirs disparaissent.
- Pas tous, rectifie Muriel, les yeux pétillants, pas tous chéri.
- C’est Blaise ou toi qui est tombé dedans tout petit ? La taquine Claudie.
- Tous les deux, viens chéri, on va se reposer, laissons les médire sur notre libido.
Blaise, vaincu ou intéressé, suit sa femme sur le chemin de leur cabine…
Pendant que Claudie aidée de Gaëlle et d’Isabelle dessert, Henrique, après m’avoir salué regagne en claudiquant sa place favorite sur l’avant de la timonerie, payant visiblement ses exploits d’aujourd’hui.
Je reste seul, sirotant très lentement mon Bordeaux, m’imprégnant de cette saveur pour m’en souvenir longtemps, le plus longtemps possible.
Ma main droite caresse Léo qui joue maintenant pleinement son rôle de grosse peluche rassurante, comme le disait Muriel tout à l’heure  : - A le voir ainsi, gros nounours affalé, on ne se douterait pas que ce matin, en un instant, il s’est mué en un fauve près à tuer ou à se faire tuer pour me défendre.
- Toi aussi, ton caractère intéresserait les psychiatres, hein mon gros !
- Patrick, tu parles au chien, me demande Isabelle sur le chemin de la timonerie.
- Pas toi ? Tu verras en vieillissant…Je ne suis pas encore à dire : «hein le fifils à son papa, il va donner sa papatte…», mais je crains qu’un jour ça m’arrive.
- Ca voudrait dire que tu as eu de drôles de fréquentions, pouffe Claudie en me rejoignant.
Elle reprend :
- Ben, ton verre, tu espères le finir quand ?
- En 2003, Claudie, jusqu’en 2003.
- Faut pas rêver, cela te fera 496 ans environ.
Assis côte à côte à l’arrière de Grotesque avec Léo, nous regardons ce ciel étoilé.
- Nous aurions pu être un moment plus tôt ou plus tard, continue Claudie en faisant allusion à la journée des Sphères.
La plainte haletant de Muriel parvient jusqu’à nous, hymne au désir, douce musique du plaisir, vibrant cri de douceur.
- Pour elle, c’est le moment.

- C’est beau, murmure Claudie.
- Elle est presque en rythme avec le clapotis sur la plage, notai je plus mer à mer.
- Elle est surtout très bruyante, remarque Gaëlle qui nous rejoint les bras chargés de couverture.
Elle ajoute :
- C’est pour vous, je présume que vous restez avec Léo.
- Oui, merci.
- Moi, j’ai battu en retraite devant un tel déferlement, Muriel se lâche vraiment ce soir. Il y a quoi dans ton vin ?
Faisant mine de regarder le fond de mon verre à la lueur des étoiles, je précise :
- Du raisin, que du raisin, enfin j’espère…plus tout le reste se terminant en IDE,fongicide,pesticide…
Devant la mélopée qui reprend crescendo, Gaëlle a un geste agacé :
- Ah tu vois, ça t’agresse !
- Je n’ai pas dit que c’est désagréable mais pour moi ça souligne un manque et et…
Sautant du coq à l’âne, elle demande :
- Je peux rester avec vous ?
- N…
- Oui, me coupe Claudie.
Après ce qu’elle vient de dire, autant inviter une grenade dégoupillée à s’asseoir à côté de nous. Surtout que la grenade en question s’allonge à côté de Claudie et pose sa tête sur ses cuisses. Au lieu de lui faire remarquer que Grotesque est grand, Claudie se contente de lui caresser les cheveux comme pour endormir une gamine, montée en graine.
Le tableau me rappelle un titre : « Femme et chatte», je crois même entendre ronronner Gaëlle, mais non elle se contente de sourire aux étoiles et semble s’endormir par magie.
Observant à ma droite Léo qui ronfle et à la gauche de Claudie Gaëlle qui soupire, je ne peux m’empêcher de remarquer :
- Je ne savais pas que nous avions un couple !
Alors que Claudie pouffe, un filet de voix sort entre les lèvres entrouvertes de Gaëlle :
- Insinuerais tu que je suis qu’une chienne lubrique ?
- Tu sais, je suis athé, pour moi il n’y a ni chien d’hérétique ni chienne lubrique et puis surtout tu n’es pas encore assez poilue…
- Salaud !
- Idiot !
(A VOIR).

- Ptit déjeuner !
Gaëlle faisant assaut de prévenance nous réveille aux aurores avec un plateau copieusement garni.
- Tu veux nous engraisser ? Interroge Claudie.
- As-tu oublié que nous avons du terrassement à faire ?
- Oh la corvée ! Articulai je péniblement, le larynx douloureux.
Pour sur, c’est une corvée, la victime de Léo portée de la piscine à la plage puis chargée sur zozo, nous pataugeons tous vers l'extrémité ouest de notre îlot et la macabre besogne qui nous attend. Seul, Henrique qui paie ses exploits de la veille et Claudie qui dorlote Léo sont restés à bord de Grotesque.
Cela pourrait être une ballade sympa. D’ailleurs, c’est une ballade sympa à bien y réfléchir, Muriel et Gaëlle sont radieuse, Moustique qui, la pelle à neige sur l’épaule, rit de bon cœur à l’humour noir que déploie. Blaise pour nous donner du cœur à l’ouvrage, le décor est superbe dans ce début de journée presque pas de vent…



(A DECRIRE)













- C’est superbe, dommage que cela soit si peu tranquille, confesse Muriel.
- Moi, je trouvais cela beaucoup trop calme… pendant quatre ans, modère Moustique.
Superbe, sauf que les corps qui nous attendent se font de plus en plus distincts.
Gaëlle remarque :
- Pas eu de petits lutins pour faire la sale corvée, cette nuit.
La sale besogne commence par la remise à flot du canot intact et par son chargement, alors que nous mettons à l’écart arquebuses, épées, ceintures. Blaise constate :
- Nous allons devenir des détrousseurs émérites à ce rythme là.
- Faudrait pas que cela devienne une habitude, tempérai-je.

Gaëlle qui retourne le cadavre en partie défroqué pour mieux le saisir aux épaules, s’exclame :
- Oh la vache ! Qui lui a fait ça ? En désignant le milieu du corps.
- Euh, fallait bien se défendre, se justifie Muriel, gênée.
- Dis donc, tu as une sacrée mâchoire Chérie, je serais toujours gentil avec toi, promet Blaise.
- Dégonflé, lançai je narquois.
- Dégonflé, tu peux le dire, j’ai retrouvé le morceau manquant, il devait être fier avant Muriel ?
- Un peu trop à mon goût, précise t-elle.
Finalement, les seize corps sont entassés à bord du canot tracté par zozo pour leur dernière traversée vers l’îlot ouest.
Seuls, Blaise et moi sommes restés à bord avec les dépouilles, ramant afin d’aider zozo qui tire fièrement tout seul devant conduit pas Isabelle.
Muriel et Gaëlle ont déjà pris pied et accompagnent notre laborieuse progression le long de la plage dorée pas encore écrasée de soleil.
- D’ici çà fait un chariot de la terreur de retour de guillotine, nous crie Muriel.
- Mais ils ont tous leur tête, rectifie Blaise.
Arrivant à hauteur de mon assaillant d’hier, Moustique stoppe et l’étrave du canot crisse doucement sur le sable humide.
- Belle musculature, remarque Muriel.
- Merci, chérie, répond Blaise en ergotant ;
- Mais non, lu précise son épouse en indiquant l’étrangleur étranglé.
- Sans Moustique…soufflai-je.
Empoignant la pelle à neige, Muriel s’attaque à la partie la plus physique de la corvée : la fosse.
Blaise, ayant calculé que nous économiserions près de 30 % à ne faire qu’une fosse commune, les dix sept gaillards se tiendront compagnie pour l’éternité.
Quatorze tonnes de sable ; plus loin, nous avons une fosse d’environ huit mètres de long sur 1,80 mètre de large et 0,50 de profondeur, des ampoules à tous les doigts et perdu un gros paquet de calories.
- Imaginez la scène : nous rencontrons des amis : « chériiie ! Comme tu as minci, tu as fait de la thalasso? Non, non ! J’ai fait dans la fosse commune » mime Blaise.
- Dire que dans quatre siècles, les touristes rôtiront doucement sur cette sépulture imprévue.
- «…vos amours font jouir mes os décomposés...» Je cite cette phrase qui m’est revenue à l’esprit.
- Autant prendre son pied de son vivant, assène Gaëlle en contemplant mon orteil gauche d’un oeil amusé et lubrique.
Devant l’incompréhension de Blaise, je lui souffle un :
- Je t’expliquerai, évasif.
Alors que nous installons le dernier corps, la VHF crache un :
- Alors, vous en êtes où? Inquisiteur de Claudie.
- Encore deux heures, faut reboucher, répond Muriel laconique.
Effectivement, deux heures plus tard, alors que nous tapotons doucement le tumulus du dos de la pelle, nous pouvons pousser un ouf de soulagement.

" Seuls les paranoïaques survivent "
24-11-2015 à 12:22:14
Il faudrait que je retourne voir la "Braise" ,

Ou que je trouve une femme pour l'écrire !?( Non monsieur j'ai pas dis Négresse ! )
Et que j'inclus ce chapitre : vu par Gaelle ou Claudie un peu comme dans Malville ou il y avait un narrateur principal et certains chapitres "vu par" ?

Donc désolé : privés de dessert !

" Seuls les paranoïaques survivent "
24-11-2015 à 17:39:57
Ben oui il y avait un message mais pas le petit signal pour m'avertir ?

" Seuls les paranoïaques survivent "
24-11-2015 à 17:45:51
- Claudie avait raison, on aurait du les donner en pâture aux requins, reconnaît Blaise, exténué,
sans soulever de «Oh ! » réprobateur de la part de Muriel, Muriel qui n’est plus capable de soulever quoi que soit d’ailleurs.
Notre retour le long de la plage parmi les débris du galion ramenés par la marée a tout de la retraite de Russie. Blaise, vaincu laisse échapper :
- Un tracto pelle, ça du bon.
Embarquant à quatre dans le canot, il nous faut ramer six cents mètres vers Grotesque. Encore cent mètres sous ce soleil très haut et la VHF transmet :
- Je vous attends à la piscine avec des boissons fraîches.
- Aaaah ! est notre seule réponse.

- Ah ça, c’est les tropiques, constate jovial Blaise en sirotant son cocktail au bord de la piscine, apparemment rincée du sang qui la souillait hier. Du soleil, de l’ombre, de l’eau chaude et des femmes jolies, jolies. Tient ! Où est Isabelle ?
Je lui désigne Moustique qui revient en courant ; non pas encore des problèmes.
Son grand sourire nous rassure, malgré son air excité. Elle nous crie quelque chose :
- …oule, de oules…, des poules ! Des poules !
Elle nous rejoint essoufflée et précise :
- Une caisse avec au moins une douzaine de poules vivantes.
Oubliant nos courbatures, nous nous élançons à sa suite ; tirée plus au sec par Isabelle, il y a une grande cage à poules, avec une douzaine de gallinacés apeurés et mouillés se serrant dans une extrémité alors qu’a l’autre, quatre à cinq poules mouillées ont rendu l’âme, noyées.
- Est ce qu’il y a un coq ? Est ce qu’il y a un coq ? Demande Claudie qui se voit déjà la tête d’une nombreuse basse cour.
- Combien d’œufs/semaine ? Questionne Muriel, voyant défiler devant elle des omelettes, des gâteaux des crêpes…
- Je crois, les excellentes pondeuses : 250 œufs par an et les moins bonnes, environ 130, énonçai je.
- Alors, 12 poules à, en moyenne 190 œufs, ça fait six œufs par jour ! Précise Blaise.
- Si elles sont jeunes sinon peut être moitié moins.
- Est ce que vous avez un coq ?
- Non, pas de coq en vue, à part Blaise.
Il vient de nous tomber du ciel, enfin du galion Hollandais, au minimum une omelette hebdomadaire pour sept aux œufs frais et si elles s’avèrent très bonnes pondeuses des crêpes et des gâteaux. Voilà que je me mets à penser comme Muriel, mais les œufs en poudre ça va un temps. Ah ! Casser, casser un oeuf frais et le faire tomber dans un cratère de farine déclenchant une petite éruption floconneuse.
Semblant prendre le relais de mes pensées, Muriel poursuit :
- Des meringues, la mayonnaise, un lait de poule…
Ces douze malheureusement bêtes, effrayée nous seront bien plus utiles dans l’immédiat que les presque trente litres d’émeraudes à fond de cale…
- A moins que la trouille ne leur ait tellement serré le croupion qu’elles ne pondent plus jamais, envisage Gaëlle inquiète, devant une Muriel déconfite semblant regarder s’envoler ses délires culinaires. 450 ans plus tôt, enfin plus tard, notre seul dilemme aurait été :
«Bio, œufs céréales ou œufs farine animale ?
En portant la cage vers le campement où nous avions découvert Henrique, je songe :
«Douze poules maintenant nous réjouisse plus qu’une poignée d’or. Nous retournons à l’essentiel, aux plaisirs simples comme Isabelle et son désir de brosse à dent.
- Je vais transformer une des cabanes en poulailler, décrète Blaise,
avant d’ajouter :
- On devrait faire le tour des îlots si des fois on retrouvait…
- Une vache ?
-Pour l’instant, j’ai un petit creux, la vache ce sera pour plus tard.
Sitôt le repas terminé, Blaise s'atelle à la tâche qu’il s’était fixé pendant que Muriel ; Claudie et Moustique suivi d’un Henrique claudiquant partent à la chasse aux épaves.
Accompagné de Gaëlle, je retourne avec Fifille sur l’épave du galion.
Le trajet est silencieux, effectué à la voile dans ce vent faible, seul de léger clapotis de l’étrave à marotte accompagne nos pensées.
A peine sommes nous amarrés à couple du canot, que Gaëlle plonge rechercher la bouteille abandonnée…hier seulement. Déjà, d’une détente, elle se propulse vers la surface ramenant sa proie jaune et noire. Lorsqu’elle émerge souriante, les cheveux collés encadrant son masque nos regards se croisent et pour la première fois depuis la mort de son compagnon, ses yeux sourient aussi. Je retrouve la Gaëlle d’avant avec une brusque maturité en plus.
- Les goinfres, ils l’ont bien arrangée, notai je en contemplant les restes d’un détendeur. Tu vois, Gaëlle ce qu’il arrive aux choses qui brillent de trop.
Dans un éclat de rire, elle me lance :
- Mais les diamants sont éternels !
Après quatre nouvelles apnées, les amarres abandonnées par Grotesque, sont toutes récupérées et le canot libéré de toute entrave peut être péniblement remorqué par Fifille.
- Nous ne sommes pas arrivés, nous aurions du remettre le hors bord sur Fifille, constatai je.
- Faudra ramer.
- Laisse mes ampoules se remettre des pelletées de ce matin, si ça traîne de trop, on appellera Moustique avec zozo.
Le silence revient, nous enveloppe ; ce n’est plus le silence méfiant, un peu gêné comme il y aurait pu avoir entre nous, mais un silence presque complice.
Sans doute, chacun pense à la soirée d’hier, curieuse impression obscure. J’observe cette jeune femme, mince luisante de sueur et bronzée, souriant sous le soleil et je ne peux faire le lien avec la silhouette féline sachant par son déchaînement si bien faire succomber Claudie, hier soir.
Sous la lune, j’ai du rêver ou fantasmer, me rassurai je.
Mais d’un simple mot, Gaëlle me ramène à la réalité :
- Merci.
Devant mon silence, elle poursuit :
- Cela m’a fait du bien.
- Oui, nous avons cru constater, tentai je de remarquer.
- Non, idiot !
- Idiot ?
- Si !mais je veux dire du bien dans mon esprit, dans mes pensées…enfin Merci !
- Tu pourrais remercier Claudie.
- C’est déjà fait, nous avons longtemps parlé hier soir mais toi tu faisais déjà concours de ronflement avec Léo.
- Oui, et bien maintenant, je vais faire un concours d’aviron avec toi.
- Tu n’appelles plus Moustique ?
- Non, je préfère te fatiguer, répliquai je en songeant :
« Est-ce qu’une 'grenade' fatiguée est moins dangereuse ?»
Nous approchons lentement dans les tâches bleu cobalt qui parsème les dégradés de vert émeraudes qui nous séparent encore de Grotesque.
- Mais qu’est ce qu’il est lourd à remorquer ce canot !
Gaëlle, en sueur, propose :
- Si nous faisons une halte langoustes ?
Dans ces quelques mètres d’eau, la vie foisonne encore comme à l’origine. Ces centaines, milliers de créatures qui nous entourent semblent avoir été victimes de quelques peintres fous et audacieux  ; une telle débauche de couleurs vives sur tous ces poissons bariolés ne peut être que l’œuvre d’un créateur délorant jetant pèle mêle sur sa toile les couleurs les plus incroyables.
Parées de ces couleurs dont je ne soupçonnais même pas l’existence, les créatures les plus hideuses aux formes torturées sont sublimées et grâce au génie de Dame Nature deviennent tout simplement belles.
A contempler leur beauté, c’est du bonheur pur qui traverse notre nerf optique et inonde notre cerveau.
Notre estomac, n’ayant pas les mêmes pôles d’intérêt, nous ramenons, encore, huit de ces beautés à bord du canot. Si ! Une langouste aussi ça peut être superbe et pas seulement une fois cuite…
Regardant mes victimes, je lâche :
- C’est dommage.
- Peut être, mais nous ne fonctionnons pas directement à l’énergie solaire, alors ! Et puis maintenant que nous sommes sur de manger du Bio à 200 %.
Certes, c’est un point positif : plus de thon au mercure, de poulet aux hormones, de vache folle, de miel au gaucho, du lait à la dioxine…de toute façon, la première vache est loin d’ici.
- Bon, faut y aller, lance Gaëlle en entamant un chant de marin parlant de filles volages et cupides, de misère, d’espoir, comme tous les chants de marin.
C’est en chantant «brave marin», qu’enfin nous échouons Fifille à coté de Grotesque.
- Vous auriez pu choisir plus gai, note Muriel.
- Ca fait un peu Armada, constate Claudie.
C’est vrai, Grotesque entouré de zozo, de Fifille, du canot martiniquais et celui des hollandais fait un peu mère poule au milieu de ses poussins.
- N’ait crainte, les taxes annuelles ne sont pas encore inventées, plaisante Muriel.
- Et Blaise ?
- Je savais qu’il avait un faible pour les poules mais là ça dépasse tout…Oh, des langoustes !
C’est vrai, en si peu de temps Blaise a fait un travail superbe ce soir. Ces dames vont loger dans un quatre étoiles.
- Blaise, c’est super tu te recycles dans l’élevage ?
- Tu sais, compte tenu de l’âge de tes ordis et de la durée de vie de ce type de matériel, je risque d’être rapidement à cours de hobby, Si tout se passe bien pour nous.
Blaise, semblant parler à lui même marmonne :
- J’espère qu’aucun rat n’a pu débarque sinon…, et Léo tu crois qu’il va s’en prendre aux poules ?
- Léo est spécial, on le surveillera, quelques rouleaux de grillage et…
- Il faudrait l’inventer, dans quelques siècles peut être…
- Quelquefois j’oublie, j’oublie l’époque. Devant le détendeur détruit, j’ai pensé: «on s’en achètera un à Fort de France». C’est idiot, avouai je.
- Celle là, tu ne trouves pas qu’elle fait mâle, c’est peut être un jeune coq ? Questionne Blaise plein d’espoir.
- Tu sais, moi le sexe des poules ; on verra bien.
- Ce sera super des petits poussins, pourvu qu’il n’y ait pas de rats !
- Arrête de faire une fixation sur les rats, qu’ont elles trouvé ?demandai je sautant du coq à l’âne.
- Des Débris, cette porte, précise Blaise en montrant la porte du poulailler, une vergue avec sa voile.
- Ah ! Ce serait bien de faire une voile pour un canot, notai je, mes bras douloureux me rappelant le poids du …et reprenant :
- Quand ces dames te libéreront, tu nous rejoins, ce soir langoustes !
- Encore !!!
- C’est ce qu’il y a de plus facile à attraper avec les coquillages et les poissons sont tellement beaux.
- Ah une bonne cote de bœuf soupire nostalgique Blaise.
Je crois entendre ses glandes salivaires entrer en survitesse.
- Barbare,
Puis montrant l’ouest nord ouest, j’ajoute :
- Par là, c’est plein de bonnes grosses cotes de bisons.
- Ne me tentes pas, j’irais à la nage, m’interrompt Blaise.
- Et d’indiens.
- Bon, langoustes, soupire t il résigné.

" Seuls les paranoïaques survivent "
25-11-2015 à 09:04:51
Ce matin, nous sommes tous perclus de crampes et courbatures, nous payons nos efforts de la veille.
- Aie ! Aie ! Je ne savais pas qu’on avait autant de muscle, se plaint Isabelle.
A Blaise qui remonte à bord, je demande :
- Tu n’es pas courbaturé ?
Me tendant ses deux mains :
- C’est mes mains, elles sont bloquées.
- Il les pose crispées sur le chêne de la table du carré et les retire vivement laissant apparaître sur le vernis un petit œuf beige parsemé de quelques points plus ombres.
- Déjà ! Tu es bien vu de ces dames, lançai je.
Il me répond du tac au tac :
- Je ne suis pas le seul.
Comme dit mon ami savoyard, « je fais le canard ».
- Il est petit.
- La coquille semble fragile.
Ayant mangé les derniers il y a moins d’un mois, nous décidons que ce premier œuf sera pour Isabelle et Henrique. Henrique, égal à lui-même décline l’offre.
- Tu le veux comment ? Demande Muriel.
- A la coque, c’est possible ?
- La coquille à l’air fragile.
- Au plat, oui au plat se décide Isa.
- Pèse le, demande Blaise.
- 45 grammes, Elle ne s’est pas cassée le c…annonce Claudie.
Après que chacun ait donné ses conseils : «attention à la coquille, au jaune, à la cuisson, pas de sel…», l’œuf au plat arrive devant Isabelle, visiblement émue devant ce met rayé de son vocabulaire depuis quatre an et demi : un œuf de poule au plat.
Dans le reflet doré des boiseries du carré, cinq adultes, penchés vers une adolescente, la regarde mastiquer lentement, une larme perlant aux coins de ses yeux fermés.
Dans un ensemble, nous questionnons :
- Alors ?
- Hum mm !
- Hum ?
- Jouissif, souffle Isabelle.
- Là, je doute, murmure Gaëlle.
Nous la regardons déguster ce petit œuf alors que les perles ruissellent maintenant, traçant deux sillons humides vers son menton.
- Ca va être trop salé, tente de plaisanter Blaise.
Devant notre incompréhension, Isabelle précise :
- La dernière fois, c’était à bord de notre voilier avec papa…
En reprenant elle nous fait un sourire mouillé et décrète :
- Il était très bon !
- Apparemment, aucun symptôme, pas de boutons, pas de coma, de convulsions ; ce n’était pas la peine de lui faire goûter, on aurait pu le manger, plaisante Blaise sous l’œil réprobateur de la mère poule Muriel.

La journée s’est passée à se reposer des efforts de la veille. Henrique, qui a ouvert son coffre, trie et fait sécher le contenu et reste pensif sur la plage à côté de ses biens étalés au soleil, pour ceux qui étaient encore en état de sécher.
J’ai nettoyé la Barrett du sable qu’elle avait pris lors de l’assaut du colosse. Isabelle m’a ramené les douilles du .50 que nous avons laissé sur l’îlot ouest. Malheureusement, celles là je n’ai aucun moyen de les recharger, à moins d'essayer de fondre des balles et de recharger à la poudre noire ?
- Si elles étaient retrouvées en 1980 par exemple et qu’on essaie de les dater, que donnerait le résultat ? Plus de 19 ans ? Moins 447 ans ? Questionnai je.
Mais personne n’a de réponse ou plus probablement tout le monde s’en moque.
Blaise repart peaufiner son œuvre poulaine.
- Si elles étaient reconnaissantes, nous devrions avoir au moins trois douzaines d’œufs demain matin. Léo commence à se faire remarquer, refusant de rester tranquille.
- Faisait moins le fier il y a deux jours, hein mon gros ! Le narguai je en lui grattant derrière ses oreilles de cochon alors que poussant son front contre ma poitrine il vient réclamer des câlins.
- Tu parles encore à ton chien, note Isabelle.

Une belle journée calme et bienheureuse, jusqu'à environ de 16 heures. Alors que nous barbotons comme des gosses dans notre miraculeuse piscine, Henrique qui nous observe, semble t-il amusé, se met à parler d’une voix grave et hésitante. Isabelle, au lieu de nous traduire immédiatement comme d’habitude, reste figée, grave et triste. Puis elle se tourne lentement sur elle-même pour regarder le fier espagnol qui semble fuir le regard de la frêle Isabelle. A la voir, isolée parmi nous, seule en notre compagnie, me revient un refrain  :
«…que c’est triste Orly le dimanche…» avant qu’enfin les lèvres d’Isabelle parviennent à articuler le premier mot malgré leur tremblement. Je sais déjà ce qu’Henrique a demandé ; une autre phrase tourne dans ma tête :
«…et là elle perd l’amour…»
- Il demande quand vous pourrez le ramener en Martinique ?
- Est il pressé ? Demandai je pour temporiser devant le désespoir d’Isa.
- Il doit rentrer pour sa famille, pour prendre sa place, et… et pour.
- Quand Gaëlle le pensera capable de supporter la traversée, ajoutai je en passant la patate chaude à Gaëlle.
Isabelle traduit stoïque, froide, dure, carbonisée, c’est ça, d’un seul coup ce jeune corps plein de vie semble s’être transformé en quelques fossiles desséchés. Visiblement, son amour pour Henrique est plus que fraternel, si ce n’est plus que platonique.
- Il n’est pas prêt, décrète vivement Gaëlle, ses efforts d’avant-hier ont montré ses limites, il doit se renforcer.
- Je dois améliorer le mécanisme de la jambe, ajoute Blaise
volant au secours de Gaëlle et d’Isabelle.
- Il dit qu’il vaut mieux attendre deux semaines, qu’il vous remercie et … le reste c’est pour moi.
Nous parvenons à saisir quelques brides : il s’excuse, qu’elle était toujours sa petite sœur, juste sa petite sœur… Puis il s’éloigne, non il s’enfuit devant ces deux grands yeux noirs secs, et brillants qui lui crient tour à tour leur détresse, leur amour, leur désespoir, leur colère…
On peut lire les pensées qui tourmentent Isabelle dans l’encre de ses prunelles passant du charbon à la braise pour finalement s’éteindre et n’être plus que cendre avant de, peut être un jour, s’envoler en poussière pour laisser à nouveau briller ce regard pour un autre homme, un jour peut être…
La tristesse de la scène nous a submergés ; l’eau de la piscine nous parait froide. Le cœur serré nous avons littéralement vu Henrique plonger sa main dans le terreau fertile de la jeunesse et d’en arracher le germe d’un amour déjà bien enraciné.
Aucun de nous ne sait quoi faire et Léo n’est pas la pour jouer son rôle.
En tendant la main dans sa direction, je tente un :
- Isabelle, viens.
- Elle se retourne vers nous, souriante et crie :
- Le premier au bout, en plongeant suivie de Gaëlle.
- Soit elle est solide ou soit très bonne comédienne, remarque Claudie en s élançant à son tour.
Elle a pied et elle le sait …

Le soleil, déjà bas sur l’horizon auréolé de rouge,à travers les frondaisons, tel un œil de cyclope gigantesque ; semble nous observer, curieux de voir les réactions de ces microbes qui s’ébattent dans la piscine.
- Si nous étions au fond d’une éprouvette ?
- De toute façon, éprouvette ou non, c’est notre réalité, comme dans ces films ou la réalité créait un monde virtuel qui, pensant être la réalité créait un autre monde virtuel, etc.
- Arrête, tu me files le vertige, m’interrompt Muriel.
Gaëlle interrogeant abruptement Isabelle, lui demande:
- Quelle réalité vas-tu choisir ?
- J’aurais aimé m’intégrer au 16ème siècle avec Henrique mais pas comme sa sœur… Vous, vous êtes de mon époque mais vous êtes tous …vieux.
- Ah ! Merci.
- Ca fait plaisir.
- Je n’ai que 10 ans de plus que toi, s’insurge Gaëlle.
- Prends ton temps, tu as au moins 15 jours pour bien réfléchir et prendre ta décision ; ne la prends que pour toi, conseille Muriel.

" Seuls les paranoïaques survivent "
25-11-2015 à 09:07:44
Bon question au sujet de probable bêtises écrites ci dessus :
Par exemple une idées des possibilité et "performance d'une douille de .50 rechargée à la poudre noire avec une balle en plomb fondu ?
La taille des amorces est elle la même que celle utilisée pour , dans le cas qui nous concerne dans cette historiette , le 7X64 ?

" Seuls les paranoïaques survivent "
25-11-2015 à 11:07:18
sur un fusil PN en 50 moderne tu peux charger jusqu'a 12 grammes (180 grains) et .... ca pousse ....
je sais pas du tout combien peux contenir une douille de 50 moderne.
25-11-2015 à 11:10:12
apres la solution extreme :
https://www.youtube.com/v/HFDeh9QsbTI
25-11-2015 à 12:02:19
Merci les gars c'était juste pour rester dans le "potentiellement " logique (au moins pour ça !! :) )
Sur le Malfati (un vieux de 2000) il ecrit 15,5 gramme de poudre Vectan Sp13, poids de la balle 42,5 grammes et 656 gr
m/s 885 pression 3330 P et amorce type FN n°75.
Donc si pas même amorce que le 7X64 pas logique qu'un gars qui ne se sert plus de sa Barrett depuis x années ai des amorces spécifique à ce calibre en stock....

" Seuls les paranoïaques survivent "
26-11-2015 à 08:24:11
Dix jours ont passé, bien trop vite au goût d’Isabelle qu’on a vu souvent faire de longues promenades mélancoliques avec Henrique. Léo, enfin autorisé à reprendre de l’exercice, ne s’est qu’une seule fois intéressé aux protégées de Blaise, ce qui lui a valu un coup de bec sur le museau et la grosse bête de quatre vingt cinq kilos a prudemment battu en retraite devant trois kilos d’agressivité. Depuis, il les ignore dédaigneusement semblant se dire : « un cou si ridiculement fragile ne mérite pas que je m’abaisse à le broyer ». Cela au grand soulagement de Blaise qui est retourné à ses premières passions : l’ordinateur. Caché derrière l’écran, il m’interpelle :
- Viens voir, c’est prodigieux !
Je me penche m’attendant à voir quelques créatures prodigieuses, mais déçu mon regard ne parcourt qu’une page de l’encyclopédie.
- Oui ?
- Bien lis !
Je lis donc, on y parle des racines d’une vieille famille espagnole.
- C’est la famille d’Henrique ?
- Mieux, c’est sa descendance.
- Il n’y a rein d’extraordinaire, c’est le propre de l’animal de se reproduire…
Sur de son effet, Blaise coupe :
- Ce qui est extraordinaire, c’est que le premier jour de notre arrivée, alors qu’Henrique agonisait avec sa jambe gangrenée…il n’y avait rien.
Ca c’est un coup de poing à l’estomac, ça vous assoit, d’ailleurs je m’affale sur la banquette en laissant échapper un «Merde !» sonore en bon français que je suis.
Mes neurones, bloqués par cette révélation ou plus précisément survoltés, partent en tout sens pour comprendre… et je disjoncte. Je ne suis pas un intellectuel...
- Hou hou ! Y a quelqu’un la haut, s’exclame Blaise.
- Bien sur, que l’on sauve Henrique, qu’il ait des enfants rien que de la logique puisque l’un d’entre eux tentera de prévenir Claudie, mais que nos actes d’aujourd’hui influent sur un disque dur…
- Et sur le Cdrom, précise Blaise.
- Et sur un Cdrom qui sera gravé dans 450 ans ou plutôt qui a été gravé il y a deux ans de là, c’est c’est…
- Prodigieux, achève Blaise.
- Non, incroyable, impossible, impensable…
- Et pourtant, il y a pire, poursuit Blaise.
- Pire ?
- Lis, continue Blaise après avoir cliqué deux fois.
Je lis donc la vie très résumée d’Henrique : marié à 18 ans avec sa cousine, un enfant à 19 ans, veuf à 20 ans, pas remarié fit preuve toute sa vie d’un génie inventif certain le nommant De Vinci espagnole, mort à 69 ans très vieux pour l’époque.
- Il n’y a rien de pire ?
- Ça ne va pas tarder.
- Abrège, Blaise.
-…Et bien, j’ai vu le destin d’Henrique changer, influencé par l’état d’esprit d’Isabelle. Depuis trois jours, j’ai vérifié, pendant leur promenade le contenu de l’écran semblait se dissoudre, osciller puis les lettres s’affichent, les mots s’affichent mais l’histoire avait changé.
- Ah ?
- Lorsque Isabelle pense rester avec nous c’est le résumé que tu viens de lire qui s’affiche et sinon c’est,…Bon, tien regarde !
L’information affichée à l’écran semble bue par le fond de la couleur grise. L’info doucement, oscille, tentant de surnager, réapparaît déjà en partie dissoute comme si elle flottait sur un bain d’acide gris. Nous n’avons plus sous les yeux qu’une surface monotone parcourue d’ondulations concentriques.
Mais déjà un nouveau texte émerge et s’affirme.
- Ca donne l’impression de regarder les pensées de Moustique, c’est merveilleux !
- Non, c’est dramatique, je ne sais quoi faire, lis.
Comme précédemment, le résumé précise : Henrique , marié à 18 ans,père à 19 ans, veuf à 20 ans, remarié à 21 avec une Isabella d’origine française morte en couche à 17 ½ ans.
- Tu vois mon problème ? S’informe Blaise.
Pour sur que je le vois. Isabelle choisit de suivre Henrique, dans cinq ans elle est morte.
- Qu’est ce qui prouve qu’elle va vivre plus longtemps si elle reste avec nous ? Demandai je.
- Rien, c’est pour ça que je t’en ai parlé, je ne sais vraiment pas quoi faire. Si on la laisse partir, elle sera à priori heureuse 1 ½ ans et paiera le prix fort ensuite. Mais si je l’influence de rester avec nous et qu’elle a un accident plus tôt ou à la même date ? Elle aura le cœur déchiré et n’aura pas vécu plus longtemps.
- Tu ne comptes pas sur moi pour t’aider ? Tu me connais, avant de prendre une décision j’hésite, je soupèse, essayant de voir tous les avantages et les inconvénients et quasiment invariablement je suis persuadé d’avoir fait le mauvais choix. Alors, si il y a une vie en jeu en plus… Ne compte pas sur moi.
En silence, nous regardons cette page d’encyclopédie anonyme parlant d’une jeune fille morte il y a eu, il y aura 445 ans et pour nous il s’agit du faire part de décès d’une amie proche.
- Vous en faites une tête, nous interpelle Claudie qui entre dans la timonerie, avant-garde du trio infernal qui nous rejoint.
En deux clics rapides, Blaise fait apparaître à l’écran une créature plus en rapport avec ses pôles d’intérêts habituels. Muriel se penchant sur l’écran demande :
- On ne te suffit plus mon Chéri ?
- Si ça vous fait faire une tête pareille, vous devriez vous contenter de la réalité, ajoute Gaëlle.
Après un échange de regards avec moi, Blaise clique de nouveau et répond :
- Non, c’est ça.
Une fois résumer la situation, Claudie décrète :
- Il ne faut pas influer sur le destin d’Isabelle !
- Son destin était de vivre au 21ème siècle, remarquai je.
Gaëlle, quand à elle, propose :
- On pourrait être là pour son accouchement ?
- Crois tu pouvoir faire face à toutes les situations ? L’interroge Muriel.
- Franchement non, concède Gaëlle.
Nous décidons qu’il est urgent de ne rien faire, en souhaitant qu’elle choisisse de rester avec nous.
Après plusieurs minutes de silence ou chacun s’explique avec sa conscience, je tends l’index vers l’écran et cite d’une voix chevrotant le célèbre :
- Téléphone, maisoonn !
- Quoi ?
- Non, si nous laissons un message dans le galion découvert en 1985, nous ne partirions pas il n’y aurait pas de message et donc…
- Nous serions là où nous sommes, modère Blaise.
- Oui, mais nous pouvons laisser un message dans le galion pour le chef de l’expédition.
- Van Hoeck, professeur Van Hoeck, précise Blaise après s’être excité sur le clavier. Curieux, poursuit il, nos idées ne semblent pas avoir d’influence sur les infos.
- Nos actes peut être, espère Muriel.
Je reprends :
- Donc, nous laissons des messages pour nos proches à ne leur délivrer que par exemple un mois après notre disparition.
Muriel, dans un élan de joie, me prend dans ses bras, dans un moment d’angoisse, pressé contre sa poitrine, j’imagine le sort du mâle dans un couple à la Dubout.
- Laisse moi respirer, réclamai je.
- Quoi ! Dis que je suis grosse.
- Non, tu es envahissante, débordante…
- De graisse, coupe t-elle menaçante.
Je conclus prudemment :
- D’affection Muriel, d’affection.
Claudie, plus pragmatique, questionne :
- Comment réaliser un message qui résisterait 434 ans environ ?
- L’or, c’est du 24 carats, on en fait des feuilles et on grave nos messages dessus. J’ai lu ça quelque part, affirme Gaëlle.
- On peut aussi rendre nos proches riches… propose Claudie.
- Et pour…Armel, questionne Gaëlle soudain sombre.
- Le mieux, c’est de mentir, c’est mieux pour sa famille, décide Muriel.
Puis voyant Isabelle arriver, elle se précipite vers elle, essaie de l’étouffer contre son sein gauche et s’éloigne en pleurant.
Devant l’étonnement de Moustique, Blaise déclare en éteignant l’Ordi :
- Ne fais pas attention, c’est sa fille qui lui manque.

Avec Blaise, nous nous acharnons sur un de ces curieux petits lingots, en lui demandant gentiment, avec l’aide de la masse, il consent à se transformer en une grande feuille à peu près régulière grâce à l’incroyable ductilité de l’or. Me montrant Henrique, penché sur le guindeau, Blaise décrète :
Je crois savoir d’où lui viendra son génie inventif. Il ne parlera pas mais essaiera d’adapter tout ce qu’il a vu à bord de Grotesque.
- Pour ta part, tu sais qu’il te reste à faire cet après midi : cinq feuilles identiques les plus régulières possibles.
- Et toi, tu vas aller barboter avec ces dames pendant que je manierai la masse.
- Exact.

Pour mettre en pratique l’idée de Claudie d’enrichir nos proches, nous allons à nouveau faire une ponction au trésor du galion. Ponction qui, complétée d’une partie de ce qui se trouve déjà à bord, sera dissimulée en deux endroits distincts.
- Ca va faire ‘chasse aux trésors', remarque Blaise faisant allusion aux indications des lieux répartis sur plusieurs messages.
- Ca les amusera ! Je les imagine, peut être à cette même date, mais en 2003, peut-être sont ils tous là en train d’arpenter cette plage à la recherche de signes laissés par nous, peut être vont-ils racheter ces îlots et y vivre. alors que nos os seront que poussière depuis bien longtemps. Curieux destin !
- Si on meurt ici, corrige Blaise.


La plongée de l’après midi fut une des plus fructueuses ; nous faisons donc deux solides paquets que demain, à l’aide de la pelle à neige, nous enfouirons le plus profond possible un à terre et l’autre derrière Grotesque par 2,50 mètres d’eau.
- En espérant que l’un au moins parvienne jusqu’à eux, soupire Claudie, le cœur brisé de voir disparaître une partie de l’or et des émeraudes.
- Imagine tes frères riches, ça te consolera, lui conseillai je.
- Sur, ça leur fera un beau noël 2003, curieux de faire des colis en espérant qu’ils soient découverts dans 450 ans.
- On devrait aussi laisser des messages avec les colis, note Isabelle.
Blaise, empoignant la masse, me fait signe de le suivre :
- Dix feuilles de plus ! Gravez déjà les premières.
- Qu’est ce que j’écris pour papa ? Questionne Isabelle soudain grave.
- Ment, écris qu’il a un gros problème de vue, enfin pour ta mère, ment !
- Moi, j’écris qu’Armel s’est cassé le poignet et que j’écris pour lui, précise Gaëlle.  
Le contenu de ces messages est à peu près similaire : on vous aime, nous sommes arrivés dans le passé nous ne savons pas comment, sommes finalement heureux d’être ici, enfin maintenant, la santé est bonne etc. A les lire, on dirait presque ces cartes fadasses type que les vacanciers du monde entier s’expédient par million. Mais il s’agit avant tout de rassurer nos proches… Alors tous les mensonges sont bons. Par contre, la feuille destinée au professeur Van Hoeck fit l’objet de discussions enflammées. Finalement, elle prit la forme suivante :
«Professeur Hoeck, nous imaginons sans peine votre incrédulité, mais la première demande de notre part  : - gardez le silence absolu sur cette découverte.
Nous ne savons comment ni pourquoi, mais nous avons été projetés dans le passé.
Nous ne vous dirons ni la date ni le lieu de notre passage imaginant déjà des armadas de toutes les nationalités décidées à aller chambouler l’histoire… chacun à son avantage bien sur.
Nous vous demandons de remettre les cinq bouteilles scellées ci jointes à leurs destinataires respectifs après avril 2003.
Vous savez qu’il ne s’agit pas d’une plaisanterie, qui déposerait ce coffre à bord de l’épave en y laissant le fabuleux trésor que vous allez découvrir ?
D’ailleurs, les ponts ont du s’effondrer, le sable recouvrir nos trous éphémères.
Si ce message vous parvient, dans votre livre ou sur le Cdrom de l’encyclopédie, gravé en Juin 2000, laissez un message à notre intention.
Inexplicablement, nos actes agissent sur le contenu, comment, pourquoi ?
A l’historien que vous êtes, nous promettons de ne pas intervenir dans l’histoire.»

Suivent nos six signatures plus les deux fausses des absents.
P.S. «un deuxième galion identique a coulé à 350 mètres à l’extérieur de la passe, un pirate hollandais parait il.
Bonne plongée ! »
- Alors? Cela devrait toujours avoir été écrit  ? Questionne Muriel.
- Rien, rien ne change, répond Blaise l’œil rivé à l’écran de l’Ordi.
- Rien, sur le livre non plus, commente Claudie, déçue.
- Et pourtant avec I…,
Se reprenant in extremis Blaise achève :
- L’i...dée seule cela aurait du marcher.
- Nous verrons demain après avoir enfoui les deux colis et ramené le petit coffre d’Henrique dans le galion tout sera en place et on verra.
- Pour l’instant, rhum pour l’équipage, termine Blaise.
- Et emballage sérieux, poursuit Muriel.
En effet, chacun des messages pour nos proches est roulé dans une bouteille d’un célèbre soda, la bouteille remplie d’huile de cuisine bouchée avec un bouchon en liège, la capsule remise en place sur un lit d’époxy et chaque bouteille momifiée dans de la fibre de verre et de la résine époxy. Les momies sont ensuite introduites dans un bidon étanche rempli de sable et fermées.
Enfin, le bidon est enfermé dans le petit coffre d’Henrique avec ses charnières réparées par Blaise.
- On ne peut pas plus le protéger, le Bébé ? Interroge Claudie.
- Peut être plaqué l’extérieur d’épaisses feuilles d’or, propose Muriel.
- La Masse ! demande Blaise
Et nous allons de nouveau martyriser d’innocents lingots.
- Bon là, on ne peut plus rien faire de mieux, constatai je en finissant de coller à l’époxy la dernière feuille d’or sur le coffre.
- Pourvu qu’il arrive car il nous coûte cher en époxy, remarque Gaëlle.
- Et en or, renchérit Claudie.
- Oh l’or ! Il y en a plein là bas, alors que l’époxy, poursuit Blaise.
- Toujours rien à l’écran…commente Muriel.
- Vous croyez vraiment que ça peut changer, c’est invraisemblable, décrète Isabelle.
- Et pourtant, ça peut Isabelle, si tu savais à quel point.

Ce matin, alors que Blaise, Gaëlle, Claudie et Isabelle vont à nouveau polir le manche de la pelle neige, sous l’œil curieux de Léo, pour enfouir à l’endroit précis le colis terrestre destiné à nos familles.
Je vais à nouveau barboter avec Muriel dans cette épave où j’avais juré de ne plus mettre le bout d’une palme.
Contremaître Mérou nous accueille avec effusion ; peut être que ça s’ennuie un mérou dans un galion  ?
Nous voilà dans la pièce où Gaëlle a failli y rester. Maintenant que nous allons déposer ce petit coffre dans un de ses grands frères, la palme de Blaise toujours dressée entre deux coffres et les deux pare battages plats comme des limandes criant d’anachronisme dans ce décor, n’ont plus d’importance.
Puisse notre message parvenir jusqu’à Van Hoeck et ...que le pirate hollandais n’était pas un de ses ancêtres  !
Ca y est, le lourd couvercle est rabattu sur notre précieux message et c’est accompagné de Mérou que nous sortons sous une avalanche multicolore qui défile par un panneau béant dont les bords brisés font penser à quelques bouches édentées et malveillantes. Je frissonne malgré la combinaison, pas de jean Louis en vue  ? On remonte.
A peine débarrassée de son équipement, Muriel s’empare de la VHF et demande :
- Alors Blaise, ça change ?
- Chérie, on creuse encore et…
- Mais va voir, va voir, s’impatiente Muriel pressée de savoir si ses enfants pourront être rassurés de la savoir en vie.
- Bon je vais voir à bord et je te rappelle, concède Blaise craignant les foudres de sa dulcinée.
Depuis dix minutes, Fifille se déhale doucement dans une petite brise de fond de culotte.
D’un seul coup, la VHF transmet un hurlement.
- CA MARCHE, ça marche, ça marche …
Là bas, j’imagine Blaise le combiné à la main, tendant à la fois de nous prévenir et de prévenir ceux restés à la plage.
Le visage éblouissant de bonheur, noyé de larmes, Muriel se met à rire et à pleurer dans la pauvre VHF, heureusement étanche. Quant à moi, réfugié sous le vent, protégé par la bôme et la barre, je parviens de justesse à échapper à la joie débordante de Muriel.
L’euphorie de la nouvelle passée, je constate :
-C’est mieux que le Chronopost, quinze minutes que c’est parti, le colis est toujours là et pourtant la réponse nous parvient déjà jeune de 450 ans.
- Je vous la lis ? Propose Blaise.

" Seuls les paranoïaques survivent "
26-11-2015 à 17:52:40
- Vas y chéri.
- Sur l’encyclopédie, d’abord :
Nota bene. A la demande expresse du professeur Van Hoeck : « Le devoir d’un historien et d’un archéologue, c’est de faire parvenir les messages et les livres du passé jusqu’à nous. Le message le plus fort et le plus surprenant pour moi, je l’ai découvert parmi le reste du galion (LE NOM) coulé en 1548. Un coffre protégé par des feuilles d’or dont l’ouverture fut une révélation pour moi. Depuis ce jour, il y a maintenant 13 ans je m’intéresse donc aussi à mes contemporains qui sont l’histoire de demain et parfois celle d’hier… Je suis les études de deux jeunes gens, d’une vie d’un architecte, la passion d’un informaticien ou la quête du prochain bateau de deux rêveurs. Quels messages laisseront ils pour les historiens ? Quels qu’ils soient, ils seront transmis parce que tel est le devoir d’un archéologue  : transmettre ce qui vient du passé vers le futur proche ou lointain (A Compléter).

- Chéri, tu es sur qu’il nous répond ?
- Muriel, un architecte, un informaticien, à ton avis ? Lui répond Blaise.
- Oh Mon Dieu ! Merci. Ils savent, tu te rends compte, ils savent ce qu’il nous est arrivé, que nous sommes vivants et…
- Et ils vont être riches, la coupai je.

Le reste du trajet jusqu’ici Grotesque s’effectue dans le silence juste entre coupé de quelques rares mots que nos pensées bouillonnantes bousculent jusqu’à nos lèvres : ... incroyables, ….tu te rends compte…
Le repas de midi est à nouveau accompagné de la célèbre phrase de Blaise ;
- Rhum pour l’équipage.
- A ce rythme, il va devenir urgent de planter des vignes… ou de la canne sucre, remarque Claudie faussement inquiète pour ses stocks.
- Peut être, mais là ça vaut le coup, plaidai je.
- Je me sens soulagée, presque en paix de savoir l’information transmise, remarque Muriel.
- Même s’il fallait mentir, murmure Isabelle.
- On va enfin pouvoir jouir du présent, du passé… euh, de notre futur dans le passé, s’emmêle Gaëlle.
- En espérant qu’ils sauront garder le silence sur ces infos, note Claudie.
Certes, il ne faudrait pas que cette initiative déclenche une chasse aux failles temporelles et que l’on assiste au débarquement de commandos du temps chargés de réécrire l’histoire ; mais notre histoire, l’histoire du monde telle que nous la connaissons est-elle la vraie ?
- Il reste le deuxième colis à enfouir, qui s’y colle ? Demandai je.
- Et bien toi puisque tu aimes barboter avec ces dames, décrète Blaise.

Avez-vous déjà essayé de faire un trou relativement profond dans le sable… sous 2,50 mètres d’eau avec une pelle à neige ?
- P…..que c’est chiant, s’exclame vertement Gaëlle agrippée à Zozo.
Depuis un quart d’heure, nous faisons le spectacle au bout des narguilés alors que de la surface, le reste de l’équipage observe, narquois nos faibles progrès.
- On n’est pas sorti de l’eau…
- Berge, me coupe Blaise hilare très friand de mauvais, voire de très mauvais jeux de mots.
- Plus c’est mauvais, plus ça le fait rire, confirme Muriel attristée.
- Non, il te faudrait une bonne suceuse et…hop ! C’est fait, continue Blaise.
- Et pourquoi pas une pelleteuse ? Questionne Gaëlle.
Croyant déceler une lueur grivoise dans l’œil gauche de Blaise, je préfère plonger, creuser, plutôt qu’approfondir.
Finalement, le coffre est enfoui ; quelques grosses pierres déplacées avec Fifille et un palan sont posés sur son emplacement.
- Et croisons les doigts qu’un village de vacances ne construise pas un ponton juste là, remarque Isabelle.
- En 1987, il n’y avait rien lorsque Van Hoeck a retrouvé le galion, précise Blaise.
- Vous auriez pu ramener des langoustes, reproche Muriel.
- Tu n’es pas écœurée , par ce que moi...?
- Oh grillées, ça passe tout seul, hein Léo ? Poisson ? Poursuit elle.
Vaincu par le regard implorant de Léo, vous savez ce fameux regard sourcils légèrement froncés, oreilles encore plus tombantes qu’à l’accoutumée et les prunelles qui vous disent : « je suis si malheureux…  »
Je repars à la recherche de notre pitance, précédé de Gaëlle et suivi de Muriel, inquiète sans doute qu’on ne les choisisse trop petites.
Ce soir, la scène pourrait être idyllique, coucher de soleil flamboyant (moins qu’à notre époque, moins de pollution en suspension sans doute), murmure de minuscules vaguelettes venant expirer sur le sable chaud, les grosses braises rougeoyantes réclamant l’immolation des innocentes victimes de notre appétit, le tout bercé par une douce musique que Blaise laisse échapper par les hauts parleurs de Grotesque.
La scène parfaite digne d’une publicité de charter aux Antilles, mais Moustique réfugiée dans le giron de Mère Poule boude.
Henrique a confirmé qu’il était en parfaite forme et qu’il se sentait prêt pour son retour. Il aurait pu attendre encore un peu, nous nous étions mis en paix avec notre passé, nous aurions voulu savourer notre nouveau présent, benoîtement…
Claudie, résumant nos pensées, lance un lapidaire :
- On aurait aussi dû lui couper la langue !
- La langue de bois ?
- Oh non Blaise, tu me fais honte, sermonne Muriel.
- Je vais voir l’Ordi, tu viens Patrick ? Me propose Blaise.
Nous laissons Moustique coincée entre Muriel et Léo où elle risque de mourir étouffée. Gaëlle et Claudie s’activent autour des braises dans le clair obscur préparant le sacrifice :
- Alors ! Soufflai je après que Blaise eut lancé L’Ordi.
- Pour l’instant elle reste avec nous, me répond il apparemment soulagé, pourvu que ça dure.
- Pourquoi ses pensées influent si rapidement sur le futur alors que pour nous seuls nos actes influent  ?
- Tu as le chic pour poser les questions sans réponses.
- Espérons que si elle reste, l’on soit capable de lui offrir bien plus que cinq années de survie.
Claudie nous tire de nos sombres pensées par un sonore :
- A Table ! Sinon Muriel va tout manger.




__________________


Le retour vers la Martinique s’effectue prudemment par saut de puce le long de l’arc antillais. Dans ce cabotage prudent, nous réapprenons les bases de la navigation côtière bien loin des GPS différentiels ou des cartes météos par satellites.
Moustique, après avoir été professeur d’escrime, en vain pour Muriel et moi-même, devient élève en navigation et s’initie aux relèvements, lignes de sonde, alignements. Notre cher sextant, faute d’éphémérides, ne vise plus notre astre bienfaiteur mais bien plus modestement quelques sommets remarquables.
Henrique, nous ayant indiqué l’emplacement de ce qu’Isabelle a traduit par « mission», nous cherchons un mouillage acceptable à proximité.
- Et là ? Propose Claudie
en indiquant une presqu’île, orientée à l’ouest, se terminant en pince de crabe.
- Dans la pince ? Deux cents mètres, Blaise ? Demande Muriel.
- Qu’en penses tu ? Me demande Claudie.
- Mouais…C’est ce qu’il y a de plus près, ça me semble un peu étroit ; qu’est ce qu’il y a Blaise  ?
- Hein ! Euh, Non, je m’inquiète pour mes poules.
- Tu sais le premier renard est loin, le rassure Gaëlle.

Le lendemain, nous pénétrons dans le mouillage ; la partie sud de la pince, la plus longue, celle qui est fixée sur notre crabe, n’est qu’une falaise de roche sombre, si régulière qu’elle semble avoir été façonnée par l’homme, semblant même se terminer en un quai artificiel.
- Brrr ! Ca fait plus gueule de loup que pince de crabe, frémit Muriel.
- Regarde plutôt au fond et au nord la belle plage…lui conseille Claudie.
Nous mouillons peu après l’entrée et culons vers la plage alors que Blaise et Isabelle portent déjà des amarres à terre. L’étroitesse du lieu ne nous permet pas d’éviter librement. Grotesque se retrouve à nouveau comme une grosse araignée fluo aux aguets sur le bord de sa toile.
Sitôt l’excitation de la manœuvre passée, Blaise et isabelle redeviennent moroses ; Blaise officiellement pour ses poules mais je le soupçonne de s’inquiéter du choix imminent que doit faire Isabelle. Tous les jours, il consulte nerveusement l’encyclopédie comme d’autres leur boule de cristal. Isabelle, quand à elle, est morose : son choix, rester avec un ami de quatre ans et demi dans une époque où elle n’aura pas sa place ou rester avec nous quasi inconnus mais du 21ème siècle.
Seul, notre accoutrement arrive à éclairer son visage d’un grand sourire. Il faut dire que pour faire
«couleur temporelle », nous avons puisé dans les stocks récupérés sur nos victimes.
- Tu es plus sexy habillée, remarque Blaise à l’adresse de Gaëlle.
- Oui, mais mes tennis sont quand même plus confortables.
- Ca fait un peu carnaval, Non ? Qu’en pense Henrique ? M’inquiétai je.
- Non, c’est exactement ça, sauf que tu es trop grand pour l’époque, combien mesures tu ? Traduit Isabelle.
- En pieds : six pieds tout rond.
Malgré les retouches de Muriel, je me sens déguisé et à l’étroit bien qu’ayant perdu cinq kilos.
Avec Isabelle, j’accompagnerai Henrique jusqu’à sa «mission » où, nous assure t’il, nous pourrons trouver à acheter une grande partie de la liste faite pendant la traversée : graines de toutes sortes, un coq (Blaise tenant beaucoup au bonheur de ses protégées), une ruche au moins, du miel, lampes à huile, farine etc.
Henrique nous assure que des hommes seront dépêchés pour nous apporter cela à la plage où ils reprendront son fameux coffre qui a failli nous coûter la vie.
Henrique détaille nos accoutrements et celui de Moustique d’un œil avisé et critique, ajustant l’épée (avec laquelle je suis tout juste capable de brasser de l’air), qui me gène pour marcher.
- Ca ira si tu gardes bien caché le matériel moderne que tu as sur toi, traduit Isabelle.
- Ah, il a vu ! Ça se voit? Questionnai je inquiet en me retournant vers mes compagnons.
- Non ! HK ne se voit absolument pas, pour la VHF c’est l’oreillette on ne peut pas faire mieux, constate Blaise.
- Une boucle d’oreille, propose Claudie Hilare.
Henrique, quand à lui est superbe dans une tenue retaillée avec l’aide de Muriel. C’est la tunique qu’avait son père au moment du naufrage. Certes, elle a perdu de sa superbe mais comme le dit Blaise: «Elle a de beaux restes  ».
Même si elle a souffert de ces quatre années, la qualité et la complexité des broderies montrent clairement qu’il ne s’agit pas de la tenue du premier venu, ajoutées dessus une ceinture et une épée richement ouvragée et déjà Henrique parait plus grand, plus vieux. Mais lorsque, presque religieusement, il passe autour de son cou le "collier" de son père son visage se transforme, durcissant ses traits juvéniles en un masque autoritaire.
- Je ne voudrais pas être sous ses ordres, remarque Blaise.
Pourtant avec nos tenues plus ou moins uniformes, chemises claires, chapeaux et larges ceintures de cuir récupérés sur nos (trop) nombreuses victimes, nous semblons être l'escorte de ce Grand d'Espagne.
- Espérons qu'il aura suffisamment de poids sur ceux que nous allons rencontrer, soupire Muriel inquiète.

Avant d'embarquer sur Fifille, dernières recommandations :
- Vous emmenez le coffre en lisière et ensuite vous restez à bord de Grotesque, vous ne prenez pas de risque. Rappelez vous : la portée efficace d'un mousquet 20/25 mètres et d'une arquebuse 100/120 mètres, précisai je inquiet.(0 vérifier)
- "Efficace" en terme militaire ça veut dire potentiellement Mortel, se plaît à préciser Blaise.
- Mais c'est vous qui allez être les plus exposés, remarque Claudie.
- Si tu dis cela pour éviter que mes genoux s'entrechoquent, c'est raté, tentai je de plaisanter avant d'ajouter:
- A voir l'effet du collier sur Enrique, j'espère qu'il jettera tous ceux de la mission à ses pieds.
- A ses pieds et à ses ordres, nous assure Isabelle.

Doucement Claudie rame jusqu'à la plage où nous débarquons ; dernier geste de la main vers Grotesque et Claudie qui s'éloigne.
- Tu me reçois ? questionne Blaise dans mon oreille gauche.
- Fort et clair. Bon, c'est parti, répliquai je.

Par précaution, il a été décidé de traverser la "mandibule" sud afin de rejoindre la côte au sud de la pince qui protège, ou qui enserre, Grotesque, pour rejoindre la mission par la côte, bien visible de tous, plutôt que par la piste qui serpente parmi la végétation.
Chaque année, des chasseurs tuent leur père, leur fils, leur voisin les prenant pour quelque sanglier...
Il ne faudrait pas qu'un conquistador à l'arquebuse nerveuse ne nous expédie à la droite du Père avant d'avoir pu se jeter aux pieds du "Grand d'Espagne" et de son collier ...

A peine un quart d'heure que l'on marche, et déjà je grommelle dans ma barbe :
- Un problème? demande la voix de Claudie dans ma tête.
- Juste ces foutues bottes.
- Elles sont pourtant souples et d’époque, insiste t-elle.
- Souples mais trop petites, répliquai-je.
- C'était ça ou un anachronisme de 450 ans...
J'interromps Isabelle :
- Peut être, mais mes orteils regrettent amèrement "l'anachronisme" avec lequel ils marchaient d'habitude, soupirai je.
Isabelle traduit une remarque d'Henrique :
- Pas plus d'une heure encore, si l'on ne ralentit pas...
Mais orteils se recroquevillent encore un peu plus de désespoir, sans parler du retour !
- Ils ont des chevaux à la mission, tente de me rassurer Isabelle.
- Des chevaux ! la seule fois que je suis monté sur un tel animal, il a tout de suite compris à qui il avait à faire, je n'ai jamais pu trouver la seconde. Pendant tout le circuit, ma monture est restée en première , zigzagant d'un brin d'herbe appétissant à une fleur attirante.
Après qu'Isabelle, moqueuse, ait traduit à Henrique, ce dernier me regarde, apitoyé comme si c'était moi l'amputé.
Alors que mes orteils m'appellent au secours, je tente un timide :
- Ils ont peut être une carriole ?
L'échange entre les deux jeunes gens fut très rapide, je n'ai pu saisir que le mot "cavalero" répété à plusieurs reprises et le regard d 'Henrique, à la fois surpris et très désolé, comme s'il découvrait que j'étais un débile très très profond.
- Il y a des carrioles mais un cavalier, Non un homme..... enfin les deux mots n'en font qu'un pour lui ; dans son idée, si tu es un homme tu es un cavalier.
Avec un sourire un peu crispé en direction d'Henrique, je confirme :
- Bien sur !
et a l'intention d'Isabelle :
- Tu as une heure pour tout me dire sur l'équitation !

Quarante minutes qu'elle est intarissable : les mors, les rênes, la selle, les étriers, comment accélérer, freiner, s'arrêter, se mettre en selle et surtout y rester.
Mes orteils ont arrêté de se plaindre dans l'espoir d'un retour planqué mais d'autres parties de mon anatomie me font part de leur inquiétude malgré le :
- Tu verras, c’est facile, qui conclut le cours d’Isabelle.
- Elle a raison, me souffle Blaise dans l’oreille, tu sais même Superman est tombé de cheval… Alors !
- Et c’est sensé me rassurer ? Questionnai-je.
Silence gêné sur les ondes. Un :
- Tiens, puisque l’on parle de cheval ! Lancé par Isabelle me ramenant à notre époque.
A deux cents mètres de nous viennent d’apparaître six hommes à pied suivis par un cavalier.
- Une patrouille ? M’informai-je en ralentissant ma progression.
- On peut dire ça, mais pourquoi ralentis tu ? Traduit Isabelle.
- Je ralentis ?

Le cavalier s’est porté en tête de la petite troupe dont nous semblons être des clones : mêmes pantalons sombres, chemises claires, chapeaux, épées et ceintures. Tout y est, mêmes ces satanées bottes ! Exceptées les hallebardes, ils n’ont aucun des accessoires avec lesquels ils figurent sur nos encyclopédies : pas de casque et de corset, enfin pas de plumes au casque et pour cause…
Arrivés à une quarantaine de mètres, les deux porteurs de mousquet pointent leur arme dans notre direction et la troupe stoppe, le cavalier se tenant côté plage.
- Ça commence bien : lâchai-je sur les ondes.

Arrivé a 30 mètres, Henrique s’arrête à son tour et se lance dans une diatribe sur un ton pour le moins.. Musclé.
- Que dit-il ?
- Il se présente, précise isabelle.
Apparemment sans grand effet sur la troupe à part quelques échanges de regards nerveux . Je glisse ma main droite sous ma chemise non pas pour me la jouer «Napoléon », mais leur attitude ayant tendance à me donner des brûlures d’estomac, je cherche le contact de la crosse en polymère pour me rassurer. 
- Alors ? S’inquiète Blaise dans mon oreille.
- Alors Rien.

Henrique pose négligemment sa main droite sur la poignée de son épée, interpelle le cavalier qui le détaille avec un sourire méprisant, s’attardant sur les bottes avachies, le pantalon et la tunique fanées. Alors que son regard bifurque vers l’épée d’Henrique, son attention est attirée par le reflet que le collier semble lui destiner dans le soleil matinal.
Son sourire narquois se fige, Incrédule il demande :
- Ou avez-vous volé ce collier ? M’informe Isabelle en précisant :
- Connaissant le caractère d’Henrique, il ferait bien de se taire !
- C’est mal emmanché, marmonnai-je à l’intention de Blaise en serrant l’épaisse crosse de HK.

A Henrique qui semble prêt à manger tout cru le cavalier et son cheval, je murmure dans mon pitoyable espagnol de rester calme.
Je ne pensais pas avoir autant de poids sur la réaction du fougueux espagnol ; il repousse l’épée qu’il avait commencé à dégainer puis croisant ses bras sur sa poitrine en prenant le soin de laisser visible son fameux collier, il débite une phrase sans fin d’un ton sec, cassant et incisif .
Voyant mon incompréhension, Isabelle m’explique :
- Il précise qu’il le tient de son père, qui le tenait de son grand père, il énumère le nom de ses ancêtres…
- Il ne va quand même pas remonter jusqu’à Cromagnon, grognai je en cherchant les éventuelles réactions du cavalier.

Le sourire méprisant semble figé sur un masque d’incrédulité qui, malgré le hale, devient de plus en plus cireux, blafard. Le regard perdu du cavalier semble chercher de l’aide auprès de la patrouille, en vain. Les arquebuses, elles mêmes, paraissent comprendre la signification des mots qu’ Henrique et, comme vivantes, elles pointent désormais vers le sol comme pour une révérence, une soumission.
Henrique s’avance vers la troupe en les haranguant ; nous le suivons, pas fiers du tout car si les biffins ont apparemment choisi le camp d’ Henrique (comme souvent, les faibles choisissant celui qui parle le plus fort ou qui est le plus puissant, dont potentiellement offrant le plus de protection et le plus de désastres), le cavalier , lui demeure hésitant.
Arrivé à dix mètres de lui, je comprends que ce que je prenais pour de l’hésitation n’est en fait qu’une peur panique qui le cloue sur son cheval et contracte la commissure de ses lèvres en un tic nerveux. Je songe : «Encore trois mots d’Henrique et il souille son cheval».
Il me fait l’impression d’un type qui aurait dit : «Sale Con !» à une ombre lointaine et l’ombre,en s’approchant, se révèle être par exemple : Adolphe en Allemagne, Staline en Russie, Mao, Pol Pot…, plus tous leurs successeurs , pas forcément dans l’ordre de leur macabre score.
Le cavalier passif se décide si vite qu‘en moins d’une seconde il passe du statut de cavalier en pauvre laqué vaincu, un genou dans le sable, épaules soumises, tête courbée, bafouillant ce qui ne peut être que des excuses.
- Tu vois, je te l’avais dit, triomphe isabelle.
- Ça était long, notai-je;
- Quoi ? Grésille Blaise.
Je les rassure d’un : «ça a l’air bon», marmonnant entre mes moustaches car la petite escouade nous entoure de près pour, je l’espère, nous escorte.
- Tu n’es pas mal en ventriloque, se moque Isabelle.
- J’espère qu’il s’agit d’une escorte de protection et non pas de Retenue.
- Il nous a présentés comme, comment traduire ? Ses amis, non, ses proches.

Le cavalier devenu piéton, c’est Henrique, avec quelques difficultés à enfourcher l’animal, qui chevauche à la tête de notre petite colonne.
Déjà mes orteils me rappellent douloureusement à mon bon souvenirs.

Vingt cinq minutes plus tard, nous arrivons en vue de ce qu’Henrique et Isabelle appellent la Mission.
Curieuse impression, je m’attendais à quelque chose de plus réduit et de plus sommaire mais les espagnols sont déjà installés, bien chez eux… (DESCRIPTION).

Notre arrivée crée une animation nerveuse, les téléphones espagnols marchent aussi bien que l’arabe. Une onde semble nous précéder, curieuse et incrédule ; même les animaux paraissent excités, le cheval d’Henrique s’énerve. Un molosse, issu d’un croisement improbable, me fonce droit dessus, babines retournées, sans doute se sent il agresser sur son territoire par les effluves de Léo. Alors que déjà je présente mon profil pour mettre les parties , si ce n’est noble, du moins les plus fragiles de mon individu à l’abri, deux membres de notre escorte de deux coups de hampe de hallebardes découragent le molosse, apparemment surtout fort en gueule.
- Il m’aurait bouffé, t’as de la chance que Léo e soit pas là… Lançai-je 'courageusement' à l’intention du fuyard.
Mes deux sauveteurs s’enhardissant questionnent Isabelle :
- Qu’est-ce qu’il y a ? interrogeai-je.
- Qu’est-ce qu’il y a ? me demande en écho Blaise dans l’oreille.
- Rien.
- Rien, me répond Isa, ils me demandaient si tu parlais toujours seul, de quel pays es tu pour être si grand ?
- Et ?
- Je leurs ai dit ton age ...et ...que tu perdais un peu la tête, tu parlais souvent tout seul.
- Je parle tout seul !
- Ben... Oui ! Même quand Blaise n’est pas dans ton oreille, tu parles au chien, au bateau, aux moteurs.
- Ah ! Tu me rassures, je ne parle pas tout seul.
- Et pour ta taille et ton pays d’origine, j’ai dit que t étais déjà au service de ma famille quand je suis née.
- De mieux en mieux, jolie promotion : larbin sénile… et on ne rit pas dans mon oreille.
A ce moment, Isabelle échange un regard entendu avec mon escorte et soupire :
- LOCO…
Je grommelle et je surveille les curieux qui commencent à se faire nombreux autour de nous ; par-dessus leur tête, je vois ….!!! Un frisson me parcourt, ce n’est pas moi qui aurait du venir mais Blaise.
Je rends une tête au plus grand des badauds, je voulais être discret mais on me remarque comme le nez de Cyrano au milieu du visage de… Sharon Stone. Mes vêtements d’époque me semblent encore plus étriqués malgré les bons soins de Muriel.
- Ça ne va pas le faire, il ne regardent que moi, m’inquiétai-je.
- Mais non, tente de me rassurer Isabelle, les locos ils sont un peu anormaux du cerveau et du physique.
- Résumons : vieux, grand dadais, j’espère que c’est un rôle de composition.

Le chemin que nous suivons jusque là, cède la place à une allée pavée de gros galets ; c’est certain, nous approchons du centre. D’ailleurs, le clocher de l’église nous apparaît , se détachant sur l’éblouissant azur tropical au virage suivant, clocher blanc aux angles en pierre, coiffé d’un dôme d’où pointe vers un hypothétique Dieu la Sainte Croix. Curieusement, le clocher est accolé à gauche de la façade de l’église, lui aussi blanc, souligné de pierres apparentes et non partes intégrantes de l’édifice.
- Eh oh ! Tu rêves ? Me demande Moustique.
- Quand je parle, je radote et lorsque je me tais…
- Bon les duettistes vous arrêtez, grésille Blaise.

Nous arrivons en vue de la demeure. Visiblement, d’après la taille de la bâtisse et du nombre de gardes, il s’agit de la résidence de ce que l’on pourrait appeler le Gouverneur.
A notre arrivée sur place, où se font face église et bâtisse, un groupe de trois se présente sur le seuil et s’avance lentement à notre rencontre. Au centre, petit bedonnant, brun de poils, le teint olivâtre soufrant de la chaleur : le Gouverneur. A sa droite, très près de lui mais un pied en retrait, grand maigre, voûté (sans doute à force de vouloir paraître plus petit que son maître Gouverneur), le visage en lame de couteau, le nez crochu : la parfaite caricature de l’éminence grise, un peu comme un vautour perché sur l’épaule de son maître et sur sa gauche un Capitaine…
- Aie !!! Fernando, murmurai-je pour Blaise.
- Le Fernando de Gaëlle ? Demande Blaise alors qu’au second plan j’entends Gaëlle asséner cette vérité :
- Mort, il ne nous aurait plus emm…
- Moustique, c’est lui qui commandait l’attaque contre Grotesque.
- Cool Papy ! respire…
- Tant que tu peux, terminai-je en aparté.

Moi aussi, tout à coup, je souffre terriblement de la chaleur. Même l’empressement soudain que mit le gouverneur à venir à la rencontre d’Henrique ne me rassure pas. Moustique, souriante, me rassure :
- C’était déjà ?????, le gouverneur lors de notre départ, pas de problème.
J’aimerai avoir son assurance ; alors que nos deux groupes se rejoignent Henrique met pied à terre et Isabelle prend les rênes. Fernando ne peut pas avoir oublié mon visage, on n’oublie pas le visage d’un homme qui vous tient à sa merci.
Le gouverneur, suant mais affable avec son charognard sur les talons, s’empresse auprès d’Henrique.
- Qu’est-ce qu’on fait, on serre les mains, on se tape dans le dos…. ? Questionne Blaise.
- Moi je serre les fesses, marmonnai-je en serrant les dents.

Ça est, Fernando blêmit. Aussi, sa main droite crispée sur son épée, il tente de parler au gouverneur qui le repousse d’un geste de la main.
Ma main droite, comme prise de panique semblant dotée d’une vie propre, s’est d’elle-même réfugiée sous ma chemise et je suis sur que mes jointures autour de la crosse de HK sont aussi blanches que celles de Fernando.
Nos regards s’accrochent. Alors que le charognard se penche vers lui, Fernando semble hésiter. Comment , d’un regard lui dire :
« Nous t’avons laissé la vie sauve»
S’il parle, ça va être un baroud d’honneur, dix neuf balles dans HK, puis plus rien, ou alors le cheval d’Henrique… et Moustique ? La laisser, sachant ce qui l’attend. Merde ! Pourquoi être venu ? Pour un coq, pour les poules de Blaise et une ou deux ruches…
Ridicule la mort pour ça.
- Isabelle, on va avoir un problème
Mon ton lui coupe toute envie de plaisanter.
Le charognard questionne, Fernando lui a parlé lorsque je m’adressais à Isabelle. Apparemment, c’est à moi qu’il s’adresse, je lui sors mon sourire imbécile tout en repoussant du pouce le cran de sécurité.
Moustique qui semble statufiée dans l’attente d’une catastrophe, glisse :
- Tu veux faire une promenade à cheval ?
- Ah ! Vous êtes français, répond en écho l’oiseau de mauvais augure.
Du coin de l’œil, j’aperçois un prêtre qui s’approche traversant la place.
- Je parle français en effet, biaisai-je prudemment.
- Mais vous êtres français ? Insiste t-il
Ça sent la question piège. Moustique, d’un regard , alerte Henrique et répond :
- Je suis française, cela vous pose t il un problème ?
Le prêtre nous rejoint au moment où le charognard fond sur sa proie.
- Nous sommes depuis cette année en guerre avec la France et tout français doit être considéré comme un espion et traité comme tel, lance t il en français.
Moustique a traduit au fur et à mesure la tirade en espagnol. Elle n’a pas fini sa traduction que déjà Henrique est plus livide que le charognard.
Les duels sont-ils de mise en Espagne au 16e Siècle ? Cette question me traverse l’esprit, je vois déjà notre corbeau de malheur cloué à la porte du gouverneur .
Isabelle me traduit l’échange qui s’en suit :
- Monsieur ? Questionne Henrique .
- Van de Vielt, conseiller du gouverneur.
- Flamand ? ! Donc espagnol. En Espagne, Conseiller, on respecte mon nom et ma famille depuis 20 générations.
- Don …, tente le vautour.
- Conseiller ! Et l’on respecte aussi nos amis, cela est-il bien clair pour tous ? Questionne Henrique en toisant ses interlocuteurs.
Le Capitaine, prudemment, dès le début de l’échange, s’est mis un pas en retrait du vautour, baissant les yeux.
Le gouverneur, en tapotant son visage gras avec un superbe travail de broderie s’est discrètement écarté de la cible du courroux d’Henrique.
En voyant cela, je pense :
«1°) La famille d’Henrique doit réellement être influente pour que tout le monde s’empresse d’ignorer le vautour.
2°) C’est dommage de souiller une si belle broderie avec autant de sueur».
C’est idiot comme réflexion mais c’est comme de la confiture donnée à un cochon.

- Henrique, mon enfant ! Quel bonheur de te revoir ! Dieu soit loué ! S’exclame le prêtre en l’embrassant, coupant court aux excuses du vautour qui, à force d’être plus blanc que blanc semble être devenu diaphane, évanescent, éthéré…
Un courant d’air et il va disparaître, espérai-je.
Le gouverneur se rapproche, le capitaine a apparemment choisi de se taire et le prêtre parle … nourriture.
- Mais tu es tout maigre Henrique, il va falloir manger ! Gouverneur,  !
- Oui, bien sur, répond ce dernier en faisant apparaître d’un signe de main un serviteur à l’oreille duquel il souffle ses instructions et quelques postillons.
Curieux prêtre ; au 16e Siècle, je voyais plutôt l’austérité, l’inquisition et là c’est Don Camillo aux Chaussées aux moines, murmurai-je à Moustique.
- Oui, mais lui c’est différent, c’est…Damaso Calderon. !
Sa phrase se termine sur cette exclamation alors qu’elle aussi a droit aux embrassades démonstratives du prêtre;
- Tu n’as pas changé, Isabelle, à peine grandie, toute maigre, s’inquiète Père Calderon qui semble faire la guerre à la maigreur; (à voir son tour de taille, il l'a gagnée il y a très longtemps.)
Il se tourne alors ver moi, les yeux embués et Moustique, après avoir repris son souffle finit sa phrase et fait les présentations :
- Père Caldéron, le cousin d’Henrique, Patrick qui nous a retrouvés…
- Vous les avez sauvés , Dieu vous a guidé !
Je pense :
«Alors Dieu est une sphère de lumière verdâtre ?»
Puis à voir Caldéron se rapprocher de moi, les bras ouverts, ventre en avant, je m’inquiète : Ah non ! Pas moi aussi, non …
Si,,si moi aussi j’ai droit aux accolades digne d’un pays de l’Est, contre le ventre tressautant du bon père. Enfin, il desserre son étreinte qu’il a aussi forte que sa taille ; ouf ! J’ai au moins échappé au baiser des mêmes pays de l’Est.
Je songe qu’il aurait été parfait dans le rôle du prêtre de Robin des bois mais lorsque je surprends le regard de tueur qu’il lance au vautour, je comprends qu’il est bien plus dangereux qu’Henrique pour qui s’en prendrait à ses ouailles. Caldéron est un coq de combat déguisé en père Poule.
Juste un regard et le vautour a vieilli, s’est flétri comme pomme oubliée ; un seul regard et le vautour s’est vu accusé, brûlé, empalé… Un regard de plus et je suis sur que son cœur s’arrêtait.
Le vrai maître ici, ce n’est pas le gouverneur avec ses belles dentelles, pas plus que le vautour sur son épaule. Même le Capitaine avec ses armes et sa prestance n’est rien face à ce gros bonhomme joufflu aux yeux humides.
- Qu’Est-ce que c’était ? S’inquiète Blaise;
- Rien, j’embrassais un prêtre, rétorquai-je sur de mon effet.
Les échos, loin derrière Blaise, commentent :
- Tu me deçois !
- Ca m’étonne de toi,
- Cest pas une Sœur ?

Après un bref échange avec le gouverneur et Henrique, Caldéron revient vers moi et m’entraîne à leur suite vers la fraîcheur relative de la bâtisse.
A brûle pourpoint, il me demande :
- Que pensez vous de la guerre entre nos deux pays ?
Il faut répondre vite et surtout dire ce qu’il aimerait entendre.
- Deux pays frères par la religion, deux pays chrétiens qui se font la guerre, c’est un drame…
- Mais encore, m’encourage Père Caldéron;
Mais encore, mais encore. Je suis nul en histoire.
- Il y a d’immenses contrées à évangéliser et tant d’infidèles juste repoussés à nos portes ; je m’inquiète pour l’avenir à voir les chrétiens s’entretuer. Cela ne vous préoccupe t-il pas… mon Père ?
- Je prie, je prie pour toutes ces âmes.
T’as pas fini avec toutes les guerres, les massacres et le reste de ton époque à la mienne, t’as pas fini de réciter tes prières, songeai-je tristement.
- Vous sentez ? Me demande d’un air gourmand Caldéron.
- Non, pas très bien.
Mais ce fumet que mon cerveau est incapable d’identifier, mes glandes salivaires elles, l’ont reconnu car elles s’emballent.
L’odorat de Moustique est visiblement plus efficace que le mien car fermant les yeux et humant l’air d’un air gourmand elle murmure :
- Hum!! J’en rêve depuis des mois.
- …?! Est ma seule réponse.
- De la viande, de la bonne viande grillée !
Aux mots «viande grillée », j’entends geindre Muriel dans mon oreillette :
- Oh ! Ramène un gigot, un cuisseau… s’il te plait, ramène en un.
- Un simple encas , précise le gouverneur.
Simple encas qui dura néanmoins une heure et demie et ou curieusement nous ne dédaignâmes que les .. Langoustes.
Alors qu’enfin même la gourmandise ne nous permettait plus de déguster les chairs juteuses et croustillantes à la fois, et que je pensais me détendre en sirotant quelque alcool fort, le Capitaine choisit ce moment pour attaquer. Le père Caldéron et Moustique me traduisent en stéréo la phrase du militaire :
- Vous ressemblez à un homme qui est responsable de la mort de 16 de mes soldats ; si vous êtes cet homme, ce serait de la folie d’être ici…
Devant mon absence de réaction, Caldéron m’interroge du regard :
- Répondez !
Répondre, mais quoi ? Oui, c’est moi et j’aurais du laisser Gaëlle vous occire: ni vu, ni connu. Non,ça ferait désordre, il veut vraiment gâcher ma digestion. Malgré la présence de Caldéron à mes côtés, je décide de ne pas tendre l’autre joue.
- Vous voulez dire qu’un homme me ressemblant a attaqué et tué vos hommes ?
- Non … Je
- Alors, c’est vous qui avez attaqué un homme me ressemblant ?
Silence de quelques secondes.
- Oui, nous avons attaqué son navire.
- Et ils étaient supérieurs en nombre ? Continuai-je
- Non, mais leur armement était supérieur.
- Pourquoi ne pas s’être présenté, avoir parlementé ? Pourquoi attaquer ?
- Le bateau était étrange, la couleur, la forme.
Je songeais : «la couleur, la forme ; pourvu que personne ne se rende à la pince de crabe qui nous sert d’abri ».
Je me tourne vers Isabelle. Précédant ma question, elle me glisse à l’oreille :
- Henrique et Caldéron on fait interdire l’accès à la presque île avant même d’entrer ici.
C’était donc cela l’échange sur le seuil.
-…la coque résonnait comme du métal, les verres ont résisté à nos mousquets…
Le capitaine a continué, semblant revivre une rencontre avec le Malin.
- Parce que vous avez tiré tout de suite, sans sommation ?
- Oui, et…
- Capitaine, si une troupe arrive à l’instant et vous attaque,… ?
- Je me défendrais…
- Et vous reprochez à cet homme qui ressemble à Patrick d’en avoir fait de même, lui demande doucereusement Caldéron.
- Non, Oui…
Je ne sais si c’est le ton ou la question mais le Capitaine hésite, à moins que ce ne soit l’interlocuteur.
Henrique semble décider à porter le coup de grâce en demandant :
- Mais Capitaine, pendant que vos hommes mouraient, où étiez vous ?
Le capitaine s’empourpre, bafouille, hésite.
- L’homme qui me précédait…
- Comment ! Vous n’étiez pas en tête ? Se plait Henrique à le torturer.
- Non, j’allais à l’abordage quand l’homme… devant moi fut touché et m’a entraîné dans sa chute. Je me suis assommé au fond du canot .
- Et vous vous êtes réveillés dans un canot dérivant en mer ?
Le Capitaine est maintenant écarlate.
- Non, lorsqu’une femme brunes aux cheveux courts essayait de me déshabiller.
L’éclat de rire général autour de la table est spontané et détend franchement l’atmosphère ; le gros ventre de Caldéron tressaute sous la table à chacun de ses hoquets cherchant semble t-il à déborder sur le plateau en acajou.
- Elle ne vous a pas tué ? demandai-je;
Hilarité générale.
- Elle l’aurait fait, vous savez qu‘elle l’aurait fait si vous… si l’homme qui vous ressemble l’avait laissé faire.
- Alors Capitaine, finalement cet homme est un bon chrétien. Il a su vous pardonner et vous laisser la vie. Vous savez que tout le monde n’aurait pas eu cette mansuétude, conclut Caldéron.
Le Capitaine comprit et il a décidé de se venger sur une malheureuse cuisse de poulet sans défense.
- Il est certain que le Capitaine est un homme courageux pour attaquer un navire si étrange, Père Caldéron, précisai-je en pensant : «une couche de pommade ça n’a jamais fait de mal à celui qui la donne  ».
- Et le gouverneur saura récompenser son courage, poursuit Caldéron qui semble aussi bien manier la carotte que le bâton.

Le Capitaine parait plus détendu et est-ce une lueur de remerciement qui fait luire un instant ses yeux.
- Vous regagnez votre navire dès cet après midi ? M’interroge Caldéron dont la spécialité semble être le coq à l’âne Peut être une manière de désarçonner ses interlocuteurs
- Oui, il faut prendre la route du retour, répliquai-je d’une phrase bien vague car était ce une question ou un ordre ?
- Bien sur, nous-mêmes attendons l’arrivée imminente de navires qui rentrent en Espagne… Henrique pourra être au plus tôt auprès de sa famille, si Dieu le veut.
Le regard du Père lorsqu’il a dit «imminente» voulait clairement dire : «Dépêchez vous de partir si vous ne voulez pas faire de mauvaises rencontres en mer».
- D‘ailleurs, à ce propos, nous aurions besoin, si possible, de quelques ravitaillements dont Mous… Isabelle a préparé la liste de …
Je ne sais comment a fait Caldéron pour faire surgir à nos côtés ce serviteur ( froncements de sourcils, clin d’œil, à moins qu’il ne soit télépathe), mais déjà Caldéron lui glisse la liste dans les mains et à voir avec quelle célérité cet employé s’éclipse, je suis sur de deux choses : Caldéron est le vrai maître sur cette île et Muriel aura sa viande grillée ce soir;
Moustique me ramène à la réalité.
- Le gouverneur demande si tu as la position de l’île où tu nous as secourus.

Je dois paraître idiot à ne pas répondre, mais ça bouillonne sous mon crâne. Si je leur donne les coordonnées des îlots, ils trouveront le galion et nos messages. Plus de messages, plus de pactole pour nos proches, plus de réponses de Hoeck sur l’ordi, des problèmes pour Henrique, et même je leur dis quoi ?
X de degrés de latitude Nord et Y de longitude ouest ou à 395 miles, des miles ou des lieues ou quoi ?
Je n’ai aucune idée des unités en vigueur en ce milieu du 16e siècle, depuis combien de temps ne croient t’ils plus que la terre n’est qu’un plateau , centre de l’univers ?
- Trois jours …!? Lance Henrique tentant de me sortir de mon apparente léthargie.
Je dois paraître aussi nerveux qu’un aï en pleine sieste et doté du même cerveau, tant ma réponse
- Oui, nous avons navigué 75 heures au Sud, deux quarts est à la vitesse de …..
Les miles, les nœuds, de quelle époque est-ce ? Des miles actuels, espagnols, portugais ?
- D’une carriole, ton bateau n’est pas rapide ! Lance Isabelle essayant de me sortir du pétrin.
- Alors à peu près 110 lieues marine au nord, deux quarts ouest d’ici, tranche Caldéron.
A mon Père, si tu étais ma sœur, je t’embrasserais…
Je songe tristement : «même avec une telle imprécision, il faudra bientôt quitter notre piscine d’eau douce, nos langoustes..;»

Le serviteur de toute à l’heure est déjà de retour, il a du déléguer la commande à des sous serviteurs. Il semble que certains aliments de la liste posent problème;
- Il s’agit des ruches, me précise Caldéron.
- Des ruches, mais qui a eu cette idée ? Demandai-je.
- Muriel, elle voudrait du miel, confirme Isabelle.
- C’est possible. Miguel, précise Caldéron en désignant le serviteur, propose de les mettre dans deux tonneaux avec des aérations, mais il craint qu’avec la chaleur de nombreuses abeilles ne meurent.
Au moins, ce ne sera pas à cause des pesticides.
- Mais pourquoi deux ruches ? Continue Caldéron.
- Aucune idée, c’est une idée folle, insistai-je a l’intention de Blaise avant de me rappeler qu’il y avait une péniche transportant des ruches sur le canal du Midi.
- Ça ne va pas manquer de piquants, me répond Blaise.
- Tout sera prêt d’ici une petite heure,marmonne Caldéron qui visiblement ne veut pas que l’on s’attarde.

Ce n’est pas un sanglot mais une plainte presque inaudible qui me fait me retourner vers Moustique. Pâle, lèvres serrées, elle essaie de retenir les larmes qui, tout à coup ont gonflé ses paupières, statufiée dans la crainte de s’effondrer.
Si je pose ma main sur son épaule pour la réconforter, je suis sur qu’elle s’écroule. Elle n’est que tristesse et douleur ; «... et je n’ose rien faire pour elle…», les paroles de Brel me sont venues spontanément à l’esprit. Elle est l’image du désespoir, elle n’a certainement pas déjà perdu des hommes, mais du haut de ses 12 ans, elle croit que «...là, elle perd l’amour... ».
- Qu’il y t’il , Isabelle, voudrais tu rester à la mission ? Interroge finement mais maladroitement Caldéron
Et les larmes ruissellent sur la statue mais aucun sanglot ne franchit les lèvres d’Isabelle, juste des brides de phrases :
- Je ne peux pas,….ne pas interférer, rester avec mon époque.. comme une prière psalmodiée pour se convaincre, pour se persuader. Je ne peux pas interroger Blaise mais il a compris ce qui se passait car il me rassure :
- Rien ne change sur l’encyclopédie, on ne parle pas d’Isabelle, tout va bien.

Ça ne va pas si bien, Isabelle est tellement pathétique qu’il me semble voir une larme même dans l’œil du vautour.
- Ce n’est pas mon siècle.., pas mon époque…
- Que veut-elle dire par «pas mon siècle», me demande Caldéron.
- Non ! Elle a dit : «pas mon ciel», cela veut dire pas mon pays, pas ma région;
Pas fameux comme explication il va falloir la faire taire, autant la faire pleurer pour de bon, songeai je cynique , froidement.
Je pose alors ma main sur son épaule… et elle s’effondre en gros sanglots enfantins. Et me voilà, berçant ce gros bébé en lui murmurant :

" Seuls les paranoïaques survivent "
26-11-2015 à 17:55:25
Ah ben oui là je vous en ai mis une "tartine"

Car pas sur que demain nous ayons le temps , nous devons faire un saut en France et vu les coneries que je dis avec un copain sur Skype, mon petit doigt m'a dis que notre voiture risque de se faire désosser à la frontière
Donc si pas de nouvelle de nous svp pensez aux oranges

" Seuls les paranoïaques survivent "
26-11-2015 à 19:25:25
C'est pas le moment de ramener des " KALACH " Mdr

27-11-2015 à 18:45:16
Je pose alors ma main sur son épaule… et elle s’effondre en gros sanglots enfantins. Et me voilà, berçant ce gros bébé en lui murmurant :
- Chut … chut , mais en pensant :«Tais toi, tais toi donc ou Caldéron serait capable de te griller».
L’avantage avec de très gros sanglots, songeai-je, c’est qu’ils empêchent de parler .
Et puis tout a tari d’un coup ; alors que je tiens ses toutes petites mains, je lui dis :
- Tu sais
Elle se redresse, yeux rougis, lèvres gonflées, nez coulant et me répond :
- Je sais où est ma place.
Puis se tournant vers l’assistance et surtout vers Henrique, elle poursuit :
- Excusez moi, la fatigue, l’émotion de revoir la mission et vous Père Caldéron et devoir déjà vous quitter, achève t-elle à l’adresse d’Henrique.
Le père Caldéron me regarde en se caressant le menton comme s’il avait une barbe pour conclure l’incident par un lapidaire :
- Il est vraiment temps que vous partiez.

Semblant attendre ce signe, le serviteur surgit et nous informe que tout est prêt ainsi que nos montures.
Aie, aie , aie ! Je ne vais pas y échapper. Déjà, nous nous dirigeons vers la brûlante lumière des tropiques qui irradie par la porte jusqu‘à nous.
Je presse le pas pour rattraper Isabelle qui reste au plus près de son Henrique comme pour profiter au mieux de ces instants (pour tirer l’essence même des ces derniers instants de complicité) et lui demande :
- Je pourrais rentrer sur le chariot ?
- C’est totalement impossible, tu dois absolument chevaucher sinon tu n’es rien, tu perds la face.
Moi, ça ne me fait rien de perdre la face, mon orgueil, ma fierté, je m’assoies dessus mais mes fesses, j’aimerais les garder intactes !

Depuis le perron, l’on domine la petite troupe qui nous attend : sis cavaliers, une carriole pleine jusqu’à la gueule et qui dégueule littéralement ; deux civils en ont la conduite et trois superbes chevaux qui visiblement attendent leur cavalier.
Je temporise encore, freinant des quatre fers.
- Je ne pensais pas que la liste fut si longue ? Interrogeai-je en désignant la charrette.
- Je me suis permis de faire compléter, j’espère au mieux, votre avitaillement, précise Caldéron.
- Combien vous dois je ?
Le visage de Père me semble tout a coup beaucoup moins gros avec des traits durs comme si la graisse avait brusquement reflué quelque part. J’ai du dire une bêtise
- Ce serait une insulte de vous demander de payer, vous avez sauvé Henrique, il m’a raconté comment votre équipage l’a amputé, soigné…
- Le capitaine va vous accompagner, enchaîne Caldéron à son habitude.
Devant ma surprise, mêlée de crainte qui doit transparaître sur mon visage, il poursuit :
- N’ayez crainte, un homme qui sait qu’il a un rasoir sous la gorge ne fera aucun geste inconsidéré.
Le Capitaine, d’ailleurs, est déjà en selle ; mon battement de cils a du être très très long ou sa mère l’a conçu avec un centaure.
Henrique tient le cheval sur lequel Isabelle, malgré sa petite taille, monte avec aisance. Donc, le grand noir qui tourne ses oreilles dans tous les sens, dont les muscles frémissent comme pour chasser d’invisibles mouches, qui est tout sauf calme… c’est le Mien !
Près de lui, je lui parle doucement :
- Ça va mon pépère ?
Et j’entends Isabelle me souffler :
- C’est une mémère .
- Ça a plutôt l’air d’une mégère.
J’aurais du me dépêcher de me mettre en selle le premier car maintenant tout le monde attend et observe.
Je remercie, je fais mes adieux a Henrique, au gouverneur, à Caldéron… et même au vautour et finalement il faut y aller.
Au moment de mettre les pieds à l’étrier, je surprends une lueur narquoise dans l’œil du Capitaine ; je me remémore les conseils d’Isabelle et je me lance.
Ça est, je suis en selle ! Le Capitaine a toujours son sourire
Je souris à mon tour, tout en récapitulant : la selle est bien serrée, apparemment il n’y a rien entre la selle et la jument qui aurait pu l’énerver…
«je dois être parano,», marmonnai-je.
Caldéron s’étant approché d’Isabelle, je continue à parler à pép;; mémère :
- Bon, va falloir prendre soin de moi.
Les deux oreilles pivotent dans ma direction, ai-je à faire à un cheval bilingue ?
Ne sachant quoi lui dire je récite doucement les brides de poème qui réussissent à refaire surface après des décennies d’oubli.
«Ah, les Oaristys, les premières maîtresses;…» pour finir par quelque chose qui semble plus approprié :
« J’ai presque peur en vérité, tant je sens ma vie enlacée…».

Surprise ! Ma monture, malgré le soldat qui la tient, tourne la tête pour m’observer de son oeil gauche ombré de grands cils. A voir cet œil qui semble me sonder, je songe : «et si Bouddha avait raison » ? 

Les adieux consommés, le soldat lâche le licol, (jusque là ça va). La troupe s’ébranle et…. Il ne se passe rien, enfin rien de fâcheux. D’elle-même, ma monture a accéléré pour venir se ranger à côté de celle de Moustique et caler sa vitesse sur la sienne.
Moustique, qui se dévisse la tête pour apercevoir encore Henrique me fait remarquer :
- Menteur ! Tu vois, Tu sais comment faire.
- Non, c’est elle qui a décidé;..
- Ben voyons, une jument avec un pilotage automatique, me coupe t-elle.
Le capitaine qui s’est laissé rattraper échange quelques mots avec Isabelle qui me traduit :
- Il me demande comment tu as fait avec la jument ?
- Mais je n’ai rien fait.
- Parce que jusqu’à maintenant, seuls deux cavaliers ont pu monter «fatale», et le deuxième commence juste à remarcher;
A ces mots, instinctivement je serre les genoux, les fesses et le pommeau de la selle. Soit le capitaine s’amuse à me faire peur, soit… je comprends mieux son sourire du départ.
«Fatale», puisque c’est son nom, tourne la tête et me lance un regard style «Joli Jumper» : «Ben, qu’est-ce qui t’arrive ? ».
Il insiste :
- Quelle est ton astuce , poursuit Moustique;
- J’ai toujours eu un bon contact avec les animaux, répondis je pour continuer mezzo voice :
- J’aimerais avoir le même avec les femmes
- On va trotter, m’informe Isabelle;
Et c’est parti ! Ça secoue, il y a des chaos, je rebondis jusqu’à ce que je comprenne ce qu’il faut faire comme lorsque Grotesque affronte un clapot court et abrupte, vent contre courant : il faut amortir !
Amortir avec les jambes, amortir des hanches et de la taille.
- C’est quoi ce bruit, s’inquiète Blaise à travers l’oreillette que j’essaie de maintenir en place;
- On trotte, nous venons de sortir du village et Moustique est avec moi;
J’entends d’ici le gros soupir de soulagement de Muriel.
- Et maintenant, sans la main gauche , me nargue Isabelle.
- Tant que ce n’est pas sans le cheval !

Le Capitaine, à nouveau s’adresse à nous :
- Comme tu as l’air de bien t’entendre avec «Fatale», il te propose un défi, une course, traduit Moustique.
Toi, je te voir venir, si tu me liquides il y a de grandes chances que Caldéron te fasse rissoler, mais un malheureux, un stupide accident, n’est-ce pas ?
- Je ne pense pas que le Père Caldéron apprécie que nous cédions à un tel enfantillage, répondis je.
- Les hommes ont toujours aimé les défis, il insiste, poursuit Isabelle.
Bien sur, Les hommes ! Oh la grosse ficelle, tu peux toujours tirer dessus, tu ne feras pas sortir mon égo de son trou… Il y a bien longtemps que je ne joue plus à celui «qui pisse le plus loin ».
Il commence à m’énerver ce Capitaine, j’aurais du laisser Gaëlle l’occire.
Curieusement, l’animosité entre ce cavalier et moi semble se transmettre à nos montures qui s’observent paraissant se jauger, se défier.
- Ce ne serait pas équitable, Capitaine, je suis plus lourd que vous et vous êtes un cavalier et moi qu’un marin, concluai-je.
Le capitaine écarte sa monture en me lançant une phrase qui fait rire ses compagnons. A Isabelle qui reste muette, je demande :
- Alors ?
- Alors rien. Des bêtises de soldats.
- Mais encore , insistai-je.
- Il dit qu’il ne savait pas que les marins si couards et que si tu as plusieurs femmes dans ton équipage, c’est pour te réfugier sous leur jupe…
Je la soupçonne d’avoir édulcorer la remarque du Capitaine ; a son adresse, je remarque en souriant :
- Il faisait moins le fier lorsqu’une femme voulait l’étriper.
Nerveusement, le Capitaine tire sur les rênes pour ramener sa monture tout contre Fatale qui visiblement n’aime pas du tout, mimétisme ???? Mais nos montures font clairement preuve d’agressivité l’une envers l’autre.
- Il me demande ce que tu as dit et ce qui te fait sourire ?
- Réponds lui qu’il y a des endroits bien plaisants sous les jupes des femmes.
Vue la réaction des soldats, au 'rigolimètre', j’ai gagné le combat;
Piqué au vif, le capitaine éperonne sa monture, bousculant Fatale et accélère. Peut être plus pour me calmer que calmer fatale, je tends ma main tremblante (il m’énerve le bougre), vers son encolure pour la flatter et…
Et je n’aurais pas dû, électricité statique, ou bien a-t-elle pris cela pour un feu vert, un encouragement ?
Fatale me fait un démarrage digne d’un cheval cabré, remonte la troupe, fond sur le capitaine qui s‘est élancé, poussant sa monture. Moi ? Moi, je suis en opération de survie ; tout étonné que l’accélération ne m’ait pas éjecté, je me cramponne comme je peux, essayant d’accompagner les mouvements et de ne pas descendre quand la selle monte…
Insensiblement, dans le martèlement sourd des sabots et le halètement de Fatale, nous gagnons sur le capitaine. Nous ? Oui Nous ! C’est bien connu, une équipe qui gagne c’est nous, une équipe qui perd c’est Ils, Eux…
Et là nous gagnons du terrain. Mais lorsqu’ il devient évident que Fatale choisit une route de collision,je décide de reprendre la barre, enfin les rênes; en vain, ce cheval a un vrai caractère de cochon en étant aussi têtu qu’un âne. Je n’aurais pas le dessus contre cette ménagerie et je me cramponne à nouveau dans l’attente du choc imminent;
- Capitaine, attention ! essayai-je de le prévenir.
De son épaule droite, Fatale heurte violemment nos adversaires. Malgré le brusque écart de sa monture dont les jambes ont fléchi sous le choc, le Capitaine parvient à rester en selle et freine des quatre fers en m’adressant un flot de paroles que j’imagine être des noms d’oiseaux volant à ma poursuite.
- Bon, ça y est Fatale, tu as gagné, tu peux t‘arrêter maintenant ! ordonnai-je a ma monture déjà ralentie.

Et bien, les chevaux c’est comme les ordis, il y en existe à commande vocale !
Aussitôt, Fatale passe au trot et revient tranquillement vers le groupe ignorant le Capitaine et son cheval.
En arrivant près de la troupe, Moustique me lance :
- Tu les as scotchés !
- Si je n(‘avais pas autant mal aux fesses, je me prendrais presque pour Zorro.
Lorsque notre groupe arrive à la hauteur du capitaine, je demande à Isabelle de lui traduire :
- Je suis désolé, mais je ne maîtrise pas très bien la direction;
D’un geste de la main, est sa seule réponse.
- Il est calmé, me souffle Moustique.

C’est vrai, jusqu’à notre arrivée au cordon de gardes qui bloquent l’accès à la presqu’île le Capitaine ne lâchera plus un mot.
- Nous arrivons au début de la presque île annonçai-je à Blaise à travers le micro.
- Enfin ! Ça va ? Me questionne t -il en retour.
- Oui, sauf mes fesses.
- Tes fesses ?
- Je te raconterai, coupai-je avant de stopper à mon tour près des gardes.
A Fatale qui me regarde l’air de dire :« alors, on ne joue plus», je demande :
- Bon, tu ne bouges plus, je descends.
- Tu vois , ce n’est pas si compliqué que ça ,conclut Moustique.
Au Capitaine qui semble vouloir continuer vers la baie, le chef de garde oppose un refus ferme et catégorique, les ordres du Père Caldéron doivent être très clairs;
- Seuls nous et la carriole pouvons continuer, traduit Isabelle.

" Seuls les paranoïaques survivent "
27-11-2015 à 19:01:12
C'est pas le moment de ramener des " KALACH " Mdr




Apparement cela n'empêche pas certains Turcs d'essayer d'armer des copains Belges http://www.rtl.be/info/monde/europe/pres-de-800-armes-a-destination-de-la-belgique-saisies-par-la-police-italienne-774264.aspx

" Seuls les paranoïaques survivent "
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