Juste un essai pour voir ce que cela donnerait à vous faire "subir"

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09-12-2015 à 09:20:43
- Sont ce les mêmes ?
- Recommence : «sont ce les mêmes», j'adore, se moque sa femme.
Blaise a raison, ce ne sont pas forcément les mêmes, mais quelque chose n'est pas logique. Quelqu'un d'un très lointain futur proche nous aurait renvoyés en moins 15 000 avant le 21e siècle, sachant qu'un lointain arrière arrière arrière grand parent aurait recommencé justement là et maintenant ses envois vers le passé.
- Non, ce n'est pas clair, concluai je.
- Ou alors, à cause de ton journal, quelqu'un du lointain futur saura ou sait qu'Ils nous ont envoyés ici et maintenant, propose à son tour Blaise.
- Le hic s'est que nous mêmes ne savons pas à quelle date nous sommes, rectifie Claudie.
- Ta proposition est logique Blaise. A nous de noter tout ce qui leurs permettrait de dater avec précision notre année. S'il pouvait y avoir un alignement de planètes, d'éclipses...
- Calme toi, calme toi, tu vas à nouveau me faire perdre l'ordi, tempère Blaise.
- Oui, calmons-nous, mais s'ils pouvaient m'envoyer un homme, soupire Gaëlle.
- Mais tu en as deux sous la main, offre Muriel décidément prête à rendre service.
- Mais elle n'a ni poissons digne de ce nom, ni langoustes, précise Claudie amusée.
Soupir à fendre l'âme de Gaëlle.
Avec Blaise, nous décidons de nous atteler à la lourde tâche de inhumation du, peut être, premier voyageur du temps : deux minutes pour creuser un trou avec mon couteau, une autre minute pour pousser les restes au fond du trou et les recouvrir de la terre.
- C'est plus facile que pour les pirates, constate Isabelle

- Pourvu qu'Ils ne nous expédient pas une vache, tu imagines le trou ! S'inquiète Muriel.
- Imagine plutôt les beefsteaks, rectifiai je.
- Ha !!! Je n'avais pas vu ça sous cet angle.
Levant la tête vers les cieux, Muriel rectifie :
- Finalement une petite vache, même sous forme tartare, je n'ai rien contre.
- Ils n'arrivent pas avec une souris, alors une vache tu n'es pas prête d'y goûter.
- Détrompe toi Isabelle, même s'Ils leur faut dix ans pour y arriver, s'ils mettent la date d'aujourd'hui, tu peux rencontrer une vache d'un moment à l'autre, rectifie Blaise.
- Si tout ce délire ne vient pas seulement de nos cerveaux fatigués, c'est peut être juste un petit rongeur blanc recraché par un prédateur local, assène Claudie.
Oui, peut être que nos transferts successifs nous ont perturbés, nous faisant voir l'Étrange partout, même dans les traces les plus banales de la chaîne alimentaire. Peut être un rapace qui a simplement laissé choir la souris qu'il était en train de dépecer.
Néanmoins, lors du passage de la saignée rougeâtre, aucun de nous ne piétinera la trace laissée dans le sable. Superstition ?!
Dessalage express dans la piscine, tout le monde était pressé de rejoindre le bord. Nos jambes de marins ont besoin d'entraînement avant de pouvoir retrouver leur potentiel.
- Alors papy ! Tu la montes l'échelle, se moque Isabelle alors que le mollet droit tétanisé par une crampe, je stoppe mon ascension à mi parcours.
- Tu verras quand tu auras mon age.
- C'n’est pas demain la veille, ni même l'avant veille, dans environ 220 ans précise Blaise.
Ça donne des vertiges, pas l'échelle mais des chiffres pareils.

- Pas de cauchemars en forme de souris tartare ? S'informe Muriel après une bonne nuit réparatrice.
- Non, j'ai dormi comme un bébé, mais j'ai les mollets douloureux, commentai je.
Claudie, pour ce petit déjeuner, a sacrifié un paquet de muesli dont elle trie le contenu.
- Que fais tu ? Lui demande Muriel.
- Je trie les raisins pour l'apéritif et surtout je cherche s'il y a des graines intactes.
- Même intactes, je crains qu'elles ne soient stériles, pronostique Blaise.
- Des graines ! Il ne reste rien des sacs achetés en Norvège ? Questionnai-je.
- Tu vas en Norvège pour acheter des graines ? S'étonne Blaise.
- Non. C'était l'hiver, pour les pigeons, les pies et quelques piafs, mais tu as raison, il doit en rester mais où ? Précise Claudie.
- Doivent être stériles, insiste Blaise.
Gaëlle finit par arriver, bonne dernière, ébouriffée, l'air endormi.
- Cauchemars ? S'inquiète Muriel.
- Non, oui...Oui et non ; rêves érotiques qui finissent inachevés en cauchemar.
L'angelot qui passait par là chute. Il a arrêté de battre des ailes pour se boucher les oreilles
- Soupape de sécurité, commente doctement Blaise.
- Soupape, mon ....s'emporte Gaëlle.
Tilleul, verveine, camomille pour mademoiselle, préconise Claudie.
- Ce'n’est pas de l'eau chaude qui lui faudrait, murmure Muriel.
- Un seau d'eau froide peut être, explose l'intéressée avant de sortir sur le pont.
- Gaëlle et sa libido... Commence Claudie.
- Tu l'imagines potentiellement 350 ans sans partenaire, lance Muriel avant de rejoindre Gaëlle.
Isabelle a le dernier mot en nous lançant :
- Et bien si les hormones vous font cet effet la, je ne suis pas pressée de grandir.
- Pressée ou pas...
Un léger bruit fait bondir Léo ; moi aussi j'ai perçu ce léger grésillement suivi d'un "blop" de bulle de savon qui éclate.
- Vous avez entendu ?
- Quoi ?
Je quitte à mon tour la table et suivi de Léo énervé, j'affale notre escalier. Léo s'empresse de me bousculer pour se précipiter dans les marches. Le temps qu'à mon tour je regagne le sol, il est déjà là bas près de la frontière ou hier soir nous avons inhumé les restes du rongeur.
A son approche, quelques oiseaux s'envolent effrayés par le bolide roux. Lorsque je le rejoins, de sa truffe, il a déjà bousculé l'ordonnance d’un tas de graines qui gît au milieu d'un cercle de trente centimètres de diamètre. J'écarte Léo, quelque chose à attirer mon regard : sur un lit fait de grains de blé et d'orge une forme sombre en graines de tournesol soulignée de grains de maïs m'interpelle : quelque chose de familier dans l'ordonnance.
Blaise, qui vient de me rejoindre, observe, interloqué, ce tapis de graines. Après une brève analyse, délicatement, il repousse quelques graines de tournesol ici et là, puis prenant du recul, il lit à haute voix ce que maintenant semble plus visible : Hello : est ce Hello ou Help ?
- Ben couillon, est mon seul commentaire.
- Tu l'as dit ! Les graines de maïs devaient former une date... Il faudrait prendre une photo et avec l'ordi voir le déplacement fait par Léo.
C'est vrai, chaque graine est parfaitement rangée à côté de sa voisine, cela a dû "leur" prendre des heures pour réaliser cet écusson de grains à la mode d’Arcimboldo
- Fuiiiittt ! Siffle Isabelle qui observe à son tour.
- Tiens Moustique, va me chercher mon appareil photo, demande Blaise.
- C'est toujours moi, ....Proteste t-elle.
- Tu as les plus jeunes jambes, non ?
- Promis, je ne me moquerai plus des vieux, lance t-elle avant de courir vers Grotesque. A son retour, Blaise, avec d'infinies précautions, mitraille les graines sous tous les angles.
- Peut être hier, avaient ils mis une puce sur ou dans la souris ? Emet-il.
- Une puce dans une souris, pourquoi pas sur un chien ? Ironise Claudie qui nous rejoint avec le reste de l'équipe.
Blaise, toujours penché vers les grains, réfléchit à haute voix :
- Il y a deux épaisseurs, y a t il un message sur l'autre couche ?
- Yaka, annonce Claudie en s'agenouillant à côté de Blaise.
- Il faudrait quelque chose de très fin et rigide ; une lame de rasoir, peut être ?
- Des pinces à épiler ? Propose Gaëlle.
- D'accord, je vais chercher ça, annonce Moustique, avant même que Blaise le lui demande.
Nous passons l'heure suivante, un assis, l'autre allongé, à retirer grain par grain la première couche de ce mikado particulier.
- Si nous sommes réellement dans un zoo, ils doivent se poser des questions sur note état mental, suppute Claudie.
Enfin, nous pouvons prendre du recul et découvrir ce que représente cette deuxième couche et nous sommes déçus.
- Ça, c'est typiquement américain...
- Peuvent pas s'empêcher, dans tous les films...- Même sur la lune...
- Même maintenant...
Sont les remarques qui fusent naturellement pour saluer l'apparition du fameux Stars and Strippe. Américain au dessus des chiffres romains, qui n'évoquent rien de particulier pour nous.
- Au moins, cela nous fait quelques milliers de grains en plus, note prosaïquement Claudie.
- Les deux couches, ça doit faire plus de dix mille, précise Blaise.
- Moustique, peux tu… commencai-je
- J'y ai pensé, me coupe t-elle en me tendant deux pots à confiture vides.
Dès notre retour à bord, Blaise connecte l'ordi à son appareil p photo ... pendant que le trio infernal s'atèle au tri des grains en fonction de leur type : maïs, blé, orge, tournesol, inconnu 1, inconnu 2 etc...
- Il faudrait essayer d'en faire pousser dès maintenant, propose Claudie.
- La timonerie ferait une très bonne serre, enchaîne Muriel.
- On pourrait utiliser les...
Je bats en retraite devant la vision, pour moi, apocalyptique de ma timonerie envahie par la "jungle  .
- Pourquoi ne pas avoir envoyé un livre, un CD, un portable ? Demandai-je en rejoignant Blaise.
- Curieusement, le vivant semble plus facile à transférer que l’inerte solide, affirme t-il.
- Grotesque, la plage, la piscine, c'est du solide, protestai je.
- A mon avis, ceux ne sont pas les mêmes, ceux là sont terriens et même américains.
Là, c'est évident, il n'y a pas de contestation possible, d'autant plus qu'à l'écran l'agrandissement laisse apparaître "God Bless América" réalisé avec les minuscules petites graines noires
Et brunes que nous n'avons pas encore identifiées.
- Tu veux dire qu’Ils en sont aux balbutiements et qu'après enfin... Avant, ils nous expédient avec armes et bagages en 1552.
- Non... Pour moi, les premiers 1552 et moins 15000 sont extra terrestres ou sur naturel, dans le sens plus que naturel. Je ne crédite au profit des humains que la bouillie sanguinolente d'hier et les graines d'aujourd'hui, précise Blaise.
- Mais pourquoi ne pas tout envoyer pour la même date, le rongeur et les graines... À ronger ? Insistai-je.
- Peut être quelque chose... nous, nous avons été expédiés de 2003 à 1552 mais le même jour à la même heure... Peut être, s'ils expédient un autre jour, nous nous serions retrouvés dans le vide cosmique dans l'attente d'une terre, déjà ou pas encore passée sur son orbite.
- Mouais ... Trop compliqué pour moi, d'autant plus que la terre, même à la même date, même heure ne doit se trouver exactement au millimètre près au même endroit !? Je préfère ne pas approfondir tant l'image de Grotesque flottant, toutes voiles hautes dans l'espace interplanétaire m'effraye rétrospectivement.
- La première couche, c'était bien "Help" qu'il y avait d'écrit, s'exclame Blaise.
- Quelqu'un capable d'un tel transfert et qui envoie un appel au secours à deux pelés et trois tondus qui ont du mal à se nourrir, c'est débile, Non ?
- C'est qui les pelés et les tondus ? demande Gaëlle depuis le carré.
- On sait que tu te ranges parmi les tondus, rétorque Claudie.
- Tu n'as pas dû regarder à la piscine alors... Plaisante Muriel
- Faute de rasoir, le poil vainqueur regagne du terrain, confirme Gaëlle. Je parviens juste à limiter l'envahissement grâce à de longues heures passées, cramponnée à la pince à épiler.
- Un jour, nous aurons de la cire, promet Blaise.
- Chéri, arrête d'espionner les conversations des femmes, rétorque son épouse.
Nous feignons de replonger dans les contemplations de l'écran et des chiffres romains.
- Je fais chercher à l'ordi tout ce qui est dans l'encyclopédie avec ces chiffres, m'explique Blaise.
- Et ...?
- Et on attend.
Deux minutes plus tard, l'ordi annonce avoir trouvé quarante trois réponses liées à ces chiffres.
- C'est maintenant qu'il faut être patient et il faut consulter toutes ces réponses, remarque Blaise.
- Et bien, je te laisse ! J'ai toujours du mal à lire l'écran et c'est un travail d'intellectuel... à plus ! Lançai je avant de m'éclipser.
- Je viens avec toi, décide Moustique que le tri des graines ennuie visiblement.
- Où vas tu ? Questionne Claudie.
- En lisière des bois ... commençai je.
- Alors prends une arme, me coupe t-elle.
Isabelle brandit une machette mais la moue de Claudie signifie clairement que pour elle une arme digne de ce nom doit contenir de la poudre.
- HK, ça ira ? Demandai-je en fixant l'étui à ma ceinture.
Son silence vaut acquiescement.
Léo, déjà dans le cockpit se trémousse d’impatience ; il me regarde approcher, l’air de dire :
« Bon ça y est, je peux ? Je peux descendre ?
Mon : « Allez  ! » le libère. Il dégringole les marches jusqu’au sable.
Nous nous dirigeons au sud, vers la lisière que nous n’avons pas encore reconnue. Mais pour cela, il nous faut d’abord escalader les rochers qui délimitaient notre mouillage et là, Léo est déjà moins à son aise sur ces blocs dorénavant secs, mais vu les mimiques de Moustique, à la très forte odeur de marée. Nous voyant progresser sans lui, il s’élance à la recherche d’une faille ou d’une pente plus accessible à ses quatre pattes. Il a vite fait de trouver et de nous rejoindre sur ce fond marin qui n’en n’est plus un.
Sale impression de marcher dans ce cimetière, qu’est devenu notre si joli lagon?
- Ils ne peuvent pas tuer ? S’interroge Moustique en contemplant, écœurée ce qu’il est advenu de la faune et de la flore marines qui ont transféré avec nous. Depuis, les magmas informes qui devaient être des anémones de mer aux dépouilles trop odorantes, que sont devenues les multitudes arcs en ciel qui nous accompagnaient lors de nos plongées ? Tout ici empeste la mort et la décomposition.
- Même Léo semble écœuré, remarque Isabelle.
- Avec lui je ne parierais rien, notai-je
- Rien n’a pu échapper à la disparition de l’eau.
- Merde ! On a oublié de comparer les baromètres, m’exclamai-je, combien était ce ?
- A 9 heures… mille…mille trente je crois, doute Isabelle.
- Faites confiance aux jeunes neurones et voilà le résultat !
- Et toi tu te rappelles de quoi ?
- A 9 heures mais j’ai l’excuse de l’usure… Il faudra comparer en rentrant.
En longeant la lisière, nous regroupons par paquet les branches mortes ou cassées que nous rencontrons.
- Tu te rends compte que pour la cuisson, le temps qu’il faudra passer à ramasser des bois, se lamente Isabelle.
- L’idéal aurait été un four solaire, il y en a eu de fabriquer pour l’Afrique mais cela fut un échec.
- Cela semblait logique pourtant, le soleil est gratuit et inépuisable…
- Mais le four n’était pas gratuit… et les habitudes : couper du bois toujours plus loin, pour toujours plus de monde…
- Tu veux dire que l’on risque de couper tout ça, s’inquiète Isabelle en montrant notre nouveau domaine.
-Six malheureux pékins? Ça ne risque pas .la rassurais je
Nous, enfin ,Je décide de pénétrer un peu plus loin dans les sous bois, à la grande joie de Léo qui montre à son empressement à flairer l’ombre des futaies que même, s’il est un bon chien de bateau, il est avant tout, par son atavisme, un chien de terrain vierge de forêts et d’espaces.
- Il est chez lui, constatai je.
Comme pour nous le prouver, il fonce soudain entre deux arbrisseaux pour se jeter au cœur d'un taillis. Quelques craquements de brindilles, aussitôt suivies d'une brève plainte aiguë,
Déjà, Léo ressort de l'entrelace avec en travers de la gueule un gros rongeur qui pourrait être la bête redoutée de tous les marins français, un cousin de lièvre, si la tête était moins massive et le corps plus élancé.
- Oh Léo ! Pourquoi...
Mais Isabelle me coupe d'un plus prosaïque :
- Tu crois que ça se mange ?
- Léo a l'air de cet avis en tout cas.
J'hésite entre rabrouer le tueur et féliciter le chasseur qui nous rapporte quelques kilos de protéines. Finalement, mon estomac l'emporte sur ma compassion et je le félicite avant de glisser sa victime, qu'il me laisse à regret, dans le sac à dos dont je suis affublé.
- Il faudra mettre ton sac à dos, lançai je à Léo.
- Léo a un sac à dos ?
- Oui, nous l'avons acheté en Norvège mais alors Léo était trop petit.
- Ça le gênerait pour chasser, déclare Isabelle qui se voit déjà avec un chien lui rapportant deux ou trois fois par semaine une victime bien chaude.
- Il ne faudrait pas qu'il en prenne l'habitude sinon un jour il ira croquer les poules de Blaise.
- Oh non, il sait faire la différence, assure Isa.
Nous sortons du sous bois ; cent mètres plus loin et c'est la deuxième bonne surprise du jour. Un arbre solitaire, majestueux, à l'écart des autres, me semble familier. Lorsque je m'approche pour mieux l'observer, je sens un craquement sinistre de coquille qui cède sous mon pied droit.
"Merde ! Un petit escargot," songeai-je en retirant précautionneusement mon pied, m'attendant à voir la coquille brisée et le pauvre gastéropode agonisant.
- Ça se mange les escargots ? Interroge Isabelle qui semble faire une fixation sur la nourriture.
Mon pied retiré, il y a en effet une coquille écrasée mais à la place de l’écœurant spectacle attendu, je découvre, les papilles en émoi : une noix. Lorsque je me penche pour la ramasser, toutes ses sœurs, qui nous attendent sagement posées dans l'herbe, m'apparaissent.
- Mais il y en a partout, s'exclame Isabelle.
- C'est comme lorsque tu cherches des trompettes de la mort.
Devant le regard interrogateur , je précise :
- Des champignons. Tu n’en vois pas, puis tu te baisses pour ramasser le premier et là tu ne te relèves plus parce que ce premier est cerné par une multitude de jumeaux.
- Et les vertes, ça se ramasse aussi ?
- Ah les enfants de la ville ! Ne puis je m'empêcher de remarquer.
Nous passons la demie heure suivante à remplir le sac de noix avec le même plaisir primitif de la cueillette que devaient avoir, non, qu'ont en ce moment même, nos lointains ancêtres.
Lorsque nous reprenons le chemin de Grotesque, nous sommes avec notre sac de noix presque aussi fier que Léo lorsqu'il est ressorti du buisson.
Lors de notre approche, le trio infernal, assis dans le cockpit, nous accueille par :
- Vous avez vu l'heure, vous auriez pu prendre un téléphone ou une VHF.
Qui s'attendrait à un pareil accueil au retour des cueilleurs/chasseurs en pleine préhistoire ? L'anachronisme me fait sourire.
- Et en plus, ça le fait rire, s'exclame Claudie.
- S'il y avait eu un problème, vous auriez au moins entendu un coup de feu ou les aboiements de Léo, nous n'étions pas loin, nous défend Moustique.
- C'est quoi dans le sac ? S'informe Muriel, toujours à l'affût d'une bonne nouvelle pour ses papilles.
- Non, non ! Vous n'avez pas été accueillantes, on ne vous dira rien, menace Isabelle avant d'ajouter :
- Hum ! Mais ça se mange et c'est bon. Vous ne trouverez pas.
- Moi, je sais ! Annonce Claudie, il suffit de regarder vos mains.
Trahis par le brou des noix ! Non mains toutes tachées ne laissent aucun doute à Claudie souvent revenue des bois avec les mains dans le même état.
- Oui, mais ce n'est pas tout, Léo s'est illustré...
Les propositions fusent jusqu'à celle de Gaëlle :
- Un la.....
- Stooop !!! La coupe Claudie, pas superstitieuse, mais on ne sait jamais, touchons du bois.
- Qui s'occupe de le vider et de le dépouiller ? Demande Claudie avec appréhension lorsque je sors la victime du sac.
Léo, fier de lui, regarde et flaire la bête, l'air de dire :
"Vous avez vu, c'est moi qui lai attrapé" !

" Seuls les paranoïaques survivent "
09-12-2015 à 18:30:47
Juste une précision ,comme ecrit au début ce "délire " date de l'hiver 2004 donc comme la formule consacrée :" toutes ressemblances avec des films série, personne ou faits serait le plus pur fruit du hasard "



"Vous avez vu, c'est moi qui lai attrapé" !
- C'est bien mon Léo, le félicite Claudie.
- Faudrait pas trop l'encourager, je crains pour les poules de Blaise, s'inquiète Muriel.
- Il y a un harem ? Tente de plaisanter, sans succès, Gaëlle.
- Au lieu de plaisanter, tu t'en charges ? La rabroue Muriel.
- De Blaise ?
- Du Rongeur.
- Ah ! Euh ! Moi, les poissons, autant que tu veux, mais les poils, pas question !
- C'est la barbe de Patrick qui te gène, ironise à son tour Claudie pour nous détourner de l'embarrassante décision, pour nous humain du 21e siècle égaré ici. Celui qui se chargera de ce premier mammifère devra sans doute se charger de tous les suivants.
- On dirait un Capybara , un rongeur d'Amérique du sud, en plus petit précise Blaise.
- Tu veux le ... Commence sa femme.
- Non, la coupe t-il aussitôt.
Des sept présents autour de la dépouille, seul Léo est capable de se charger de la suite.
Devant l'absurdité de la situation, seuls une peau et des intestins nous séparent d'un repas de fête. Je laisse échapper les mots :
- Je vais le faire.
Cinq gros soupirs de soulagement salut ces quatre mots. Trop tard pour les rattraper.
Tout le monde s'empresse de m'aider pour que je ne change pas d'avis.
- Je t'affûte le couteau, lance Blaise.
- Je vais te noter la marche à suivre, propose Claudie.
- Il faudra mettre le cœur et le foie et ...
Gaëlle s'interrompt. Est ce dû au coup de coude de Claudie,qui se voulait discret ou bien ai-je commencé à changer de couleur ?
- Au moins toi, si tu crèves quelque chose, tu ne seras pas incommodé par l'odeur, croit bon de préciser Blaise qui revient déjà avec son couteau.
- Bon, je vais aller faire ça à l'écart pour vous épargner le spectacle, ajoutai-je hypocrite, alors que c'est surtout pour qu'ils ne voient pas la tête que je risque de faire.
- Tu oublies les plats et mes notes, m'interpelle Claudie.
- Si tu veux je viens pour te lire les notes, propose Moustique.
Voilà comment on se retrouve en haut d'une plage à obéir aux conseils d'une gamine.
- A DETAILLER la procédure (voir livre).
Finalement, le secret c'est s'appliquer à faire des gestes précis sans penser à ce que l'on fait. Espérons tout de même que Léo modérera ses exploits, je ne me vois pas faire ça tous les jours.
Une ou deux bouffées de chaleur m'ayant submergé lorsqu'un tendon ou un viscère m'ont rappelé ce que je faisais ...
- Tu vois, ce n'est pas si compliqué, conclut Moustique à la fin de mes exploits avant de s'informer :
- Tu crois que les intestins peuvent servir à quelque chose ?
- Instrument de musique, corde d'arc ? Mais nous n'en sommes pas encore réduits à ça... Enfin j'espère.
- C'était facile, insiste t-elle me gâchant presque la fierté d'un dur devoir accompli.
- Arrête ou la prochaine fois c'est toi qui t'y colleras, la menaçai-je avant de ramener fièrement la "bête" sur son plat.
- Et le persil dans les oreilles ?
- Jamais content.
- Et le bois ?
C'est vrai, pressé de montrer notre récolte, nous n'avons pas ramené la plus petite brindille.
- De tout façon, c'était trop tard pour ce midi, il sera aussi bon ce soir.

Rôti comme un petit cochon, il fut le soir même bien plus que bon.
- Léo, la prochaine fois, choisis en un, un peu plus gros, conclut Muriel en se léchant les doigts à la fin du repas.
Du rongeur qui, ce matin allait heureux dans le sous bois, il ne reste plus que quelques viscères enterrés, quelques os refusés à Léo et une peau que Blaise va tenter de tanner.
- Pour voir, a t-il précisé.
Tout le reste a disparu dans nos intestins repus.
Doux moment de béatitude, ventre plein, propice à la somnolence, brusquement interrompu par le cri d'Isabelle.
- Le baro !
- Décidément ; bon on le fait maintenant, décidai-je à regret en me levant péniblement.
Il est certaines positions qu’il vaut mieux éviter, l’age venant …Une fois dans la timonerie, j’observe avec application mais surtout avec une loupe le trop plein entrelace du papier millimétré où le stylet du barographe a laissé une fluctuante courbe violette, essayant de retrouver avec précision la pression enregistrée à neuf heures hier matin :
- Environ un petit 1018 millibars, notai je.
- Donc 12 millibars, soit environ 96 mètres d'écart !
- La mer est si basse ? Demande Isabelle.
- Actuellement, l'Angleterre n'est pas une île, précise Blaise.
- Il faudrait trouver dans l'encyclopédie une courbe assez précise pour savoir.
- Précis à quelques siècles près ? S'étonne Isabelle.
- On ne pourra pas faire mieux.
- De toute façon, ça changera quoi ? Demande Claudie avant d'ajouter :
- Moi, ça ne m'empêchera pas de dormir. Allez, bonne nuit.

Clairement, cela ne m'a pas empêché de dormir non plus. Ce matin, mes courbatures ont disparu et levé aux aurores, je suis tranquillement assis sur le pont à regarder le jour se lever en compagnie de Léo lorsqu'à nouveau se fait entendre le fameux grésillement, suivi cette fois par un claquement de bubble-gum trop gonflé.
Aussitôt, Léo contourne le roof pour aller humer l'air de l'autre bord. Pour ma part, je traverse la timonerie, saisissant au passage les jumelles et par la port bâbord, j'observe dans la lumière rasante du petit jour le point de la lisière où sont déjà apparus graines et rongeur. En songeant amusé :
"Et si c'était une vache laitière ? Comme implore Muriel".
Mais la créature qui m'apparaît me laisse un moment perplexe. Pour la tête, cela ressemble énormément à ... un léonberg avec tous les attributs de la race : masque, crinière, oreilles tombantes... Mais après la crinière, plus rien. Plus rien de commun, cela ressemble à un caniche tondu trop court ou à un chien nu du Mexique pour finir par une queue en panache de Léonberg. J'hésite, pas léo dont l'émoi confirme qu'il a bien reconnu un congénère. J'affale l'escalier et imprudemment je me dirige seul avec Léo vers la bête qui ne bronche pas, plantée sur ses pattes, sans lueur dans les yeux…
Arrivé à quatre mètres de l'apparition, Léo stoppe pour observer ce curieux chien qui ne répond même pas aux battements effréné de son panache. Est-il, pardon, est-elle morte, empaillée, droguée, hypnotisée ? Il s'agit bien d'un Léonberg, mais quelqu'un la complètement rasée de la crinière à la queue. Soit ils sont fous, soit il s'agit de quelque mode stupide du futur. Prudents, nous approchons encore un peu de l'animal ; une lueur semble briller loin loin au fond de ses yeux endormis. Un :
- Ça ne se mange pas ! Déçu dans mon dos me fait bondir de trouille.
- Ça pourrait, précise lugubre Blaise.
A voir le regard outré qui lui lance Léo, on jurerait qu'il a compris.
- Moi vivante, jamais nous ne mangerons du chien, notre allier, notre ami depuis des millénaires, jamais ! S'emporte Claudie.
Toute l'équipe est là derrière moi, je ne les ai pas entendus venir, plongé dans mes pensées.
- Ils progressent, note Gaëlle.
- Oui, mais tu as vu ses yeux, on dirait que le cerveau n'a pas été remis à sa place, tempérai je.
- Z'auraient pu envoyer une vache laitière, regrette Muriel.
- Léo ne semble pas du même avis, se moque Blaise.
- Faudrait peut être l'attacher ? Propose Isabelle.
- Tu as raison... approuve Blaise, Isabelle ?
- Toujours moi, proteste t-elle avant de s'élancer vers Grotesque.
- Assez longue, criai-je à son intention.
En attendant son retour, nous nous approchons pour mieux détailler la tonte.
- Et bien elle, elle avait un bon rasoir, constate Gaëlle nostalgique.
Dès le retour d'Isabelle, je glisse un nœud coulant autour du cou de la chienne en prenant soin de faire une demie clef sur la gueule avec l'autre extrémité.
- Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop, proteste Claudie.
- Je vais l'ausculter, propose Gaëlle.
- Elle vit au moins ? S'inquiète Isabelle.
- Elle respire très lentement, son cœur à peine audible, la pupille réagit au ralenti et sa peau est glacée. Mais elle vit... pour l'instant, énumère Gaëlle avant de s'exclamer :
- Oh les barbares ! Son dos et ses flancs sont totalement scarifiés par des milliers de cicatrices.
- Je suis sure que c'est encore une mode à la con, s'insurge Claudie.
Chaussant mes lunettes, je me penche sur la peau martyrisée. Des milliers de minuscules mots me sautent au visage : cette chienne est un parchemin vivant.
- Comment ont-ils fait cela ? Questionnai-je.
- Micro laser ... ? Émet Blaise
Il y a là toute une histoire à découvrir.
- Tu crois que l'on peut la déplacer ? Demande Claudie.
- Elle est glacée, mais pas congelée au point de se briser, tente de plaisanter Blaise.
Pourtant, c'est l'impression qui se dégage de cette statue de chair : la décongélation.
- La paupière droite a bougé, nous informe Isa qui, assise face au molosse, l'observe dans les yeux.
Pour un peu, on s'attendrait à voir de l'eau s'écouler doucement pour laisser place à la vie.
- Peut être une sorte d'hibernation ?
- Ben ma mémère, il va falloir te dépêcher de décongeler parce que moi je ne vais pas te porter ! Lançai-je.

Et bien, j'avais tord, c'est bien moi et Blaise qui avons porté Mémère jusqu'à côté de Grotesque sous l’œil plein d'incompréhension de Léo.
"Comment la gente canine peut-elle rester sourde au charme naturelle du seigneur de ces lieux ? " Semble me demander son regard perdu.
Il faudra trois heures pour que le pouls et la respiration retrouvent un rythme normal, trois heures que nous avons mis à profit pour déchiffrer (en nous relayant) tout le flanc droit à l’aide d’une loupe. Une lecture que nous aurions préférée ne pas faire. Elle avait pourtant commencé par une bonne nouvelle :
Augusta le 08 novembre 2084.
- C’est en français ! S’était exclamée Isabelle, première à s’atteler à la lecture.
- Normal, Mémère nous est adressée car Ils savent que nous sommes là, donc ils savent forcément que nous sommes français.
Et puis, nous avons appris tout le reste, la guerre depuis des décennies, les milliards de victimes pas toujours innocentes, les épidémies, les manipulations génétiques,… et la probable imminente disparition de l’espèce humaine. Notre moral au plus bas, nous n’avons même pas le courage de retourner Mémère sur l’autre flanc pour lire la fin de la diabolique histoire
de l'humanité...
- Mais qu'espérent-ils de nous, lance Blaise......


Augusta le 09 novembre 2084.

Le personnel de la World Time Company est pris d'une activité fébrile, la tension palpable électrise l'atmosphère. Aujourd’hui, se joue le sort de la compagnie et à ,ce qu’aimeraient faire croire ses dirigeants, celui de la planète. Les principaux financiers du pays et les représentants du gouvernement se réunissent ce jour, dans cette ville du nouveau bord de mer où sont venus se réfugier une grande part des habitants, l'on devrait plutôt dire des survivants de Savannah.
Depuis 56 ans que dure la plus apocalyptique conflagration que la terre n'ait jamais eu à supporter. Tout a été modifié : frontières, climat, morale, justice et même l'ADN, 56 ans de guerre civile mondiale, pour être précis de guerre de religions mondiale.
Plus d'un tiers de l'humanité a déjà disparu au fil des décennies, tout ce qui pouvait être employé comme moyen de destruction l'a été depuis la fronde jusqu'à la bombe sale en passant par le bactériologique.
Il y a dix ans, la génétique a même été utilisée dans l'espoir de stériliser les adversaires... Depuis les enfants de moins de 9 ans font figure de miraculés. La jeunesse n'existe plus, décimé par les affrontements, les enfants ne seront bientôt plus qu'un souvenir. Et l'espèce humaine, après les baleines, les éléphants, à son tour va disparaître sous peu.
Depuis 12 ans, l'équipe de World Time parallèlement à ses activités militaires, mais dorénavant tout est militaire la guerre étant totale, a choisi d'exploiter une voix que beaucoup, pour ne pas dire tous, considéraient comme sans issue.
Ce 09 novembre doit, d'après les dirigeants de World Time, couronner ces 12 années de recherches secrètes ayant englouti des ressources que d'autres auraient préféré voir transformer en choses plus concrètes : gaz de combat, virus Ebola bodybuildé, enfin toutes choses nécessaire pour éliminer : Les Autres.
Le plus absurde, c'est que tout a commencé d'une manière inattendue : en Afrique, entre les Islamistes et ... des Chinois voulant protéger leurs intérêts sur ce continent fraîchement colonisé. Et la poudrière a explosé : violentes manifestations de soutien de par le monde, exactions, attentats, réactions, répressions... 56 ans que cela dure, deux milliards de cadavres de plus fertilisent la planète qui a la fièvre, se réchauffant bien plus rapidement que les versions les plus pessimistes le prévoyaient. Toutes les villes côtières ont disparu, La Hollande, le Bangladesh n'existent plus. Des centaines de milliers de personnes se sont déplacées fuyant la guerre, fuyant les épidémies, fuyant la montée des eaux pour finalement pourrir dans un fossé au bord d'une route ne menant plus nulle part.
Mais aujourd'hui, en accueillant ces VIP, Monsieur B. Perkins affirme qu'il a la possibilité maintenant d'empêcher cela. Il fait distribuer à chacun un virtuel book, en fait une feuille de polymère de format A5 qui se roule sur elle même pour prendre la taille d'un gros stylo, mais qui, une fois déroulée, reste rigide en partie par l’effet mètre à ruban et surtout grâce à son étui qui vient alors se clipser sur un des cotés. Monsieur Perkins, avec toute une mise en scène, glisse dans chaque étui une mémoire de la taille d'un confetti.
- Chers amis, je vous laisse lire ceci, je sais que cela vous paraîtra fastidieux mais c'est cela qui m'a poussé à entreprendre mes recherches dans cette voie qui semble impossible.
- Vous avez donc abouti ? Questionne ????
- Mais à quoi ?
- Lisez d'abord, conseille Perkins avant de s'éclipser, saisissant un virtuel book qui s’illumine et affiche une page au premier contact.
Chaque participant s'empare du virtuel book qui lui est destiné et dans la pénombre de la pièce, on remarque seulement les Virtuels books qui s'illuminent les uns après les autres avec pour toute source d'énergie la chaleur de la ou des mains qui le tiennent...
Dans les locaux du Word Time, devant son écran, Monsieur B. Perkins scrute avec désespoir les visages de ses hôtes qui, les uns après les autres reposent leur virtuel book.
A voir leur mine dubitative, il comprend qu'il court à l'échec, seul ce vieil excentrique de Borgan continue de parcourir son texte avec application, dictant des notes et des remarques au fur et à mesure de sa lecture. Mais son seul soutien malgré sa fortune, sera inutile. Lorsqu'enfin Monsieur Borgan pose son virtuel book, Monsieur Perkins prend la laisse «d'alpha » et se dirige vers, ce qui pour lui, est devenue une arène, sachant qu'il joue maintenant son va tout. Son entrée, suivi par ce Léonberg rasé ne suscite que quelques regards étonnés et la question pleine d'intérêts de Monsieur Borgan :
- Vous l'avez ramenée ?
- Non, je vous présente celle qui, dans moins de quatre heures, sera baptisée Mémère.
- Vous voulez nous faire croire que le roman...
- Ce que vous venez de lire n'est pas un roman, cette histoire a réellement eu lieu, le testament du professeur "Van Hoeck," le prouve, différents courriers des familles des disparus, leurs soudaines fortunes colossales, tout est vérifiable et a été vérifié. D'ailleurs, toutes ces pièces sont ici, avec les résultats : datation, authentification, qui leur sont propres.
La vitrine dévoilée n'attire l'attention qu'à deux participants : toujours l'excentrique Borgan et son jeune voisin du ministère de la Santé.
- Donc la première partie de l'histoire a été rapportée par un archéologue et la deuxième par ce fameux CD?
- Le CD a été retrouvé par nous à l'emplacement (maintenant submergé) de l'îlot où s'est retrouvé échoué "Grotesque", il était dans une enveloppe de feuille d'or.
- Donc un plaisancier laisse une antiquité informatique et vous, vous gobez le tout, attaque le représentant du Ministère des Armées.
- .... Un plaisancier riche car nous l'avons retrouvé avec une grande quantité d’émeraudes, tout ce qui a été décrit dans cette histoire nous en avons retrouvé les traces ; malgré la difficulté de ces recherches sous marines, nous avons tout retrouvé !
- Les boulets du hollandais sur le promontoire, mêmes les balles de . 50 ayant traversé les embarcations, la fosse commune sur l'îlot W, tout a été retrouvé, vérifié, s'emporte B. Perkins.
- Soit quelqu'un connaissait l'histoire du 16e siècle vous a fait une plaisanterie et vous avez foncé, ainsi que mon prédécesseur... Mais pour moi, il faut plus que quelques historiettes pour marcher. Je suis un militaire, il me faut du concret.
- Avez vous retrouvé des traces de Grotesque ou de son équipage ? Questionne, perfide, le représentant du Ministère de la Santé.
A ce moment là, B. Perkins réalise que le combat est perdu, l'évolution de son projet est condamnée ; plus inquiétant, il comprend qu'une taupe a clairement mis en évidence le point faible du plaidoyer. Rien datant de 15 000 ans n'a pu être retrouvé sauf ce vieux CD.
- Nous avons ce CD endommagé dont, en permanence, nous déchiffrons les informations et dont le contenu corrobore nos expériences. Nous avons bien essayé, trop confiants, l'envoi d'une souris il y a trois ans puis l’année dernière l'envoi des graines...
- Vous dépensez des millions de la Défense pour envoyer des graines 15 000 ans dans le passé, vous êtes irresponsable.
- Calmez vous, demande simplement l'excentrique, avec l'assurance des milliardaires qui savent que les ministres passent, les présidents aussi mais que eux restent.
- ...Et ce matin, nous allons voler avec ce chien jusqu'à notre base construite sur l'emplacement de l'îlot et devant vous nous allons expédier Mémère à côté de Grotesque, il y a exactement 14 772 ans..
- Faire disparaître un chien, la belle affaire, quel intérêt ?
- L'intérêt ! Vous me demandez quel intérêt, mais dès que nous pourrons envoyer des hommes nous pourrons par exemple éliminer les causes de nos malheurs.
- Tuer les prophètes ? S’inquiète le représentant de l'Église.
- Prévenir les chercheurs de l’erreur de manipulation génétique qui a stérilisé le monde entier.
- Est ce un malheur pour Gaïa ? Murmure pour lui même l'excentrique.
- Nous pourrons tout éviter, toutes nos erreurs.
Le représentant des Armées, soudain intéressé par des frappes préventives dans le passé, semble moins hostile à B. Perkins lorsqu'il lui demande :
- Pourriez vous expédier des commandos 60 ans en arrière ?
- Pour l'instant nous avons confirmation à la lecture de CD que nous allons réussir "l'envoi" de Mémère en 14 772 ans dans le passé.... mais nous avons de grosses difficultés à décoder la suite.
- Vous n'arrivez pas à restaurer un malheureux CD, confiez le à l'armée et nous ferons ça.
- Écoutons la suite, intervient à nouveau Borgan.
- Nous savons que cette chienne va arriver physiquement intacte, mais nous ne saurons qu'après restauration de la suite si son cerveau n'a pas été lésé.
- Supposons que les cerveaux résistent, ceux de l'équipage de Grotesque ont bien résisté, même si à les lire, parfois j'en doute. Donc, pouvez vous expédier mes hommes 60 ans plus tôt, oui ou non ?
- .... Pour l'instant, nos transferts sont immanquablement arrivés en moins 14 772 .... Nous avons essayé d'autres options, sans succès, rien n'a disparu !
- Vous ne pouvez choisir la date ?
Perkins va bien être obligé de réfléchir à la deuxième faiblesse de son projet.
- Actuellement ... non. Il y a encore une cicatrice, une balafre dans l'espace temps qui, inexorablement, canalise nos envois vers Grotesque et…
- Pour résumer, vos coûteuses recherches nous sont parfaitement inutiles, le coupe le militaire.
- Mais j'ai bon espoir qu'un jour nous serons capables, non seulement de choisir la date, mais aussi d'expédier du matériel, de miniaturiser le procédé pour permettre l'aller et retour et ainsi ouvrir les portes dans différentes époques cruciales...
- Un jour, un jour ! Comme vous ne savez pas que le temps de l'humanité est comptée, il faudrait être capable de réaliser cela aujourd'hui, demain après demain, il sera peut être trop tard. Je rejoins le général, vos expériences gaspillent trop de ressources, il faut les arrêter.
A la surprise générale, B. Perkins n'insiste pas et se résigne comme s'il avait su dès le début que ce jour signifiait la fin de son rêve de rétablir un monde meilleur.
En quelques minutes, la pièce s'est vidée, ne reste plus qu'un B. Perkins abattu, tenant toujours en laisse un chien ridiculement tondu, et Monsieur Borgan, toujours assis, attendant on ne sait quoi.
- Vous le saviez ? Finit par demander Borgan.
- Je le craignais mais ...Répond B. Perkins.
- Non, ne mentez pas ! J'ai menti toute ma vie et je sais reconnaître le mensonge.
- S'ils avaient accepté....
- S'ils avaient accepté et que vos recherches aboutissent, vous nous auriez pas montrés un chien que vous allez envoyé dans le passé, mais plutôt un message, ou mieux un de vos assistants que vous vous seriez envoyés du futur, non ?
- Toutes ces années, toutes ces sommes colossales pour se retrouver avec un chien au bout d'une laisse... A quoi bon l'expédier ! Se désole B. Perkins.
- Mais pour que l'on sache que cela a réussi, pour que l'équipage de Grotesque l'écrive et qu'ils sachent se qu'il advient de leur monde ... Avez vous gravé sur Mémère, quelle idée ils ont eu de l'appeler Mémère, avez vous écrit que leur pays n'est plus qu'un noman's land irradié par les destructions de toutes les centrales nucléaires ?
- Non ... Je n'ai pas eu le courage de leur dire toute la vérité, s'excuse Perkins.
- Vous leur avez quand même dit qui vous étiez ?!
- ...Ah ! Vous savez ..? Laisse échapper Perkins.
- Mes services sont plus efficaces que bien des gouvernements Monsieur Blaise Perkins. Donc votre mère était la fille cadette de Blaise et de Muriel ; je comprends votre acharnement à renouer le contact avec des grands parents inconnus.
- Vous êtes injustes, vous savez que ce n'est pas ma priorité, toute la fortune qu'ils m'ont laissée a disparu dans ce projet que je savais viable et pour cause. Depuis les révélations du professeur, ma famille sait que le déplacement dans le temps est possible ! Et ces imbéciles de généraux et de technocrates ignares me coupe tout espoir de mener cette aventure à son terme. Stupides, ils ne voient pas les possibilités, ils veulent des morts par milliers tout de suite, ça c'est du concret. Ils ne voient pas que Word Time pouvait être plus efficace que tout leur arsenal...
- Trop efficace peut être, malheureusement les informations que j'ai laisse à penser que nos adversaires, conscients de leurs prochaines défaites préparent un acte Kamikaze à l'échelle planétaire.
Leur credo est en sorte : "Si nous ne pouvons soumettre le monde, détruisons le !"
B. Perkins a 52 ans, n'a aucune famille pour qui s'inquiéter, aucun proches en dehors de ses collaborateurs et finalement la fin programmée de l'humanité le laisse dorénavant de marbre, fataliste, la conscience tranquille ayant fait le maximum. Pendant quelques minutes, il semble parler tout seul ; en réalité, il informe tous ses collaborateurs de l'échec et la fin du projet Word time, les laissant tous libres de rejoindre leurs proches. Seule, une poignée de fidèles, le noyau dur du projet, le rejoint.
- Ça ne vaut même plus le coup d'envoyer Mémère visiter la préhistoire, remarque Cécile, une petite boulotte aux cheveux tristes.
- Pas question, intervient vivement Borgan.
- Tiens ! Némo qui s'énerve, murmure Adrien 36 ans, véritable caricature de l'intellectuel de génie : yeux ronds derrière des lunettes de myope, cheveux ébouriffés et toujours une antédiluvienne calculatrice à la main.
- Comme ça, même les chercheurs cèdent à la mode des sobriquets ? Interroge Borgan/Némo.
Adrien bafouille, s'empourpre, surpris par l'acuité auditive de Borgan.
- Non, ..... C'est à dire ...Depuis que vous vivez dans ce sous marin...
- Je sais, depuis dix ans que j'ai choisi ce mode de vie, je sais tout se qui se dit sur moi, ma parano a toujours fait rire... Mais aujourd'hui, poursuit-il soudain grave, aujourd'hui ...Une seule chose compte pour moi : épargner à mes deux enfants l'apocalypse inévitable qui demain...
- Demain ! Ne peut s'empêcher de sursauter Dimitri, le bras droit de Blaise Perkins, qui a 55 ans voûté, les cheveux rares et le poil et les yeux gris, semblant usé par des années passées courbé devant son ordinateur .
- Demain, dans une semaine, un mois ... On ne devient pas milliardaire et surtout on ne le reste pas sans un très bon réseau de renseignements. Je peux vous confirmer que c'est imminent, poursuit Borgan devant les derniers fidèles de Word Time, sans doute plus impressionnés par les hésitations, les silences de Borgan que par ses propos alarmants.
Mais un homme de cette trempe, qui a bâti son empire sans faiblesse, rare de paroles, le voir hésiter, voir sa carapace se lézarder, le sentir ... humain, c'est cela le plus effrayant. Borgan reprend enfin :
- Je suis là pour vous proposer le marché suivant : tant que le monde existe, je finance vos recherches mais pour cela vous devrez embarquer à bord de mon submersible.
- Nous risquons d'être à l'étroit pour nos expérimentations, proteste Perkins.
- Je connais exactement vos besoins, et tout est déjà prêt, tranche Borgan. Rares sont ceux qui connaissent la taille exacte de mon navire mais je vous assure que la place, l'équipement, l'énergie tout est disponible à bord, à volonté.
Nouveau silence troublé de Borgan qui reprend :
- 2e. Comme convenu, Mémère doit être renvoyée vers la préhistoire. Le décodage de CD doit être accéléré, nous devons comprendre en espérant que ceux de Grotesque en parlent si le cerveau de Mémère a souffert du transfert. Dès que nous saurons cela, je vous donne 15 jours, vous expédierez mes deux enfants…
- Quoi ! Mais nous ne serons pas prêts en 15 jours ! S’exclame Cécile.
- Envoyer des humains alors que nous n’avons, enfin nous allons seulement expédier Mémère, c’est criminel, proteste à nouveau Perkins.
- C’est les laisser ici maintenant qui serait criminel, tout a été pesé et décidé avec eux…
- Mais des enfants…
- Ce ne sont plus des gosses ! Ils sont prêts, ils ont eux aussi des messages scarifiés sur leur corps...
- Quoi ! Mais c'est, c'est... s'insurge Cécile.
- Quand il est question de survie, tout cela n'est que détails, assène Borgan. Une formation intensive avec les meilleurs, ils sont prêts... (Je l'espère)... et nous n'avons plus de temps ! Nous parlons de voyage dans le temps et c'est le temps qui nous manque... Quelle ironie ! Finalement, une fois mes enfants en sécurité, nous essaierons d'achever votre projet à bord.
- Achever mon projet ?! S'interroge B.Perkins à haute voix.
- Bien sur, continue Borgan redevenu le décideur, le meneur d'hommes qui depuis 70 ans a tracé sa route, tout droit, taillant dans le vif si nécessaire. Premièrement : vous miniaturisez le Word Time, deuxièmement : vous induisez la réversibilité du transfert, troisièmement : vous rendez possible le transfert de matériel, d'équipement et quatrièmement vous expédiez un Word Time en 14772 plus tôt vers mes enfants...
- Mais nous sommes à des années de réaliser tout ça... murmure Dimitri avant d'ajouter,
- Si nous en sommes capables un jour.
- Sans parler de l'énergie colossale nécessaire à chaque transfert, s'affole Adrien en laissant les doigts de sa main droite virevolter sur le clavier, touches anonymes usées par la frénésie calculatrice du chercheur.
Personne ne comprend son attachement à une telle antiquité, il lui suffirait d'enoncer le calcul et son ordi lui murmurerait tendrement (il la doté de la voix langoureuse d’une célèbre actrice) le résultat à travers son implant auditif.
- Arrête de jouer avec ton boulier, se moque Cécile.
Borgan reprend :
- Tant que la base des Bahamas fonctionne nous l'utiliserons, je crains qu'elle ne soit opérationnelle bien longtemps, pour expédier Mémère et mes enfants ; puis nous utiliserons les ressources de mon sous marin...
- Mais même ceux que Patrick et ses amis appellent "Ils" ne peuvent transférer : 1° que vers le passé, du moins à notre connaissance, et 2° sans déplacement de lieu.
- C'est pourquoi j'ai, entre autre, scarifié deux points de rendez vous sur la peau de mes enfants pour les éventuels transferts ultérieurs. Si vos recherches aboutissent et si nous en avons le temps, nous pouvons accueillir à bord huit chercheurs et leurs proches. Mon offre est simple : poursuivre vos recherches sur les axes indiqués et vous bénéficierez de toutes les ressources que je pourrais apporter... Et surtout nous aurons quelques années de survie en plus.
- Pardon ! Vous voulez dire que ça y est, l'apocalypse est là, ou vous essayer d'influencer notre décision, d'aller s'enfermer dans une boite à sardines, doute Cécile.
- Pensez ce que bon vous semble mais je précise que mon sous marin qui est le plus grand construit à ce jour par la Navy est plutôt une boîte à baleines, un arche moderne. Je l'ai acheté
"Le Jour" et depuis dix ans, je n'ai fait que l'améliorer ; s'il existe un moyen de survivre à ce qui se prépare, je ne vois que celui là, si nous n'avions pas abandonné nos projets spatiaux... semble se murmurer à lui même Borgan, soudain perdu dans ses pensées.
Sans doute, l'évocation de ce qu'il appelle "Le jour", dix ans plus tôt, des commandos kamikazes ont pris d'assaut plusieurs quartiers résidentiels et ce jour là, Borgan à perdu tous ses proches sauf ses deux jeunes enfants de huit ans qui, réfugiés dans la Panic room, sont restés cinq jours, coupés du monde, seuls survivants de tout un quartier dévasté. Dix jours plus tard, Borgan rachetait l'ex US Roosevelt, sous marin trop grand, trop cher d'après la Navy mais rien ne résiste depuis à la parano de Borgan. Un quart de sa fortune engloutie dans le submersible qui reprenait la mer un an plus tard, après une refonte complète sous le nom de "Remember". Depuis, Borgan et ses enfants ne l'ont quitté qu'à de très rares occasions.
- Allons déjà expédier Mémère, coupe soudain B. Perkins. Cela laissera du temps à chacun pour réfléchir et nous verrons parmi la douzaine de collaborateurs du site des Bahamas, ceux qui accepteront. Pour ma part, vous avez déjà mon accord. Mais je persiste à croire qu'il est précipité de vouloir tenter d'expédier vos enfants si rapidement.
- Merci... Mais pour l'instant, seul le site des Bahamas existe et dans trois semaines, je crains que tout ce que nous connaissons n'ait disparu. Je ne veux pas courir le risque de ne plus pouvoir les transférer… Ils sont forts. Depuis "Le Jour", depuis onze ans, ils apprennent et ils s'entraînent dans un seul but : survivre. C'est leur chance, je leur dois cet espoir......
Vaincu, Perkins conclut :
- Direction Bahamas et la préhistoire pour Mémère.

" Seuls les paranoïaques survivent "
10-12-2015 à 17:30:49
...... Après une heure d'abattement total, nous décidons néanmoins de retourner Mémère sur le flanc droit pour pouvoir déchiffrer le reste de l'histoire…
- C'est la première fois que j'ai un journal de 50 kilos, plaisante Blaise.
- Et en plus, les nouvelles sont encore fraîches, ajoute Gaëlle en secouant le thermomètre qu'elle introduit sous l'oeil horrifié de Léo.
Une heure plus tard, le "journal de Blaise" commence à s'agiter :
- Laissez moi finir, implore Muriel qui a du mal à ne pas perdre le fil de sa lecture.
- Je te remplace, propose Isabelle.
Et c'est cette voix juvénile qui annonce la bonne rubrique gravée sur ce chien allongé : "... Le professeur Blaise Perkins...
- Tient comme toi, constate Claudie.,
- "salue ses grands parents ... Blaise et Muriel...
- Ben merde !
C'est la seule réaction de Blaise alors que Muriel, comme à son habitude ...fond en larmes.
Isabelle poursuit sa lecture avec, pour bruit de fond, les sanglots et reniflements de Muriel, jusqu’au moment ou elle arrive à la dernière ligne, rouge et boursouflée, qu’elle ne parvient pas à déchiffrer.
- Là, je n’y arrive pas.
- Malgré tes jeunes yeux, se moque Blaise en s’approchant.
- On dirait qu’ils ont rajouté un post scriptum à la hâte, plaisante Blaise.
- Peut être un peu de glace sur la peau, propose Gaëlle.
- Et tu vas la chercher où ? Rétorque Claudie.
Nous avons renoncé aux glaçons depuis bien longtemps, devant l’énorme coût énergétique pour produire quelques malheureux cubes d’eau gelés.
- Demain, la peau de Mémère sera moins gonflée, nous pourrons mieux lire le P.S., pronostiquai-je.
Mais connaissant Blaise, je sais qu’il n’aura de cesse qu’après avoir déchiffré cette phrase scarifiée à la hâte.
- Laissons le tranquille avec la Mémère, visiblement elle reprend du poil de la bête, propose Claudie.
Muriel passe alors des larmes à un irrépressible fou rire.
- Autant… Autant dire… Que Patrick se… Fait des cheveux…. !
- Attends, tu es dure…, proteste Gaëlle moqueuse. Il lui en reste un peu… Autour !
- Puisque c'est ça, je vous abandonne à vos hiéroglyphes... moi, j'ai faim, ajoutai-je en me dirigeant vers Grotesque, sûr de mon effet.
Aussitôt, plus de fous rires, plus de sanglots, juste une constatation :
- Oh ! Moi aussi !!!
Seul, Blaise résiste à l'appel du pt'it déj. ; Il reste seul, penché sur Mémère à ânonner des mots sans suite. Même Léo, vexé d'être dédaigné de la gente canine, nous suit dans l'espoir (jamais déçu) de récolter un peu de pain, trois miettes à renifler sous la table ou quelques douceurs.
Une heure plus tard, alors que Léo, sous la table, s'acharne à rechercher d'hypothétiques atomes de sucre qui auraient pu échapper à son méticuleux quadrillage, Blaise nous rejoint enfin.
- C'est la faim ou le succès qui te ramène vers nous ? Demande Isabelle.
A voir la mine satisfaite de Blaise, la question était inutile.
- Alors, le PS ? Questionai-je.
- Perkins, mon petit fils..., précise fièrement Blaise en bon papy gâteau qui vient juste d'apprendre qu'il est heureux grand père d'un charmant bambin ... de 52 ans,
- Pas si petit que ça, il a quand même 8 ans de plus que toi ! Le douche Claudie.
- ...Perkins... nous donne les coordonnées géographiques où il a retrouvé le CD et nous demande de mieux l'emballer car il a souffert...
- Mais s'il demande ça, c'est que l'emballage amélioré n'a pas été suffisant ! Vu que l'on va tenir compte de sa requête et si cela avait été suffisant, il ne nous l'aurait pas demandé...
- Stop ! Tu nous embrouilles, s'exclame Gaëlle.
- Et c'est tout ? Demande Isabelle, déçue.
- Non, Perkins nous demande de noter l'état physique et mental de Mémère.
- Comment sait il le nom que... Commence Muriel.
- L'état mental d'un chien, on lui fait compter des os ? Tente de plaisanter Claudie.
- Vous voulez connaître la suite ? Bon, il demande donc de préciser avec détails l'état de Mémère car d'ici trois semaines maxi...
- Oui ?!
- Une vache laitière ?
- Non. Ils vont essayer d'envoyer... Deux humains.
- Mais devant nos mines déçues, Blaise insiste :
- Deux humains, mais vous vous rendez compte !
- Je me rends compte que ça va perturber un équilibre délicat, notai-je.
- Ils auraient pu envoyer qu'un homme, pourquoi deux ? Précise Gaëlle.
- Ils te connaissent, un seul, le pauvre, la taquine Claudie.
- Vu l'apparence de légume de Mémère, même deux c'est peu, ajoute Isabelle.
- Oooh Isabelle ! Laisse échapper Muriel, sourcils froncés.
- Bien quoi, Insiste l'ingénue.
- ... Je retourne voir l'état du légume pendant que tu déjeunes, je préfère ne pas en entendre plus.
- Je viens avec toi, s'empresse Gaëlle.
Alors que nous descendons rejoindre Mémère, toujours couchée là où nous l'avons laissée, Gaëlle s'inquiète :
- Je n'ai rien dit devant Muriel, mais si l'état mental de ceux qu'ils veulent nous expédier est atteint, s'ils sont devenus fous, agressifs ou bien des légumes comme le dit Isabelle...
- Si ce sont des légumes, il y a l'euthanasie, lance froidement Claudie, en arrivant sur nos talons. Allez savoir pourquoi, Claudie s'applique à ne jamais me laisser seul avec Gaëlle.
- Mais je ne pourrais jamais faire ça, s'inquiète soudain l'infirmière du bord.
- Pas de problème pour moi, insiste Claudie avec une détermination qui fait froid dans le dos.
- Tu ne peux même pas tuer un poisson, proteste Gaëlle.
- Ce n'est pas pareil, le poisson ne m'a rien fait, ne peut rien me faire. Nous sommes en condition de survie ; depuis notre deuxième transfert, nous vivons à 85% sur les stocks de Grotesque. Nourrir deux personnes inutiles à la survie du groupe mais qui, au contraire, hypothéqueraient nos chances... Je ne suis pas d'accord !
- Et bien, heureusement que ta vue est en grande partie revenue, sinon couics, me lance Gaëlle en accompagnant son propos d'un geste évocateur.
- Arrête tes bêtises ou je te botte les fesses, menace Claudie.
- Oui Chef, rétorque Gaëlle au garde à vous.
- Tu vois, maintenant elle sait qui est la plus dangereuse de nous deux, plaisantai-je, avant d'ajouter à l'intention de Mémère :
- Alors, tu vois ce qui t'attend si ton cerveau a tourné en sauce blanche, ma pauvre Mémère !
- D'autant plus que ça bouffe un Léo, renchérit Gaëlle.
- Oui, mais ça peut chasser, garder, nous protéger, nous avertir..., plaide Claudie.
- En clair, un humain tu l'occis et un Léo tu le gardes, résume Gaëlle.
- Et si ce n'était qu'un piège ? Si les humains dont ils annoncent l'envoi n'étaient que des tueurs chargés de nous éliminer, m'alarmai-je.
- Tu regardes trop de films, tranche Claudie avant de se pencher sur une Mémère qui salue notre venue d'un faible battement de queue.
Devant le regard implorant de l'animal, Claudie ajoute :
- Comment peux tu tuer ça ?
- Elle a entendu ce que tu disais sur l'euthanasie et elle n'en mène pas large, insistai-je.
- Au moins, elle commence à réagir, note Gaëlle en auscultant la nouvelle venue qui lui flaire les mains.
- Apparemment, elle semble aussi affamée que Léo, remarquai-je.
- Oh mince ! Elle doit avoir faim et soif, lâche Claudie, avant de se précipiter vers l'échelle de Grotesque.
Mémère se laisse examiner par une Gaëlle, une nouvelle fois promue Vétérinaire du bord.
- Alors ? Questionnai-je en m'asseyant à côté d'une Mémère qui s'empresse de poser sa tête contre ma cuisse gauche, comme un chiot cherchant un contact rassurant.
- Tu vas avoir droit à une scène de jalousie, pronostique Gaëlle narquoise.
- De Claudie ?
- Non, de Léo !
- Tu vois, Mémère, à peine arrivée et déjà cause de tension, imagine avec deux humains ! Répliquai-je.
Nous nous perdons un instant dans nos pensées puis :
- Crois tu que Mémère, les graines ou les humains subiront la même aberration temporelle que nous ? Questionne à brûle pourpoint Gaëlle.
- Tu t'inquiètes pour la vitesse de la repousse des poils de Mémère ?
- S'ils subissent la même chose que nous, cela voudrait dire que les graines ne fourniraient une récolte que dans six ou trois ans au mieux, que Mémère et les humains vieilliront au même rythme que nous. Mais si ce n'est pas le cas, nous les verrons vieillir et disparaître si rapidement... Je ne supporterais pas.
- Nous pouvons toujours planter des graines et nous verrons... Tentai-je de moduler
- Voilà, je les laisse cinq minutes et lorsque je reviens, tu es en train de proposer de planter une graine à Gaëlle ! S'exclame Claudie.
- Ah la mauvaise foi ! Donne plutôt à manger à Mémère.
Claudie a sacrifié une des précieuses boîtes de pâtée pour chien et visiblement la réaction est positive. Après avoir dilaté ses narines, reniflé bruyamment, Mémère cherche à se redresser.
- Je ne vois pas pourquoi ils s'inquiètent pour son cerveau, visiblement cette race a un estomac à la place, plaisante Blaise qui nous surplombe depuis le pont.
Mémère, enfin redressée, s'empresse de tremper ses oreilles dans la gamelle, déjà vide, que lui tient Claudie.
- C'est même pas un estomac, c'est un trou noir, rectifiai-je.
Deux heures plus tard, après une sieste réparatrice, Mémère consent enfin à se lever et commence l'exploration de son nouveau territoire en compagnie d'un Léo, rassuré sur sa puissance de séduction.
Nous les suivons dans leur reconnaissance qui commence par le tour de Grotesque, Léo semblant commenté :
-"Voilà, c'est notre niche, grande solide mais maintenant immobile, ça rend triste Patrick. Patrick ? C'est le grand avec des poils sur le visage mais plus tellement sur la tête. Viens, viens par là, c'est amusant, c'est les poules mais on n'a pas le droit de manger..."
- Léo, ce sont mes poules ? Menace Blaise.
-"Tu vois, c'est interdit mais quelquefois ils oublient un œuf, c'est bon, mais Chut ! Ils écoutent. Viens, suis moi".
Léo et sa complice trottinent maintenant le long de l'ex plage puis ils s'arrêtent, humant le récif qui finit d'agoniser en dégageant une forte odeur de marée.
-"Là avant, il y avait plein d'eau salée avec des poissons. Ah, comme ils me manquent ces bons poissons à croquer, tout frétillants ! Mais là bas, derrière, plus loin, toute cette forêt a poussé en une nuit, la nuit où l'eau a disparu. Là bas, il y a plein de nourriture, je la sens mais Muriel et les autres hésitent encore à l'explorer, ils ne doivent pas sentir tout le gibier qui s'y trouve.
Mémère lance soudain un aboiement rauque en direction de la forêt.
- Vous avez entendu quelque chose ? S'inquiète Muriel.
- Je retourne chercher une arme, s'empresse Claudie.
C'est vrai, depuis notre deuxième transfert, si loin dans le passé, nous avons un peu trop tendance à nous croire seuls au monde et à manquer de prudence. En attendant le retour de Claudie, je laisse à nouveau libre cours à mon imagination : que peuvent ils bien essayer de se communiquer ? Ce Léo qui nous prend souvent pour le troupeau qu'il doit garder ou protéger, que peut-il bien essayer de transmettre en effectuant cette visite guidée ?
- Tu crois qu'il lui dit que nous sommes faibles et apeurés sans un morceau de métal dans la main ? Me demande Blaise.
- Ou que nous sommes incapables de chasser comme lui, renchérit Isabelle.
- Oh, Oh ! Ce n'est qu'un animal, redescendez sur terre, tempère Blaise.
- Comme nous, un animal comme nous, insiste Muriel.
- Oui, mais nous, nous avons le cerveau et la main, si lui peut survivre, nous le pouvons aussi, mais il faudra se décider à aller chasser ou piéger dans la forêt, assène Gaëlle.
- Piéger ? Pauvres bêtes agonisantes des heures, s'émeut Claudie déjà de retour.
- Et si on déléguait la chasse à Monsieur et Missise Léo ? Propose Isabelle.
A voir le regard échangé par les deux chiens, on pourrait interpréter cela par :
-"Tu vois, je te l'avais bien dit, ce ne sont pas des chasseurs, il va falloir leur mâcher le travail. Viens voir la piscine, c'est un trou plein d'eau chaude et de bulles qui les rend joyeux. D'ailleurs, moi aussi, j'aime jouer avec Isabelle, c'est la toute petite, les autres l'appellent Moustique quelquefois. Allez suis moi..."
- Il fait le mac, note Blaise que la cocasserie de cette visite à la queue leu leu derrière Léo amuse.
- Moi, je suis d'accord avec Léo, je vote pour un bain, insiste Isabelle en levant la main droite, vite imiter par Gaëlle, Muriel...
- On ne va pas y couper, mon estomac me disait pourtant que l'on approchait de midi, me lamentai-je.
- Tu vas devenir comme ton chien ? Ne penser qu'à manger, s'insurge Claudie.
- Vous ne trouvez pas que j'ai maigri ? Continuai-je.
- On a tous maigri... Même Muriel, confirme Blaise.
- Ah bien ! Merci pour le "même", le tance sa femme avant de le pousser dans l'eau et les bulles.
Comme à chaque fois, la piscine a le même effet sur nous, nous renvoyant immanquablement vers le plaisir, presque enfantin de barboter...
Après une bonne heure passée à des jeux d'eau, j'entends avec soulagement Muriel confirmer :
- Tu as raison Patrick, il fait faim.
Et c'est enfin le signal du retour vers Grotesque et sa cambuse encore garnie. Gaëlle et Muriel enfilent les vêtements qu'elles ont, une fois de plus, épargnés de la baignade.

Depuis dix jours, nous attendons, en vain, l'arrivée annoncée des deux humains.
Hésitant à nous éloigner de Grotesque, nous n'avons fait que de très brèves excursions dans la forêt, restant bien souvent en lisière pour ne pas perdre de vue la plage et le point précis où sont apparues les graines et Mémère. Une partie de ces graines germent actuellement dans la timonerie transformée, comme je le craignais, en serre.
Mémère a, quand à elle, un comportement normal pour un chien, si ce n'est que quelques absences d'à peine une minute pendant lesquelles elle reste plantée la truffe au vent, les yeux vides comme si elle humait un "ailleurs" qu'elle seule pouvait deviner. Lassés d'attendre nous avons décidé, aujourd'hui, de faire une expédition "noix et mures". Il y a cinq jours, nous avons surpris Léo et Mémère qui, délicatement du bout des dents, cueillaient les petits fruits. Comme ils n'ont pas eu de réactions, nous avons décrété qu'ils s'agissait bien de baies comestibles et aujourd'hui au programme : cueillette.
- Quand même, un chien qui cueille des fruits, c'est étrange, constate Blaise.
- Léo, ce n'est rien ; les parents de Patrick ont un chien qui cueille les prunes des branches basses, les fraises, qui égraine les grappes de raisin , précise Claudie.
- Le chien idéal pour survivre en somme, note Muriel.
- Nous n'avons plus qu'à faire comme lui : manger tout ce qui est comestible.
Une demie heure que nous cueillons ces petits fruits violacés à mi chemin entre les mures et les framboises mais aucun d'entre nous n'a encore osé en goûter un seul.
- Bon, je commence, amorce soudain Gaëlle en portant quelques fruits à sa bouche.
- Alors ? Questionne aussitôt la gourmande Muriel.-
- Hum... sucré, incroyablement sucré... Si je n'ai pas de symptômes d'ici ce soir, on vient de trouver un dessert parfait, précise Gaëlle.
- J'en ai les papilles qui s'affolent, tu es sure qu'il faille attendre ? S'impatiente Muriel.
- Vaut peut être mieux... Il n'y a qu'une pelle pour faire des trous dans le sable, lance Blaise lugubre.
- Ca m'étonnerais, rétorque en souriant Gaëlle.
- Superbe le sourire, on dirait la version en mauve du sourire d'une vieille vietnamienne chiqueuse de bétel, commente Claudie.
- M'en fou, c'est bon... Et puis je n'ai pas à plaire, ajoute Gaëlle.
- Mais tu nous plais, même en technicolors : les lèvres, la langue et les dents mauves.
- Cela aurait dû être à moi de goûter ces mures, insiste Muriel.
- Les gars, les sacs en plastique écrasent les fruits, les bassines ne sont pas pratiques à porter. Il va falloir nous tresser des beaux paniers bien ronds, demande Claudie.
- Nous voilà promus tresseurs de panier, voleurs de poules, plaisantai-je.
Mais on ne plaisante pas avec les poules, pas ici, pas maintenant.
- Stop ! Les poules c'est sacré, assène Blaise, le protecteur de ces dames.
- De toute façon, ça ne sert à rien d'en cueillir plus, nous n'allons pas sacrifier notre sucre pour les confitures et notre énergie est trop précieuse pour de trop longues cuissons. Alors Stop ! Décide à regret Claudie.
Comme si Claudie en avait donné le signal, nous entendons nettement le claquement sec d'un arc électrique. Seule, Mémère réagit immédiatement en s'enfuyant ventre à terre vers la forêt, au grand désespoir de Léo.
- Mémère, ici ! S'égosille aussitôt Muriel.
Le regard échangé avec Blaise me confirme que lui aussi vient de réaliser ce que ce bruit signifiait.
- Ben ça y est ! Ils ont osé, laisse t-il échapper mi inquiet, mi excité.
A l'Est, tout au bout de la plage, deux silhouettes diaphanes viennent d'apparaître, minuscules vues d'ici. Le groupe hésite, tiraillé entre la curiosité et l'appréhension et aussi entre deux choix : rechercher Mémère dans les préhistoriques bois ou courir vers ces humains du 21e siècle. Notre tribu se déchire en deux : Isabelle, Muriel, Claudie et Léo se précipitent à la poursuite de la fugitive alors que Blaise, Gaëlle et moi-même, nous nous ruons vers l'apparition. Je jette seulement quelques mots vers les autres :
- Restez en lisière, dans une demie heure, vous rentrez, Mémère ou pas !
Ce à quoi Claudie répond curieusement par :
- Gaëlle, deux hommes pour toi toute seule, alors heureuse ?
- Ce ne sont plus des hommes mais des maris, lui répond cette dernière en riant.
- Ah ben merci ! Grommelle Blaise, si j'avais le temps, je te botterais les fesses, menace t-il.
- Il faudrait déjà me rattraper !
Le poids, même si ce n'est plus celui des kilos superflus, mais celui des ans, irrémédiablement nous condamne à la suivre.
Entre deux bruyantes inspirations, Blaise souriant, parvient à me glisser :
- Finalement, la suivre cela a du bon.
En suivant son regard, je ne fais que confirmer.
- Je vous entends les pépervers !
- Avec un T, insiste Blaise.
- Ah, ah, ah ! Blaise, tu n'arrêtes jamais.
Je réalise soudain que nous sommes en train de nous précipiter vers ce qui est peut être deux tueurs chargés de nous éliminer, sans armes, sans Léo.
- Nous n'avons qu'un couteau.
- Ralentis, implore Blaise.
Arrivés à environ 150 mètres de ceux que nous considérons comme des ennemis potentiels ou pour le moins comme des intrus, nous essayons de deviner leur aspect en continuant au pas.
- Ils ont l'air nus, nous confirme Gaëlle, ils nous tournent le dos.
- C'est pour ne pas dépareiller avec Mémère, ironisai-je. Peut être, devrions nous les contourner par la piscine pour aller à bord s'armer, proposai-je.
Nous nous enfonçons donc dans l'intérieur de l'ex îlot Est.
- Restons près de la lisière pour les observer au passage, insiste Blaise curieux.
Arrivés à une trentaine de mètres des humains, nous stoppons à l'abri de la végétation pour détailler les nouveaux arrivants qui restent toujours debout et immobiles : statues de chair.
- Pour trouver deux rouquins, Perkins l'a fait exprès ? S’étonne Gaëlle.
- Si Muriel était là, elle dirait : "qu'ils sont maigres les pauvres ! Plaisante Blaise.
- A mon avis, inutile de passer par Grotesque pour s'armer, ces deux là ont l'air congelé ! Précise Gaëlle.
- Tu crois ?
- Regarde, ils sont livides, presque bleus insiste t-elle.

" Seuls les paranoïaques survivent "
11-12-2015 à 18:34:42
- C'est dégueulasse, ils sont envoyé des cadavres pour faire leur mise au point, s'insurge Blaise en se redressant.
- Et qui va encore suer sang et eau avec la pelle… ? Pronostiquai-je en lui emboîtant le pas vers nos deux statues glacées.
- Maigres, musclés, longilignes, et une femme à gauche, résume Gaëlle en s’approchant.
- Tu crois ? Demande Blaise, septique dont l’œil aussi acéré qu’entraîné n’a pas décelé de différences entre les deux silhouettes. Mais en contournant nos deux arrivants, il ne peut que concéder :
- Ah ! Effectivement, il y a comme une différence.
- Moi, j’en vois plusieurs, rectifiai-je.
- Ah, léger, léger, commente Gaëlle.
- Non, je veux dire qu’elle a des seins, très menus, certes, alors que lui, il a …
- Eh oui ! Hélas congelés, feint de se lamenter Gaëlle.
- Deux jeunes gens, sacrifiés pour une expérience, faut-il qu’ils soient désespérés ! Ils se ressemblent étrangement. Si ce n'était le sexe, je jurerais qu'il s'agit de vrais jumeaux, commente pensif Blaise.
- Des clones, Tu crois ? Des clones dont on aurait juste différencié le sexe, tu penses cela faisable? M'étonnai-je.
- Les hommes sont capables de toutes les folies... si ce n'était pas un couple... Comme c'est dommage, s'attriste Gaëlle sans que l'on sache si c'est le partenaire potentiel perdu qui l'ennuie
Nous sommes à un mètre, n'osons nous approcher plus et nous observons ces deux malheureux venus mourir si loin dans leur passé.
- Pourquoi roux ? Crois tu que les gênes des roux supportent mieux le transfert ? Mémère est rousse aussi, non ?
Blaise semble se parler à lui-même faisant les questions et les réponses.
- A moins que le transfert ne rende roux, enfin le transfert effectué par Perkins.
J’observe ces visages, nez fins, pommettes marquées, les yeux du même bleu lumineux avec des zébrures bleues marines… Je me sens attirer par ce bleu comme par un océan dans lequel on voudrait s’immerger. Une angoisse m’envahit, l’angoisse subie par ces jeunes plongeant vers l’inconnue, le mystère, la mort ?!
- Les yeux Gaëlle ! Les yeux ne devraient-ils pas être voilés, morts, ternes ?
- Tu sais, ils sont morts il y a 15 000 ans ou 5 minutes et congelés en plus, alors le normal là dedans !
Néanmoins, par acquis de conscience professionnelle elle pose deux doigts contre la carotide du très jeune homme.
- Ils ont quel age ?
- Moins de 20 ans, c’est sûr, 18, 17 mais pourquoi si maigres, me répond Blaise en contournant les adolescents.
- Incroyable !
Gaëlle vient lire, eux aussi sont scarifiés.
- Gaëlle !
- Euh, attendez… Attendez !
La gravité de sa voix nous alarme et c’est une Gaëlle livide qui nous annonce :
- Je crois, je crois avoir senti un battement… Mais mes mains tremblent tellement, je suis sure de rien.
- Si c’est une blague, tu vas la sentir passer, menaçai-je.
- Tu as déjà vu une dinde congelée avoir un battement de cœur ? S’emporte Blaise.
- Merci pour elle ! S’enflamme le MLF qui nous rejoint en la personne de Claudie.
- Et les autres, m’inquiétai-je.
- Cherchent toujours Mémère. Désolée je sais, manque d’autorité du Capitaine sans doute.
- Un Capitaine sans bateau…
- Chut ! Intime Gaëlle, l’oreille collée contre le buste glacé de l’adolescent.
- Bon, Blaise vérifie, intimai-je.
Chacun de nous plaque deux doigts sur la carotide d’une des victimes… Je ne sais pas si c’est la fraîcheur de la peau qui engourdit mes doigts, mais lorsque un premier tressaillement parvient jusqu’à mon cerveau, je pense avoir tremblé au deuxième. Cinq larges secondes plus tard, je ne crois pas cela possible. Le regarde Blaise trahit la même incompréhension.
- Ce n’est pas possible ! C’est pas possible, marmonne t-il.
- Merde, on perd du temps, Gaëlle va chercher ta panoplie vite ! Intimai-je.
- Un fantasme d’infirmière ? Tente de plaisanter Claudie.
Mais devant nos têtes catastrophées, elle comprend immédiatement.
- Quoi ! Ces blocs de glace vivent ?!
Nous ne pouvons qu’acquiescer d’un hochement de tête. Ces deux êtres qui, sous la chaleur du soleil, dégagent une légère brume, ces deux êtres vivent pour l’instant.
- Mon Dieu, comment est-ce possible ?
- Touche les, ils sont froids mais pas gelés, précise Blaise.
Les chairs sont fermes et froides, mais pas gelées et je me remémore l’histoire d’une norvégienne ayant chuté dans une crevasse, tombée dans une hypothermie, qui avait pu être sauvée sans séquelles.
- Merde, merde, merde ! On a perdu du temps… Culpabilise Blaise.
Ces transferts que nous étions prêts à occire sans coup férir s’ils bougeaient un sourcil, à les savoir encore vivants, nous voulons déjà les sauver à tout prix sans les connaître, sans rien savoir d’eux. Sont-ils déjà un danger ? La question n’est plus là, ce sont nos congénères et seule compte leur survie. Curieux âme humaine qui peut nous faire basculer en un instant du pire au meilleur ou le plus souvent, hélas, du meilleur au pire.
- Claudie, va aider Gaëlle ! Heu, des couvertures, des duvets… Corne pour rappeler Muriel et Moustique. Léo n’est pas avec toi ? Vite, nous, on les couche, lance frénétiquement Blaise.
- Ca ne va pas les casser ?
- Et une loupe, c’est peut être le mode d’emploi qu’ils ont scarifié dans le dos ! Précisai-je.
- Allez, allez on les couches !
- Non, non on va attendre de lire ce qu’ils ont dans le dos. Si Perkins avez voulu qu’ils soient couchés, il les aurait expédiés couchés, non ? Tempérai-je avant de me perdre à nouveau dans ces regards si bleus.
- Un bleu comme ça, ça ne me semble pas naturel, conclut Blaise.
Me tournant vers la femme, je suis happée par ses iris et je me perds dans ce regard qui semble désespérément s’accrocher à nous, hurlant sa peur !
- Ils ont peur ! Ils nous entendent, M’exclamai-je.
- Tu crois ? Doute Blaise.
La plainte déchirante de la corne de brume nous fait sursauter, lugubre et anachronique dans l’air paisible de cette préhistoire.
- Faudrait pas que cela leur fasse rater un battement déjà qu’ils n’en ont pas beaucoup, tente de plaisanter Blaise.
Nous nous empressons à la recherche d’un pouls…
- Quatorze battements à la minute, notai-je en quittant ma montre du regard.
A nouveau, nous sommes piégés par ces yeux, incroyablement beaux et terrifiés.
- Il faudrait aller aider Claudie et Gaëlle, remarquai-je.
- Oui, oui, est la seule réaction d’un Blaise hypnotisé.
- Bon, on vous laisse cinq minutes, on revient tout de suite…
Dur de parler à un mur de glace avec seulement deux yeux bien vivants, mais qui ne cillent pas.
Je rejoins Claudie et Gaëlle au pied de l’échelle.
- C’est un vrai déménagement ! M’exclamai-je.
Et c’est au petit trot chargé comme des bêtes de somme que nous revenons vers Blaise et les arrivants.
- Elle pleure, nous annonce t-il, ému.
- Moi, je dirais qu’elle décongèle, précise Claudie plus terre à terre.
- Quatre respirations à la minute, constate Gaëlle en essuyant le miroir embué.
Pourtant, on n’aperçoit aucun mouvement de poitrine ou de ventre.
- Ce n’est pas viable… Insiste Gaëlle.
Blaise lui coupe la parole d’une mimique expressive en roulant de gros yeux.
- Quoi ?
- Ils entendent tout, ils comprennent, ils sont comme…. Comme tu sais, ceux qui sont enfermés dans leur corps, qui sont conscients de tout mais ne peuvent plus bouger, précise t-il.
- Mais c’est irréversible, me murmure une Gaëlle effondrée, imaginant sans doute Claudie en train de résoudre le problème à sa manière.
Claudie, pour l’instant, s’empresse de faire un lit provisoire à même le sol sur l’ébauche duquel se jette une masse rousse et poilue surgie de nulle part.
- Voilà les bonnes habitudes que tu donnes à ton chien, remarquai-je en sortant une couverture de survie de son étui.
- 21°, annonce Gaëlle d’une voix désespérée avant d’ajouter :
- Normalement, ils devraient être…
- Allongés ? L’interrompt vivement Blaise.
- … ? Oui, allongeons les dès que ce chien fou aura libéré la place, achevai-je.
- Léo, pas de familiarités ! Retire ta truffe froide, tu trouves qu’ils ne sont pas assez glacés peut être, ordonne Claudie à un Léo qui, comme à son habitude, a une truffe exploratrice. C’est qu’il n’est pas habitué à la bonne odeur du savon, si vous voyez ce que je veux dire les hommes ! Nous culpabilise Claudie.
Feignant de nous flairer les aisselles, nous commentons :
- Non, non, ça ne sent rien. D’ailleurs, vous les rouquins, vous ne trouvez pas que l’on sent la préhistoire, non ?a Ah tu vois ! Ils ne disent rien ; qui ne dit rien consent, précise Blaise.
- Blaise, ce n’est pas le moment ! Est-ce que tu te rends réellement compte de la situation ? S’énerve Gaëlle.
Moi, je connais mon Blaise. Les blagues débiles de potaches, c’est sa manière de se protéger du stress, de la peur, de la panique qui je suis sur, le gagne en voyant ces jeunes lui claquer dans les mains.
- Il sait, rassurai-je en couvrant l’un après autre nos arrivants des couvertures.
- Ca y est, couchons les, propose Claudie.
- Attend, attend je lis tempère Blaise de dessous les couvertures.
- Tu me surprends, je ne te croyais pas de ce genre la…
- Ah, très drôle !
-L’équipe de Perkins nous prévient : … ils ne peuvent plus attendre, ils tentent le transfert… ne pourront plus… ont fait maigrir pour le transfert… chaque kilo, énergie, refroidissement….
- Tu lis en diagonale ?
- Je voudrais bien vous y voir, … risque forte hypothermie, réchauffer, soutenir avec Bluocozyl… perfusion glucose…réchauffement très progressif… Bla, bla…. Bonne chance, God Bless you !
- Il les a plutôt blessés que bless, ironisai-je.
- Bluocorzyl ? Questionne Blaise.
- Nous avons l’équivalent, rassure Gaëlle avant de demander à Claudie :
- Perfusions
- Oui, mais de quoi ? C’est notre copain toubib qui a tout préparé.
- Je vais les chercher, proposai-je lâchement pressé d’échapper à l’ambiance d’hôpital.
- On les allonge avant, intime Blaise.
- Ah, maintenant on peut ?
- Ben, j’ai lu…
- Ca devait être dans Bla Bla sans doute.
- On commence par Paul, ajoute Blaise.
En chœur, nous commentons :
- Dans les Bla Bla !
Une fois Paul allongé, Gaëlle vérifie ses signes vitaux sans noter de changements et décrète :
- A l’autre maintenant !
-A Paule précise Blaise.
-La tu beugue Paul est déjà…
-Paule…articule t il fier de son effet.
-C’est louche ces clones qui ont le même prénom. décrétai-je en l’aidant à allongé Paule.
-Ah si ma femme…commence Blaise
-Qu’est ce quelle a ta femme ? nous fait sursauter Muriel enfin de retour
-Tu vois c’est pourtant simple, si tu veux la faire apparaître : parle d’elle.
- Z’ont pas l’air en forme, diagnostique Moustique avec une grimace.
- Et Mémère ? S’inquiète Claudie.
- Pfft ! Évaporée, répond Moustique, paumes levées vers le ciel.
- T’inquiète pas, elle est de taille à se défendre et Léo la retrouvera sans problème si elle ne revient pas d’elle-même avant, tentai-je de rassurer.
- L‘avantage ici et maintenant, c’est qu‘elle ne risque pas de se faire écraser par un camion, se faire ramasser par un laboratoire, finir en descente de lit ou en manteau pour dame…, énumère Blaise.
- Pour le manteau pour dame, vu ce qui lui reste de fourrure, se moque Moustique.
- Les gars, allez me chercher les perfusions et quelque chose pour les suspendre, nous intime Gaëlle.
Alors que nous revenons chargés de la masse, de deux chandeliers de la passerelle et deux petits cartons, Muriel s’émeut :
- Tu veux les nourrir avec de l’eau sucrée ? Mais ils n’ont déjà que la peau sur les os et vous n’en avez que deux !
- C’est tout ce que je suis prête à sacrifier pour l’instant. S’ils parlent, réagissent, on verra, tranche Claudie.
Avec Blaise, nous plantons les piquets et Gaëlle les aiguilles.
- Brrr, je ne pourrais pas faire ça, viser la grosse veine gonflée de sang et y pousser l’aiguille, me murmure Blaise.
- Ah les hommes ! Lance en chœur le trio infernal.
- On aurait dû les habiller avant de les brancher, même sous les couvertures, il y aura un courant d’air, note Claudie.
- Qu’es tu prête à sacrifier comme vêtement, l’attaque Gaëlle.
Ou là, là ! Avec Blaise, on se regarde et l’on rentre la tête dans les épaules. Connaissant Claudie, nous craignons le pire…
- Les combinaisons polaires, siffle Claudie.
- On y va s’empresse Blaise, en espérant nous épargner l’ambiance «  barricade», soudain apparue.  »
Mais Isabelle s’est déjà élancée en criant :
- Je sais où elles sont !
- Ils ne se réchaufferont pas tous seuls. Si seulement nous avions comme une dialyse, nous aurions pu doucement réchauffer leur sang.
- Maintenant, nous n’avons que le soleil et nous, murmure Blaise.
- Mettons la couverture sombre dessus, propose Muriel.
- Finalement, est-ce une bonne chose de les couvrir ? On isole plutôt leur fraîcheur des rayons du soleil les empêchant de se réchauffer, doutai-je tout à coup.
Nous sommes perplexes ne sachant plus qu’elle est la bonne solution : les protéger de l’air frais en les isolant des rayons bienfaiteurs ou les exposer à la douce énergie solaire en les laissant à l’air frais.
- Et les bouillottes ! Propose tout à coup Claudie.
- Tu as des bouillottes ? Se moque Muriel.
- Ben oui, pour réchauffer le lit en Norvège.
- Les bonnets, bien sur les bonnets ! M’exclamai-je en ayant fait suite à une association : bouillottes/polaires.
Je cours vers Grotesque en croisant Isabelle étonnée, aux bras chargés de polaires.
A mon retour, le trio infernal est en train d’enfiler à Paul une combinaison polaire sans pour autant nous priver de commentaires imagés :
- D’habitude, je les déshabille, regrette Gaëlle.
- Je ne me rappelais pas que le froid avait un tel pouvoir … réducteur.
Fou rire cruel de ces dames.
- On ne peut pas les laisser seules cinq minutes que déjà elles s’acharnent sur toi, marmonnai je à l’intention de Paul en lui enfilant une cagoule polaire, avant d’ajouter à Paule, son clone, sa jumelle :
- Et toi, tu aurais dû garder les cheveux plus longs au lieu de cette coupe de légionnaire; quand même pour une femme, non ?

" Seuls les paranoïaques survivent "
11-12-2015 à 18:38:19
Bon la on arrive pas loin de ce qui a été mis "au propre" sur l'ordi , après cela va etre plus long : une partie est sur un deuxieme gros cahier ,les plus grosses fautes rectifiées par ma femme et le reste sur des feuilles volantes sur lesquelles j'ai "déliré"...Donc il faut tout relire et taper avec 2 neurones et deux doigts

" Seuls les paranoïaques survivent "
11-12-2015 à 23:12:18
bon courage ! mais tarde pas trop! j'suis accroc a ma petite lecture du soir moi maintenant ...
12-12-2015 à 14:05:45
Et si il n'y avait pas de ...fin !?

" Seuls les paranoïaques survivent "
12-12-2015 à 18:24:45
- Tu sais, Patrick, avec l’élégante cagoule dont tu l’affubles, cheveux ou pas, remarque justement Blaise.
- Vous voulez l’habiller ? Questionne Gaëlle.
- Que nenni, on nous affuble déjà de qualificatifs déplacés tel que pépèvers, alors non, Madame, sans façon, nous ne prêterons point le flanc à la critique, répond Blaise en se détournant.
- Curieux… Commence Muriel en commençant l’habillage de Paule.
- Quoi, ce n’est pas une femme, mais seulement un homme qui a beaucoup beaucoup plus froid ? Plaisante Blaise.
- Arrête ! Non, ils sont si ressemblants, ils me font penser à des androïdes, achève Muriel.
- Alors, je te rassure Chérie, même plus de 80 ans après notre départ, il est toujours impossible de réaliser ce genre de prouesses de sciences fictions. Ce sont bien des humains de sang et de …
- D’os, parce que les chairs, on dirait des tops modèles anorexiques, le coupe sa dulcinée.
- C’est presque un pléonasme : top modèle anorexique, remarque Claudie.
- Arrêtez de plaisanter, ils sont mourants et vous… Commence Moustique.
- Premièrement Moustique, ils nous entendent probablement, ils sont juste un peu gelés mais pas encore refroidis et regarde, ils ne sont pas mignons dans leur polaire ? Rectifie Blaise.
- on dirait des petits frères de Peter Pan dans leur babygros, concède Muriel, attendrie, avant d’ajouter en se glissant entre les deux :
- Bon, je m’y colle, je ne sais pas si ça servira à quelque chose mais j’aurais l’impression d’être utile . Brr, ils sont froids, même à travers les polaires ; qui me remplacera ?
- Ne crois tu pas que les bouillottes seraient plus efficaces ? Questionnai-je.
- Les bouillottes refroidissent, moi pas, pas encore ! Affirme péremptoire Muriel.
- Le problème, c’est qu’il faudrait les réchauffer de l’intérieur vers l’extérieur, si l’on fait l’inverse, le sang va affluer vers la peau au lieu d’assurer la survie en irriguant les centres vitaux. Sans équipement, je ne vois pas, pense à haute voix Gaëlle.
- A moins de leur faire avaler un fer à souder, moi non plus, renchérit Blaise.
A regarder ces corps inertes pour lesquels on ne peut rien faire de plus, nous nous sentons terriblement loin, petits et impuissants.
- On fait le 18 et on demande un hélico ?!
L’humour grinçant de Blaise résume assez la bien notre désarroi d’homme moderne, trop loin de sa base.
- Alors bouillotte ou pas ? Demande Claudie à une Gaëlle hésitante.
- Peut être pas très chaudes, en guise d’oreiller, je ne sais pas, concède t-elle finalement.
- Et si on prend leur nuque dans nos mains ? Propose Moustique en joignant le geste à la parole vite imité par Blaise qui se défend aussitôt en précisant :
- Juste pour me sentir utile, au cas ou…
Un fou rire idiot s’empare de moi, à tous les voir ainsi, les deux rouquins leurs têtes encagoulées de polaire posées au creux des mains d’Isabelle et de Blaise, agenouillés contre leurs épaules ; alors qu’allongée entre les deux, yeux mi clos, Muriel semble chercher l’inspiration lui permettant tel un sage de faire fondre la neige e qu’il l’entoure par la seule force de sa pensée.
- Désolé…, désolé, tentai-je de m’excuser.
- Au lieu de te moquer, prends leur la main, parle leur, m’apostrophe Muriel.
- Pour dire quoi ?!
- Raconte notre histoire depuis Port St Louis du Rhône, propose Claudie.
- Moi, je connais pas mal d’histoires belges, commence Blaise.
- Non ! Ton humour est si lourd, ça pourrait les tuer, assène Muriel.
- Comme chaufferette, je suis bon, mais c’est tout, à merci ! Je boude, se renfrogne Blaise.
Alors que Gaëlle vérifie les perfusions, les pouls et les températures (à peu près les seules chose que nous puissions faire pour eux), Claudie devant l’absence de décisions, décrète qu’elle va préparer les bouillottes …et à manger. Pour ma part, il ne me reste plus qu’à m’exécuter :
- Bon vous devez déjà connaître notre histoire grâce au CD retrouvé par Perkins, Maintenant, je vais vous offrir la VO avec les blagues de Blaise, nos peurs, nos angoisses. Nous avons quitté la France il y a ???? mois, euh non, il y a 15 000 ans, mais ces ?????? mois pour nous représentent six fois moins…
-T’es pas clair du tout, du tout, m’interrompt Isabelle.
- Une histoire belge ?
- Passe les détails.
- Nous sommes partis de France, il y a moins de… Le bateau heurtait la roche…
- Tu parles encore, tu n’as pas soif, m’interpelle Claudie à son retour, une heure plus tard, chargée du repas et des deux bouillottes destinées à remplacer les mains des deux «  chaufferettes ».
- J’ai moins froid aux mains, mais au début, sa nuque me semblait de glace, confesse Isabelle en substituant la bouillotte de grand-mère à ses mains trop petites sous la tête de Paul.
- Je remarque Pépère que tu as chauffé Paule, se moque Gaëlle en libérant Blaise de son rôle de radiateur.
- Tu vois ! Si on l’avait habillée, on en aurait entendu pendant des mois ! Remarque presque triomphant Blaise.
- Elle a souri, s’exclame Moustique.
- Gaëlle ?!
- Elle n’a pas d’humour, tranche Blaise.

- Non, le clone, enfin Paule !
Devant le visage inerte aux yeux étrangement lumineux, Moustique insiste presque au bord des larmes de ne pas être crue.
- Je vous assure, elle m’a souri… un peu.
- Une femme qui aime mon humour ? S’enflamme Blaise penché vers le visage impassible, scrutant en vain les traits fins de Paule.
- Tu vois, tu les lasses très vite, lui assène sa femme.
Faisant fi de la remarque, Blaise ajoute :
- Ils n’ont pourtant pas du tout des peaux de roux, vous croyez que le froid roussit ?
- température : 30° et pouls 32 ! S’exclame Gaëlle.
- Tu vois mes blagues réchauffent les cœurs, ajoute Blaise.
- C’est absolument anormal, avec cette courbe dans trois heures ils seront dans les normes continue Gaëlle incrédule.
- Comme s’ils étaient programmés pour se réchauffer ? Des androïdes, insiste inquiète Muriel.
- Chérie, tu es dans la réalité, pas au cinéma, lui rappelle Blaise.
- Tu as le culot d’appeler Ca ! La réalité ! Je te précise que nous sommes quand même, à la louche, 15 000 ans AVANT notre naissance, que… S’énerve Muriel.
- …Ouais bon, bon, notre réalité est un peu bizarre, tente en vain de transiger Blaise devant le courroux de sa dulcinée.
Je viens à son secours en demandant :
- Pensez vous que l’équipe de Blaise Perkins leurs ait fait ingurgiter un cocktail sensé réagir après leur transfert ?
- Ca semblerait logique mais le contenu de leur estomac est il sensé être «vivant » pour franchir le mur du transfert ? Doute Claudie.
- Les graines ont réussi le passage, pourquoi pas un super cocktail vitaminé ? Propose Blaise.
- Ca expliquerait en partie et pour moi et Moustique, le contenu de nos estomacs a suivi alors que nos plombages…
Blaise interrompt Gaëlle.
- En 80 ans, la médecine a sans doute beaucoup progressé…
- Oui, mais ma faim aussi, déclarai-je en attaquant les victuailles ramenées par Claudie.
Nos estomacs, prenant le commandement, la demie heure suivante n’est ponctuée que par quelques onomatopées et d’un contentieux bruit de mandibules méticuleuses mastiquant la moindre miette...
Clac, clac, clac.
Nous avalons tous de travers! Ce bruit de castagnettes nous a foutu une peur bleue.
- Merde, c’est Paul ! S’exclame Muriel en abandonnant son assiette pour se ruer au chevet du rouquin
- C’est la première fois que je vois Muriel laisser quelque chose dans une assiette, me glisse Blaise en se levant à son tour.
C’est bien les dents de Paul qui s’entrechoquent si fort que tout son corps semble résonner. D’ailleurs, tout son corps tremble comme secoué par une terrible crise de palu. Gaëlle semble s’affoler jusqu’à ce qu’entre ses claquements de dents, Paul bredouille :

- Co… cool…old !
A partir de ça, Gaëlle s’affole réellement.
- Ce n’est pas possible pas déjà, … Il ne va pas résister !
- Il aurait dit «hoo ...oott» ???, je ne l’aurais pas cru, marmonne Blaise à mon intention se réfugiant toujours dans l’humour aux pires moments.
Mais dès que son regard croise celui de Paul et que ce dernier lui saisit la main, Blaise est happé par l’angoisse de Paul et dans un anglais presque aussi mauvais que le mien, avec le typique accent «  frenchy » il l’encourage, lui soutenant la tête hors de la mort froide qui l’agrippe de ses doigts glacés.
- Vas y Paul, résiste… Regarde moi, regarde moi, … Non ! Vas y, serre moi la main, serre Paul…
Les veines du cou de Paul se gonflent, palpitent, il donne l’impression de lever un poids bien trop lourd pour lui.
- Il va nous péter une durite ! Pronostique Claudie à mi voix, une Claudie fataliste, devant l’effort surhumain que semble produire Paul pour s’accrocher à Blaise, à la chaleur, à la vie…

" Seuls les paranoïaques survivent "
13-12-2015 à 13:45:19
Merd. !

En replongeant sur le deuxième cahier ...ok tout est déjà retranscrit sur l'ordi ...voyons le manuscrit sur les feuilles : Ah merde !
Il y a un trou d'une trentaine de pages.... on sait plus ou on les a mises (il faut dire après 11 ans ) donc soit je m'y recolle, j'ai encore la trame dans la tête , mais lorsque j'avais écris cela c'était tout les soirs quelques heures et finalement "tu es dedans ,tu pense à la suite tu imagine les réactions tu est vraiment dedans et la cela risque de pas etre facile de m'y remettre...
Soit les "fan's " vont me mettre

" Seuls les paranoïaques survivent "
13-12-2015 à 13:58:16
tiens une petite info si ...
une empreinte de chaussure fossilisé, juste 2 milions d'année ...
http://rustyjames.canalblog.com/archives/2009/04/29/13561111.html


il y avait un briquet aussi de 60 milions d'année, mais je trouve plus le lien ....

14-12-2015 à 09:23:56
Clac, clac, clac…
- Décidément, ce sont des vrais jumeaux, de vrais clones, s’exclame Muriel effrayée par le brusque réveil d’une Paule aussi mal en point que son compagnon.
Comme lui, elle accroche son plus proche voisin, en l’occurrence Claudie du même regard d’animal effrayé.
- Parle lui, conseillai-je à Claudie en m’approchant.
Déjà Paule s’agrippe à la main gauche de Claudie. Un malaise s’empare de moi ; les rouquins agissent comme des prédateurs, hypnotisent leur victime de leurs yeux superbes avant de saisir leur proie d’une main crochue… Brrr, quelle drôle d’idée.
Les pépites bleues (a voir cobalt), qui constellent l’iris bleue (à voir azur), une fois de plus opèrent leur magie. Je ne peux détacher mon regard de ces prunelles effrayées qui implorent de l’aide.
L’heure suivante se passe à serrer les mains et à éponger les fronts couverts d’une sueur glacée, sous le flot ininterrompu d’une litanie d’encouragements que semblent psalmodier Blaise et Claudie. Au bout de cette heure, après un dernier claquement de dent, Paul s’affaisse d’un coup.
- Il dort, nous rassure bien vite Gaëlle.
- J’aurais juré qu’il y était passé, murmure Muriel.
- S’ils continuent à s’imiter, elle aussi, ne devrait pas tarder … Note froidement Claudie.
Effectivement, moins de cinq minutes plus tard, après un dernier éclat apaisé dans le regard Paule s’endort à son tour.
- ce n’est pas sain, tout ça des vraies machines comme programmées à se copier… Soliloque Muriel inquiète.
Gaëlle confirme : assoupissement de la belle.
- Tout est normal, pouls, respiration, température… Et ce n’est pas normal, pas humainement possible…
- Pour ce que j’en ai vu, cela me semble tout ce qu’il y a d’humain et d’humaine, remarque Blaise de nouveau égrillard.
- Ca faisait longtemps… Note, désespérée Muriel.
- Ton humour est dangereux, tu as vu l’effet sur eux, renchérit Isabelle.
- Mouais,… Vous pourrez toujours titiller la zapette mais ça m’étonnerais beaucoup que vous trouviez une autre chaîne ou un autre programme par ici, lance Blaise avant de se détourner tel un génie incompris.
- Bon, on les laisse là… Commence Claudie, vite coupée par Muriel.
- Oh les pauvres ! Ce ne serait pas… chrétien, la nuit avec toutes les bêtes.
- La plus grosse que nous ayons vue, Léo l’a presque coupée en deux ! Tempère Blaise.
- Et le Christ n’est attendu que d’ici 13000 ans environ…
Il faut donc trouver un compromis entre Muriel qui veut presque céder sa couchette aux rouquins et Claudie qui les laisserai volontiers là où ils se trouvent jusqu’au lendemain matin. On décide donc de les transporter jusque sous l’étrave de Grotesque, Muriel tente une dernière enchère :
- Et sur le pont ?
Mais la remarque de Claudie : «Et s’ils sont dangereux ? », a vite raison de la dernière tentative de la «courageuse» Muriel.
Un campement fait d’un simple taud tendu depuis le pavois jusqu’au sable est vite érigé et une nouvelle fois, la porte de cabine sert de civière improvisée pour déplacer les rouquins jusqu’à leur nouvelle demeure.
- Heureusement,qu’ils ne sont pas gros, note Muriel.
A quatre, le plus dur est de synchroniser nos pas dans ce sable fuyant.
- La porte m’a paru plus lourde à porter seul ! Remarquai-je.
- Maintenant, il va falloir les engraisser.. C’est deux bouches de plus à bien nourrir et nos stocks diminuent, assène Claudie en regardant les rouquins maintenant allongés côte à côte sous la bienveillante étrave de Grotesque.
- Quand même, tu ne regrettes pas qu’ils s’en sortent ? S’offusque Muriel.
- Faut voir ! Est la seule, lapidaire, réponse de Claudie, sans parler des vêtements des chaussures, des dernières brosses à dent, du savon, des perf…
- Oui, mais aussi du sang neuf qui peut rendre notre groupe viable génétiquement parlant, plaide Gaëlle.
- Oh la, la ! Tu penses : peuplement alors que nous nous pensons simplement survie, tempère Blaise.
- Sans doute notre différence d’âge ! Se moque Gaëlle.
- Ne te moques pas trop du «pépervers» il pourrait te montrer ses qualités de repeuplement, la prévient Muriel.
- Chiche ! Lance Gaëlle avant de s’enfuir vers la «sécurité» du carré.
- Pour le moment, contentons nous de la survie, d’ailleurs Blaise, tu ne nous as pas donné les détails des scarifications, tempérai-je.
- De mémoire, en plus de ce que je vous ai déjà dit, Perkins précisait qu’ils étaient obligés d’abandonner la base pour le sous marin de BORGAN, qu’ils continueraient ses recherches jusqu’au bout, espérant un jour nous expédier de «l’inerte», du matériel (il y aurait les coordonnées)… et qui sait ? Un jour trouver le moyen de transférer le sous marin et son précieux contenus loin du chaos de l’apocalypse qui ravage actuellement la planète… Vous voyez : que des bonnes nouvelles de celles que l’on aime regarder, le ventre plein, confortablement assis dans son douillet salon le soir à 20 heures, conclut cynique Blaise.
- Finalement, notre situation ici, loin de tout avec pas grand chose, pour tous les terriens de 2084... Cela ressemblerait presque au paradis, relativise Claudie.
- Quand tu dis : «abandonne la base» tu parles d’Agusta ou d’ici ? Questionnai-je.
- D’ici, enfin d’ici dans environ 15000 ans ; les rouquins, s’ils se réveillent, devraient nous préciser les détails, me répond Blaise.
Claudie et Muriel rejoignent Gaëlle à bord, Léo, qui sent que l’heure du repas approche, hésite un instant mais l’instinct du gardien l’emporte sur le cri de l’estomac et il reste avec nous, allongé, la tête posée sur les pattes, les yeux fixés sur les dormeurs roux.
Notre rêverie (Blaise préfère le mot « méditation», ça fait tout de suite plus sérieux et moins fainéant, aime t-il à préciser), notre méditation donc est brusquement interrompue par Moustique.
- Alors, nous ne sommes pas dans un zoo ou une arche intergalactique !
- C’est évident… Commençai-je.
- Évident ? … et si tout cela n’était qu’un subterfuge, me coupe Blaise.
Avant que je puisse lui répondre un bruit de verre brisé nous parvient depuis l’intérieur de Grotesque, suivi d’un, lancé à notre intention :
- Dites les rêveurs ! Quand allez-vous vous décider à remettre Grotesque d’assiette… ? J’en ai marre d’avoir le beurre toujours du même côté de la poêle, poursuit Claudie.
- C’est ça, ne dites rien, renchérit Muriel.
- Nous méditons sur le problème, s’enhardit Blaise.
Le chœur des pleureuses lui répond :
- Méditez, mais vite !
Bon, c’est vrai lorsqu’il s’est échoué un peu brutalement lors du dernier transfert, Grotesque s’est mis assez nettement sur le cul.
- C’est vrai que, couché, on a un peu l’esprit du cul qui nous redescend dans la tête, remarque Blaise.
- Pour toi, ça ne change rien, pépervers, remarque sa dulcinée depuis le pont.
- Change de sens…, Intervient Moustique.
- Comment remettre d’aplomb une masse de 45Tonnes avec deux pelles à neige et six … Pardon, huit paires de bras ? Je me sens tout petit… et très fatigué, tout à coup.
- 45000 kilos,…,La pression au cm2..., sable mouillé, surface d’appui…, pente de …
La mon Blaise il est lancé, fini la méditation, la rêverie, maintenant il cogite. Je le laisse et tourne autour de Grotesque , mains au dos, observant le sable de l’ancien bassin qui nous servait à éviter avant de nous échouer sur la plage, le fond de cette cuvette est relativement plat. Il suffirait de reculer Grotesque de quelques mètres pour qu’il retrouve une assiette normale avec les winches et guindeaux du bord ; cela doit être possible, mais cela sera bien mieux sans les guindeaux, terriblement voraces en énergie, songeai-je.
En revenant vers Blaise :
- Ca doit le faire, lançai-je.
- Ca le fera, me confirme t-il.
- Et bien, dès demain, nous attaquerons ce problème, concluai-je.
- On pourrait attendre que les rouquins puissent nous aider, précise pragmatique Claudie.
Les rouquins, nous passons la soirée et la nuit à les veiller à tour de rôle en compagnie d’un Léo qui ne semble pas leur accorder la moindre confiance ; pour lui, c’est clair : ils ne font pas partie de sa meute.
Au petit matin, lorsque je viens relever une Gaëlle déboussolée, elle confirme le rétablissement aussi complet qu’anormal des rouquins.
- Je n’y comprends rien. Tous leurs paramètres sont normaux, ils ont eu un sommeil de bébé repu, à part quelques mots grommelés dans leur sommeil : RAS.
Léo, toujours présent redresse tout à coup la tête, flairant l’air en direction des dormeurs. Cette fois, c’est Paule qui est la première a bougé, repoussant le duvet que le soleil levant tiédit, elle se redresse sur les coudes, les yeux plissés le front barré de plis soucieux. Deux fentes cobalt semblent nous scanner. Puis finalement, elle questionne :
- Gaëlle je présume ? Dans un français tinté d’un fort accent d’outre Atlantique.
- Comment… ?
Mais Gaëlle ne va pas plus loin dans sa question, réalisant que ces deux rouquins, dont nous ne savons rien, qui naîtront dans 15000 ans, connaissent nécessairement tout de nous.
- Léo, aussi gras que je l’imaginais et
- Et… Patrick ? Poursuit Paule.
Ah quand même mon ego de mâle se rassure, elle a fini par remarquer ma présence
Mais elle poursuit aussitôt avec son accent américain :
- J’ai faim !
- Ca commence, s’exclame Claudie depuis le pont.
- Je prépare le ptit déj, enchaîne aussitôt Muriel.
Décidément, ce matin tout le monde semble être tombé du lit, enfin de la couchette.
Moins d’une demi-heure plus tard, Muriel joue les équilibristes avec un plateau surchargé.
- Vous pouvez m’aider au lieu de faire des paris.
Est-ce nos échanges ou le parfum du ptit déj, mais Paul s’éveille à son tour juste à temps pour attaquer le contenu du plateau.
Un curieux sentiment, malsain, m’envahie à regarder ces deux rouquins, peu bavards, dévorer NOS vivres.
Le regard de Claudie traduit la même préoccupation égoïste : la durée potentielle de nos stocks vient de diminuer brutalement de 25%.
Muriel, pour une fois, semble se désintéresser des contenus des assiettes pour scruter nos deux nouveaux compagnons.
Elle semble hésiter puis finalement questionne : :
-Etes vous des… ?
- Androïdes  ? L’interrompt Paul prouvant ainsi avoir saisi nos conversations durant sa ...décongélation .
- Non, non, ...des jumeaux achève Muriel.
- Oui et non lui répond Paule avant de poursuivre
- Pour les Américains nous sommes des «  Forged  », en réalité des 4G pour  : Genetic, Genius, Gemelle et Glass.
- …..  ???? Sont nos seuls commentaires

" Seuls les paranoïaques survivent "
18-12-2015 à 18:28:34
- Pour résumer nous sommes des jumeaux génétiquement modifiés avec un QI... supérieur , explique Paul
- Et le 4ème Glass ? S'informe Blaise.
- Notre conception, ainsi que la totalité de notre gestation a lieu dans... un... Hésite Paule
- Bocal !? L'aide Gaelle
- Oui...
- Ils sont devenus fous, des enfants dans … dans des bocaux ! Et la chaleur, la voix, les joies, les angoisses de la mère...Tout ce ressenti, ce partage...Dieu ne nous a pas concu pour ...CA !
Paul visiblement a reçu le « ça » comme une gifle, le bleu de ces yeux s'assombrit et il siffle plus qu'il n'articule :
- «  CA » c'est plus rapide, plus fort, plus intelligent que vous tous réunis !
- Devant un tel bouillonnement d'agressivité je crois déjà entendre Claudie manœuvrer une culasse...
- Mais visiblement pas plus calme ni plus modeste, réplique Moustique
Paule rit d'un rire forcé pour, me semble t il, désamorcer ce début d'affrontement, avant de préciser :
- Paul n'aime pas trop les Français qui nous surnomment, enfin qui nous surnommaient lorsque la France existait encore, les « Le Parfait ».
- Les Parfaits, rectifie Muriel.
- Non , les «Le Parfait» le nom d'une vieille marque de bocaux de conserve en verre...
- Parlez nous plutot de la terre à votre époque , quelle est la situation ? Questionnais je en diversion.
- Si nous voulions faire court : la civilisation est quasiment morte et la terre telle que vous la connaissiez agonise . Tout ce qui pouvait être utilisé pour s'autodétruire l'a été.
Le dernier sursaut Kamikase de nos adversaires a suscité une réplique totale et désespérée, des pays entiers sont quasiment vitrifiés...
Nous avons fini par «gagner »... pour tout perdre. Les poisons chimiques, biologiques et même simplement «mécaniques» continuent leur œuvre de mort bien après la «vaporisation» des fous qui les ont libérés...
- Mécaniques ? Poisons mécaniques ? S'étonne Blaise
- Par exemple, la recherche a créé une sorte de lichen noirâtre qui se développe très rapidement même par grand froid et qui essaime grâce à des spores... Comment expliquer... Imaginez vous avez une boite de chocolat en poudre très très fin, par drone vous saupoudrez un glacier. Le lendemain chacune des
«poussières de chocolat» a donné naissance à un lichen de la taille d'un ongle, en une semaine votre glacier est recouvert d'un linceul noir et sous ce noir il fond à toute vitesse. Le Kamikaze, le tueur peut être supprimé mais le glacier lui disparaît...
- L’humanité peut supporter la fonte d'un glacier, tempère Blaise.
- Mais tout, tout l'Arctique et L'Antarctique ont été ensemencés , la glace a quasiment disparu , le socle rocheux du Groenland soulagé de milliards de tonnes, des fractures se dessinent et des poches de gaz de … Je ne connais pas le nom en Français... Ce produit solidifié depuis des millions d'années au contact de l'eau de mer libère une quantité colossale de ce gaz à effet de serre... Qui vient s'ajouter aux 1700 milliards de tonnes déjà libéré par la fonte du permafrost Sibérien... La machine s'emballe, … l'humanité est agonisante et elle entraîne la terre dans sa chute.
- Donc Perkins vous a envoyé jusqu'ici, ou jusqu'à maintenant juste pour nous «remonter» le moral ? Plaisantais je
-Non ils auraient voulu nous renvoyer vers le début du 21ème siècle pour agir sur le passé proche et essayer, par des actions «battements d'ailes de papillon» d'éviter cet apocalypse. Mais il semble qu'il existe une cicatrice temporelle qui nous fait suivre vos traces.
Alors, si il nous est impossible de rectifier le 21 ème siècle, le 22 ème ne sera pas. Notre père, Borgan, pense que notre futur se trouve dans notre passé.
- En clair d'ici peu nous risquons d'être... envahis ,dans le passé par nos descendants, tente de résumer Blaise.
- Auparavant Perkins veut réussir à … expédier du solide, de l'inerte, du non vivant, de la matière. Ce (ou ceux) qui vous ont expédiés ici ont pu déplacer Grotesque. Perkins veut réussir la même chose...
- On peut s'attendre à voir s'échouer un cargo sur notre belle plage.. Songe à haute voix Gaelle.
- Non, pas un cargo mais le sous marin de notre père, précise Paul calmé.
- Déjà Grotesque est ridicule le ventre posé sur le sable au milieu des arbres mais alors un sous-marin ! m’exclamais je.
- Si au moins il était d'aplomb ! Précise Muriel.
- Le sous-marin ?! S’étonne Paule.
- Non «Grotesque» ! nous rappelle Claudie
- Promis chérie, dés demain nous nous attelons au problème ! S'empresse Blaise prudent...




Comme l'a, peut être imprudemment, promit Blaise hier, ce matin nous nous lançons dans l'opération :
«horizontalité».
Trois solutions s'offraient à nous :
- Relever le cul de «Grotesque»
- Creuser le sable sous l'avant du même «Grotesque» et laisser l'attraction terrestre faire la plus grande part du travail, en bon fainéant cette solution avait ma faveur.
Malheureusement pour moi, Blaise a su entraîner tout l'équipage vers la troisième solution .
Solution qui d'après lui peut être le premier pas d'un retour de Grotesque vers son élément naturel.
Je tente une dernière contre attaque :
- Tu te rends compte du poids de la «bête» et de la distance jusqu'à la mer ?
- Patrick j'ai tout vérifié ; d'ici, l'ex chenal est en pente douce mais régulière jusqu'à l'ex-passe entre l’île est et celle de l'ouest, puis la pente s'accentue vers ce qui est maintenant devenu l’estran. La distance ? Peut importe si il faut un an ou même deux... après cela , une fois Grotesque à flot, nous serons à nouveau capable de voyager !
C'est l'image de Grotesque tirant à nouveau mollement sur son mouillage qui finalement me fait craquer :
Bon , après la remise à l'horizontale nous voterons pour savoir si l'on continue ou pas, tranchais je.

" Seuls les paranoïaques survivent "
28-12-2015 à 18:13:12
Bon je confirme : la suite est perdue , sans doute partie avec mes bulletins de salaires et mes certificats de travail ou servi pour demarrer le feux croyant que tout été mis "au propre" !!
Donc ok l'histoire est toujours quelque part dans ma tête (mais la aussi c'est très mal rangé ...) mais le problème principal ..c'est que je ne suis plus dans l'histoire.
Même si depuis certaine situations nous ont amusé moi et ma femme : nous avons rencontré Muriel/Gaelle, notre chienne a exactement le caractère de Léo (et la même passion pour les poissons !!)...
Mais bon promis dès que j'ai recus vos dons ,je m'y remet

Non ça y est j'ai ressorti des feuilles blanches mis du bois dans le poêle ...et je me gratte le crâne

" Seuls les paranoïaques survivent "
29-12-2015 à 09:55:46
Bah c'est "Malin " ça on aimerais bien connaitre la Fin , et pas rester sur notre " Faim "

Allez , Hop ! , au Boulot

10-01-2016 à 11:25:28
Quatre jours ! Il a fallu quatre jours juste pour poser Grotesque sur sa rampe de « glissement ». Et encore aiguillé par le plus fainéant d'entre nous, moi en l’occurrence, nous avons fait au moins fatigant .
Dans des tunnels creusés sous la semelle de Grotesque, nous avons glissé des tronçons, des malheureux arbres déjà victimes de l'homme.
La culpabilité de Muriel devant ce saccage s'est vite envolé lorsque Blaise lui a assuré que les troncs seraient recyclés pour cuire les prochaines victimes de Léo.
Cette rapidité à faire taire sa conscience écologiste lui a valu la remarque de Blaise :
- Si pour nous, le cerveau est juste sous la ceinture, pour toi il est juste au dessus...

Une fois les troncs en place , leurs extrémités libres en appui sur d'autres tronçons perpendiculaires, il faut passer à l'étape suivante.
- Bon ! Maintenant l'on retire le sable entre les troncs, décide Blaise
- Tu es sûr de tes calculs ? S’inquiète Muriel
- Trois fois que tu me le demandes ! s'emporte Blaise.
Devant la tension, courageusement, comme à mon habitude... je m'éclipse.
- Eh ! Patrick te sauve pas, m'interpelle Claudie.
- Non, mais il faut que je dépose le gouvernail et les hélices, tentai-je de me justifier.
L’enthousiasme délirant de Blaise doit être contagieux, je ne trouve plus insurmontable la possibilité de déplacer Grotesque jusqu'à son élément naturel... tout là bàs.
Alors autant éviter de massacrer safran et hélices dés l'opération « horizontalité ».

- Mer.. ! Mer.. ! Fait chier !
Quatre paires d'yeux étonnés me dévisagent depuis le dessous de la coque, seule Claudie, n'a pas tourné la tête, elle ne la tourne pas non plus pour lâcher :
- Ne vous affolez pas, c'est sa manière de travailler, il doit faire une allergie... persifle t-elle.
A croire que le caractère des rouquins déteint sur notre groupe, depuis leur arrivée ils ne font rien d'autre que de manger NOS réserves, dormir ou critiquer, à tel point que je crois parfois deviner des envies de meurtre même dans les yeux de Moustique .
Finalement, la douille de 52 vient à bout des écrous d'hélice, puis c'est au tour de l'arrache moyeux de sortir vainqueur, dans un grand  « blang » métallique de son duel avec le cône et la clavette des lignes d'arbres.
- Sans sa paire... d'hélice, il fait tout de suite moins viril, nargue Claudie.
- Sans sa qu.. caudale ça va être pire, continue Moustique sous un :
- Ooohhh Moustique ! Outré de tous
- Gaelle, tu es contagieuse ! S'alarme Claudie
- Laissez la caudale de Grotesque tranquille je m'en charge
- Ah bon !? Tu es ...
- STOP ! Coupai-je Gaelle

Après tous avoir bien sué, malgré la fraîcheur relative des tropiques à cette époque, le moment, redouté par certains, espéré par d'autres ; le moment où « il va falloir le faire… arrive.
- Je m'occupe de gréer les palans avec Claudie, décrétai-je
- Nous fixons les chaînes, continue Blaise
Les deux énormes palans six brins, embarqués dans le but de nous hisser sur quelques plages gelées du grand nord Canadien vont être mis à la torture pour tenter de nous faire glisser d'une plage tropicale. !
- Tu te rends compte Blaise c'était pour le nord et...
Blaise me coupe :
- Le problème ce n'est pas le lieu, qu'ils te servent sous les tropiques c'était du domaine du possible... mais qu'ils soient utilisés 15000 ans avant d'être fabriqués, là, là...
- Bon, le choriste, au lien de nous donner le la, donne nous la clef à molette que l'on serre ces manilles l’interrompt sa femme.
-Euh !? Normalement c'est à Moustique de courir partout pour nous ramener les outils, tente timidement Blaise.
- Ah ! Ca y est tu avoues que c'est toujours moi qui suis de corvée, lui claque Moustique.

Vaincu, Blaise gravit l'échelle pour aller chercher la précieuse clef.
Deux heures plus tard, nous mettons les palans en tension, vérifions. Puis, seuls Blaise et moi restons à bord de Grotesque.
- Par sécurité, tente de justifier Blaise.
- Tu es sûr que ce n'est pas pour alléger ? Interroge menaçante Muriel
- Mais non chérie, même toi par rapport au poids de Grotesque...
- Quoi « même » moi ? Tu peux préciser ?
- Bon éloignez vous , nous allons tendre au maximum, coupai-je .

Nous avons fait de notre mieux, les cordages des palans, amincis et durs comme du bois...
- On ne peux tirer plus, concède Blaise
- C'est exactement ce que je reproche aux hommes : ils peuvent toujours moins que ce qu'ils prétendent, nous achève Gaelle.
Nous nous regardons avec Blaise, vaincus par tant de mauvaise fois... quoique ?
- Pourtant, l'on doit bien tirer chacun 20 kgs, multiplié par 65 grâce aux gentils pignons du winch, multipér par six par les palans, même avec... combien 25% de perte dû aux frottements cela doit le faire… avec près de 12 tonnes de traction, marmonne Blaise déçu.
- Devait, devait le faire, semble conclure Claudie.
- En mouillant ? propose Gaelle
- Si tu parles des cordages, je ne pense pas que cela ait le moindre effet, nous ne sommes pas sur la place St Marc en train d'ériger une colonne avec du chanvre ou du sisal.

- Et les troncs ? Ajoute Moustique
- Ils sont verts et puis on ne va pas sacrifier de l'huile irremplaçable, précisai-je
- Et celle de vidange, questionne Muriel
- Même de vidange ! C'est irremplaçable. Celle de vidange l'on va la filtrer, la décanter, la centrifuger... Enfin je ne sais pas comment mais il faudra bien quelle reprenne du service. Nous n'avons que deux tonnelets de 56 litres, soit trois vidanges pour les deux moteurs. Pas question d'en perdre une seule goutte, les vidanges toutes les 200 heures, il va falloir oublier...
- Ce qui est rassurant c'est que tu raisonne comme si Grotesque était déjà à l'eau, par ce que pour l'instant...me tempère Muriel.
- Peut être l'ancrage ? S'interroge Blaise
Afin de laisser les extrémités de Grotesque libres de pression, nous avons amarré les palans aux puits de dérives, cela en souvenir de la technique employée par les pêcheurs de Lipari ; sur leurs barques le palan n'est pas fixé sur l'étrave, n'y même au brion, mais de chaque bord vers le milieu, ce qui permet à l'étrave de soulager lorsqu'ils tirent leur barque à terre.
- Sur l'aileron de gouvernail, me propose t-il
J'hésite ; en théorie, l'épaisseur de la tôle, la section du profil, les renforts qui le nervurent depuis le talon jusqu'aux varangues... en théorie, oui il est assez solide.
- Bon d'accord, attention je mollis...
- Déja !? me coupe Gaelle
- Gaelle ! Lance découragée Claudie.

Nous voilà, à nouveau, suant sur ces satanés manivelles au rythme du cliquetis bien huilé de la mécanique... jusqu'à « peut pas plus ».
Et « peut pas plus » est à nouveau atteint sans que rien ne bouge.
- Point positif : l'aileron est resté en place, plaisante Moustique.
- Et si on vous aidait ? propose narquoise Gaelle.
Le regard éloquent que me lance Blaise résume notre pensée commune :
« Allez encore un effort, au cas où, sinon l'on va en entendre parler pendant des années ».
Alors, dans un dernier sursaut d'égo vexé, nous bandons de concert nos vieux muscles pour gagner encore un cliquet, deux cliquets... nous avons failli tomber sur le cul , Grotesque a brutalement consenti à glisser sur son slip de fortune et a sèchement planté son aileron dans le sable en bout de course !
- L'aileron ? M'inquiétai-je
- C'est plutôt le palan le problème on va se faire ch... pour le sortir de là, constate Muriel
- Au moins maintenant l'on pourra remplir les verres à ras bord, positive Blaise avant d'ajouter :
- Un grand rhum pour l'équipage ?!
- Tu ne veux pas, qu'en plus de partager NOTRE nourriture, NOS vêtements, l'on partage notre cognac ?!
S'indigne Gaelle.
Décidément, l'ambiance a du plomb dans l'aile depuis l'arrivée des rouquins.
Le rituel du « rhum » a lieu quand même, il faut bien fêter ça, mais devant la portion pour six divisée par huit, certains font grise mine en regardant le fond de leur verre.
Et je crois entendre leurs réflexions :
- Accueillir d'autres membres dans le groupe, pourquoi pas si le bilan est positif, mais les rouquins, pour l'instant, coûtent plus qu'ils ne rapportent...
Pour m'éloigner de cette ambiance pesante, je pars m’asseoir dans le cockpit de pêche enfin de nouveau horizontal.
Adossé contre le pavois tribord, je m’apprête à profiter du spectacle du soleil couchant ; finalement, elles ont eu raison d'insister, cela devenait pénible d'être sur le cul, les bols à moitié pleins qui débordent, assis sur une fesse... Oui !quatre jours de boulot ce n'est pas cher payé.
Cette journée se termine bien, enfin aurait du bien se terminer...si je n'avais pas voulu contempler ce satané
soleil couchant !

" Seuls les paranoïaques survivent "
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