Juste une précision ,comme ecrit au début ce "délire " date de l'hiver 2004 donc comme la formule consacrée :" toutes ressemblances avec des films série, personne ou faits serait le plus pur fruit du hasard "
"Vous avez vu, c'est moi qui lai attrapé" !
- C'est bien mon Léo, le félicite Claudie.
- Faudrait pas trop l'encourager, je crains pour les poules de Blaise, s'inquiète Muriel.
- Il y a un harem ? Tente de plaisanter, sans succès, Gaëlle.
- Au lieu de plaisanter, tu t'en charges ? La rabroue Muriel.
- De Blaise ?
- Du Rongeur.
- Ah ! Euh ! Moi, les poissons, autant que tu veux, mais les poils, pas question !
- C'est la barbe de Patrick qui te gène, ironise à son tour Claudie pour nous détourner de l'embarrassante décision, pour nous humain du 21e siècle égaré ici. Celui qui se chargera de ce premier mammifère devra sans doute se charger de tous les suivants.
- On dirait un Capybara , un rongeur d'Amérique du sud, en plus petit précise Blaise.
- Tu veux le ... Commence sa femme.
- Non, la coupe t-il aussitôt.
Des sept présents autour de la dépouille, seul Léo est capable de se charger de la suite.
Devant l'absurdité de la situation, seuls une peau et des intestins nous séparent d'un repas de fête. Je laisse échapper les mots :
- Je vais le faire.
Cinq gros soupirs de soulagement salut ces quatre mots. Trop tard pour les rattraper.
Tout le monde s'empresse de m'aider pour que je ne change pas d'avis.
- Je t'affûte le couteau, lance Blaise.
- Je vais te noter la marche à suivre, propose Claudie.
- Il faudra mettre le cœur et le foie et ...
Gaëlle s'interrompt. Est ce dû au coup de coude de Claudie,qui se voulait discret ou bien ai-je commencé à changer de couleur ?
- Au moins toi, si tu crèves quelque chose, tu ne seras pas incommodé par l'odeur, croit bon de préciser Blaise qui revient déjà avec son couteau.
- Bon, je vais aller faire ça à l'écart pour vous épargner le spectacle, ajoutai-je hypocrite, alors que c'est surtout pour qu'ils ne voient pas la tête que je risque de faire.
- Tu oublies les plats et mes notes, m'interpelle Claudie.
- Si tu veux je viens pour te lire les notes, propose Moustique.
Voilà comment on se retrouve en haut d'une plage à obéir aux conseils d'une gamine.
- A DETAILLER la procédure (voir livre).
Finalement, le secret c'est s'appliquer à faire des gestes précis sans penser à ce que l'on fait. Espérons tout de même que Léo modérera ses exploits, je ne me vois pas faire ça tous les jours.
Une ou deux bouffées de chaleur m'ayant submergé lorsqu'un tendon ou un viscère m'ont rappelé ce que je faisais ...
- Tu vois, ce n'est pas si compliqué, conclut Moustique à la fin de mes exploits avant de s'informer :
- Tu crois que les intestins peuvent servir à quelque chose ?
- Instrument de musique, corde d'arc ? Mais nous n'en sommes pas encore réduits à ça... Enfin j'espère.
- C'était facile, insiste t-elle me gâchant presque la fierté d'un dur devoir accompli.
- Arrête ou la prochaine fois c'est toi qui t'y colleras, la menaçai-je avant de ramener fièrement la "bête" sur son plat.
- Et le persil dans les oreilles ?
- Jamais content.
- Et le bois ?
C'est vrai, pressé de montrer notre récolte, nous n'avons pas ramené la plus petite brindille.
- De tout façon, c'était trop tard pour ce midi, il sera aussi bon ce soir.
Rôti comme un petit cochon, il fut le soir même bien plus que bon.
- Léo, la prochaine fois, choisis en un, un peu plus gros, conclut Muriel en se léchant les doigts à la fin du repas.
Du rongeur qui, ce matin allait heureux dans le sous bois, il ne reste plus que quelques viscères enterrés, quelques os refusés à Léo et une peau que Blaise va tenter de tanner.
- Pour voir, a t-il précisé.
Tout le reste a disparu dans nos intestins repus.
Doux moment de béatitude, ventre plein, propice à la somnolence, brusquement interrompu par le cri d'Isabelle.
- Le baro !
- Décidément ; bon on le fait maintenant, décidai-je à regret en me levant péniblement.
Il est certaines positions qu’il vaut mieux éviter, l’age venant …Une fois dans la timonerie, j’observe avec application mais surtout avec une loupe le trop plein entrelace du papier millimétré où le stylet du barographe a laissé une fluctuante courbe violette, essayant de retrouver avec précision la pression enregistrée à neuf heures hier matin :
- Environ un petit 1018 millibars, notai je.
- Donc 12 millibars, soit environ 96 mètres d'écart !
- La mer est si basse ? Demande Isabelle.
- Actuellement, l'Angleterre n'est pas une île, précise Blaise.
- Il faudrait trouver dans l'encyclopédie une courbe assez précise pour savoir.
- Précis à quelques siècles près ? S'étonne Isabelle.
- On ne pourra pas faire mieux.
- De toute façon, ça changera quoi ? Demande Claudie avant d'ajouter :
- Moi, ça ne m'empêchera pas de dormir. Allez, bonne nuit.
Clairement, cela ne m'a pas empêché de dormir non plus. Ce matin, mes courbatures ont disparu et levé aux aurores, je suis tranquillement assis sur le pont à regarder le jour se lever en compagnie de Léo lorsqu'à nouveau se fait entendre le fameux grésillement, suivi cette fois par un claquement de bubble-gum trop gonflé.
Aussitôt, Léo contourne le roof pour aller humer l'air de l'autre bord. Pour ma part, je traverse la timonerie, saisissant au passage les jumelles et par la port bâbord, j'observe dans la lumière rasante du petit jour le point de la lisière où sont déjà apparus graines et rongeur. En songeant amusé :
"Et si c'était une vache laitière ? Comme implore Muriel".
Mais la créature qui m'apparaît me laisse un moment perplexe. Pour la tête, cela ressemble énormément à ... un léonberg avec tous les attributs de la race : masque, crinière, oreilles tombantes... Mais après la crinière, plus rien. Plus rien de commun, cela ressemble à un caniche tondu trop court ou à un chien nu du Mexique pour finir par une queue en panache de Léonberg. J'hésite, pas léo dont l'émoi confirme qu'il a bien reconnu un congénère. J'affale l'escalier et imprudemment je me dirige seul avec Léo vers la bête qui ne bronche pas, plantée sur ses pattes, sans lueur dans les yeux…
Arrivé à quatre mètres de l'apparition, Léo stoppe pour observer ce curieux chien qui ne répond même pas aux battements effréné de son panache. Est-il, pardon, est-elle morte, empaillée, droguée, hypnotisée ? Il s'agit bien d'un Léonberg, mais quelqu'un la complètement rasée de la crinière à la queue. Soit ils sont fous, soit il s'agit de quelque mode stupide du futur. Prudents, nous approchons encore un peu de l'animal ; une lueur semble briller loin loin au fond de ses yeux endormis. Un :
- Ça ne se mange pas ! Déçu dans mon dos me fait bondir de trouille.
- Ça pourrait, précise lugubre Blaise.
A voir le regard outré qui lui lance Léo, on jurerait qu'il a compris.
- Moi vivante, jamais nous ne mangerons du chien, notre allier, notre ami depuis des millénaires, jamais ! S'emporte Claudie.
Toute l'équipe est là derrière moi, je ne les ai pas entendus venir, plongé dans mes pensées.
- Ils progressent, note Gaëlle.
- Oui, mais tu as vu ses yeux, on dirait que le cerveau n'a pas été remis à sa place, tempérai je.
- Z'auraient pu envoyer une vache laitière, regrette Muriel.
- Léo ne semble pas du même avis, se moque Blaise.
- Faudrait peut être l'attacher ? Propose Isabelle.
- Tu as raison... approuve Blaise, Isabelle ?
- Toujours moi, proteste t-elle avant de s'élancer vers Grotesque.
- Assez longue, criai-je à son intention.
En attendant son retour, nous nous approchons pour mieux détailler la tonte.
- Et bien elle, elle avait un bon rasoir, constate Gaëlle nostalgique.
Dès le retour d'Isabelle, je glisse un nœud coulant autour du cou de la chienne en prenant soin de faire une demie clef sur la gueule avec l'autre extrémité.
- Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop, proteste Claudie.
- Je vais l'ausculter, propose Gaëlle.
- Elle vit au moins ? S'inquiète Isabelle.
- Elle respire très lentement, son cœur à peine audible, la pupille réagit au ralenti et sa peau est glacée. Mais elle vit... pour l'instant, énumère Gaëlle avant de s'exclamer :
- Oh les barbares ! Son dos et ses flancs sont totalement scarifiés par des milliers de cicatrices.
- Je suis sure que c'est encore une mode à la con, s'insurge Claudie.
Chaussant mes lunettes, je me penche sur la peau martyrisée. Des milliers de minuscules mots me sautent au visage : cette chienne est un parchemin vivant.
- Comment ont-ils fait cela ? Questionnai-je.
- Micro laser ... ? Émet Blaise
Il y a là toute une histoire à découvrir.
- Tu crois que l'on peut la déplacer ? Demande Claudie.
- Elle est glacée, mais pas congelée au point de se briser, tente de plaisanter Blaise.
Pourtant, c'est l'impression qui se dégage de cette statue de chair : la décongélation.
- La paupière droite a bougé, nous informe Isa qui, assise face au molosse, l'observe dans les yeux.
Pour un peu, on s'attendrait à voir de l'eau s'écouler doucement pour laisser place à la vie.
- Peut être une sorte d'hibernation ?
- Ben ma mémère, il va falloir te dépêcher de décongeler parce que moi je ne vais pas te porter ! Lançai-je.
Et bien, j'avais tord, c'est bien moi et Blaise qui avons porté Mémère jusqu'à côté de Grotesque sous l’œil plein d'incompréhension de Léo.
"Comment la gente canine peut-elle rester sourde au charme naturelle du seigneur de ces lieux ? " Semble me demander son regard perdu.
Il faudra trois heures pour que le pouls et la respiration retrouvent un rythme normal, trois heures que nous avons mis à profit pour déchiffrer (en nous relayant) tout le flanc droit à l’aide d’une loupe. Une lecture que nous aurions préférée ne pas faire. Elle avait pourtant commencé par une bonne nouvelle :
Augusta le 08 novembre 2084.
- C’est en français ! S’était exclamée Isabelle, première à s’atteler à la lecture.
- Normal, Mémère nous est adressée car Ils savent que nous sommes là, donc ils savent forcément que nous sommes français.
Et puis, nous avons appris tout le reste, la guerre depuis des décennies, les milliards de victimes pas toujours innocentes, les épidémies, les manipulations génétiques,… et la probable imminente disparition de l’espèce humaine. Notre moral au plus bas, nous n’avons même pas le courage de retourner Mémère sur l’autre flanc pour lire la fin de la diabolique histoire
de l'humanité...
- Mais qu'espérent-ils de nous, lance Blaise......
Augusta le 09 novembre 2084.
Le personnel de la World Time Company est pris d'une activité fébrile, la tension palpable électrise l'atmosphère. Aujourd’hui, se joue le sort de la compagnie et à ,ce qu’aimeraient faire croire ses dirigeants, celui de la planète. Les principaux financiers du pays et les représentants du gouvernement se réunissent ce jour, dans cette ville du nouveau bord de mer où sont venus se réfugier une grande part des habitants, l'on devrait plutôt dire des survivants de Savannah.
Depuis 56 ans que dure la plus apocalyptique conflagration que la terre n'ait jamais eu à supporter. Tout a été modifié : frontières, climat, morale, justice et même l'ADN, 56 ans de guerre civile mondiale, pour être précis de guerre de religions mondiale.
Plus d'un tiers de l'humanité a déjà disparu au fil des décennies, tout ce qui pouvait être employé comme moyen de destruction l'a été depuis la fronde jusqu'à la bombe sale en passant par le bactériologique.
Il y a dix ans, la génétique a même été utilisée dans l'espoir de stériliser les adversaires... Depuis les enfants de moins de 9 ans font figure de miraculés. La jeunesse n'existe plus, décimé par les affrontements, les enfants ne seront bientôt plus qu'un souvenir. Et l'espèce humaine, après les baleines, les éléphants, à son tour va disparaître sous peu.
Depuis 12 ans, l'équipe de World Time parallèlement à ses activités militaires, mais dorénavant tout est militaire la guerre étant totale, a choisi d'exploiter une voix que beaucoup, pour ne pas dire tous, considéraient comme sans issue.
Ce 09 novembre doit, d'après les dirigeants de World Time, couronner ces 12 années de recherches secrètes ayant englouti des ressources que d'autres auraient préféré voir transformer en choses plus concrètes : gaz de combat, virus Ebola bodybuildé, enfin toutes choses nécessaire pour éliminer : Les Autres.
Le plus absurde, c'est que tout a commencé d'une manière inattendue : en Afrique, entre les Islamistes et ... des Chinois voulant protéger leurs intérêts sur ce continent fraîchement colonisé. Et la poudrière a explosé : violentes manifestations de soutien de par le monde, exactions, attentats, réactions, répressions... 56 ans que cela dure, deux milliards de cadavres de plus fertilisent la planète qui a la fièvre, se réchauffant bien plus rapidement que les versions les plus pessimistes le prévoyaient. Toutes les villes côtières ont disparu, La Hollande, le Bangladesh n'existent plus. Des centaines de milliers de personnes se sont déplacées fuyant la guerre, fuyant les épidémies, fuyant la montée des eaux pour finalement pourrir dans un fossé au bord d'une route ne menant plus nulle part.
Mais aujourd'hui, en accueillant ces VIP, Monsieur B. Perkins affirme qu'il a la possibilité maintenant d'empêcher cela. Il fait distribuer à chacun un virtuel book, en fait une feuille de polymère de format A5 qui se roule sur elle même pour prendre la taille d'un gros stylo, mais qui, une fois déroulée, reste rigide en partie par l’effet mètre à ruban et surtout grâce à son étui qui vient alors se clipser sur un des cotés. Monsieur Perkins, avec toute une mise en scène, glisse dans chaque étui une mémoire de la taille d'un confetti.
- Chers amis, je vous laisse lire ceci, je sais que cela vous paraîtra fastidieux mais c'est cela qui m'a poussé à entreprendre mes recherches dans cette voie qui semble impossible.
- Vous avez donc abouti ? Questionne ????
- Mais à quoi ?
- Lisez d'abord, conseille Perkins avant de s'éclipser, saisissant un virtuel book qui s’illumine et affiche une page au premier contact.
Chaque participant s'empare du virtuel book qui lui est destiné et dans la pénombre de la pièce, on remarque seulement les Virtuels books qui s'illuminent les uns après les autres avec pour toute source d'énergie la chaleur de la ou des mains qui le tiennent...
Dans les locaux du Word Time, devant son écran, Monsieur B. Perkins scrute avec désespoir les visages de ses hôtes qui, les uns après les autres reposent leur virtuel book.
A voir leur mine dubitative, il comprend qu'il court à l'échec, seul ce vieil excentrique de Borgan continue de parcourir son texte avec application, dictant des notes et des remarques au fur et à mesure de sa lecture. Mais son seul soutien malgré sa fortune, sera inutile. Lorsqu'enfin Monsieur Borgan pose son virtuel book, Monsieur Perkins prend la laisse «d'alpha » et se dirige vers, ce qui pour lui, est devenue une arène, sachant qu'il joue maintenant son va tout. Son entrée, suivi par ce Léonberg rasé ne suscite que quelques regards étonnés et la question pleine d'intérêts de Monsieur Borgan :
- Vous l'avez ramenée ?
- Non, je vous présente celle qui, dans moins de quatre heures, sera baptisée Mémère.
- Vous voulez nous faire croire que le roman...
- Ce que vous venez de lire n'est pas un roman, cette histoire a réellement eu lieu, le testament du professeur "Van Hoeck," le prouve, différents courriers des familles des disparus, leurs soudaines fortunes colossales, tout est vérifiable et a été vérifié. D'ailleurs, toutes ces pièces sont ici, avec les résultats : datation, authentification, qui leur sont propres.
La vitrine dévoilée n'attire l'attention qu'à deux participants : toujours l'excentrique Borgan et son jeune voisin du ministère de la Santé.
- Donc la première partie de l'histoire a été rapportée par un archéologue et la deuxième par ce fameux CD?
- Le CD a été retrouvé par nous à l'emplacement (maintenant submergé) de l'îlot où s'est retrouvé échoué "Grotesque", il était dans une enveloppe de feuille d'or.
- Donc un plaisancier laisse une antiquité informatique et vous, vous gobez le tout, attaque le représentant du Ministère des Armées.
- .... Un plaisancier riche car nous l'avons retrouvé avec une grande quantité d’émeraudes, tout ce qui a été décrit dans cette histoire nous en avons retrouvé les traces ; malgré la difficulté de ces recherches sous marines, nous avons tout retrouvé !
- Les boulets du hollandais sur le promontoire, mêmes les balles de . 50 ayant traversé les embarcations, la fosse commune sur l'îlot W, tout a été retrouvé, vérifié, s'emporte B. Perkins.
- Soit quelqu'un connaissait l'histoire du 16e siècle vous a fait une plaisanterie et vous avez foncé, ainsi que mon prédécesseur... Mais pour moi, il faut plus que quelques historiettes pour marcher. Je suis un militaire, il me faut du concret.
- Avez vous retrouvé des traces de Grotesque ou de son équipage ? Questionne, perfide, le représentant du Ministère de la Santé.
A ce moment là, B. Perkins réalise que le combat est perdu, l'évolution de son projet est condamnée ; plus inquiétant, il comprend qu'une taupe a clairement mis en évidence le point faible du plaidoyer. Rien datant de 15 000 ans n'a pu être retrouvé sauf ce vieux CD.
- Nous avons ce CD endommagé dont, en permanence, nous déchiffrons les informations et dont le contenu corrobore nos expériences. Nous avons bien essayé, trop confiants, l'envoi d'une souris il y a trois ans puis l’année dernière l'envoi des graines...
- Vous dépensez des millions de la Défense pour envoyer des graines 15 000 ans dans le passé, vous êtes irresponsable.
- Calmez vous, demande simplement l'excentrique, avec l'assurance des milliardaires qui savent que les ministres passent, les présidents aussi mais que eux restent.
- ...Et ce matin, nous allons voler avec ce chien jusqu'à notre base construite sur l'emplacement de l'îlot et devant vous nous allons expédier Mémère à côté de Grotesque, il y a exactement 14 772 ans..
- Faire disparaître un chien, la belle affaire, quel intérêt ?
- L'intérêt ! Vous me demandez quel intérêt, mais dès que nous pourrons envoyer des hommes nous pourrons par exemple éliminer les causes de nos malheurs.
- Tuer les prophètes ? S’inquiète le représentant de l'Église.
- Prévenir les chercheurs de l’erreur de manipulation génétique qui a stérilisé le monde entier.
- Est ce un malheur pour Gaïa ? Murmure pour lui même l'excentrique.
- Nous pourrons tout éviter, toutes nos erreurs.
Le représentant des Armées, soudain intéressé par des frappes préventives dans le passé, semble moins hostile à B. Perkins lorsqu'il lui demande :
- Pourriez vous expédier des commandos 60 ans en arrière ?
- Pour l'instant nous avons confirmation à la lecture de CD que nous allons réussir "l'envoi" de Mémère en 14 772 ans dans le passé.... mais nous avons de grosses difficultés à décoder la suite.
- Vous n'arrivez pas à restaurer un malheureux CD, confiez le à l'armée et nous ferons ça.
- Écoutons la suite, intervient à nouveau Borgan.
- Nous savons que cette chienne va arriver physiquement intacte, mais nous ne saurons qu'après restauration de la suite si son cerveau n'a pas été lésé.
- Supposons que les cerveaux résistent, ceux de l'équipage de Grotesque ont bien résisté, même si à les lire, parfois j'en doute. Donc, pouvez vous expédier mes hommes 60 ans plus tôt, oui ou non ?
- .... Pour l'instant, nos transferts sont immanquablement arrivés en moins 14 772 .... Nous avons essayé d'autres options, sans succès, rien n'a disparu !
- Vous ne pouvez choisir la date ?
Perkins va bien être obligé de réfléchir à la deuxième faiblesse de son projet.
- Actuellement ... non. Il y a encore une cicatrice, une balafre dans l'espace temps qui, inexorablement, canalise nos envois vers Grotesque et…
- Pour résumer, vos coûteuses recherches nous sont parfaitement inutiles, le coupe le militaire.
- Mais j'ai bon espoir qu'un jour nous serons capables, non seulement de choisir la date, mais aussi d'expédier du matériel, de miniaturiser le procédé pour permettre l'aller et retour et ainsi ouvrir les portes dans différentes époques cruciales...
- Un jour, un jour ! Comme vous ne savez pas que le temps de l'humanité est comptée, il faudrait être capable de réaliser cela aujourd'hui, demain après demain, il sera peut être trop tard. Je rejoins le général, vos expériences gaspillent trop de ressources, il faut les arrêter.
A la surprise générale, B. Perkins n'insiste pas et se résigne comme s'il avait su dès le début que ce jour signifiait la fin de son rêve de rétablir un monde meilleur.
En quelques minutes, la pièce s'est vidée, ne reste plus qu'un B. Perkins abattu, tenant toujours en laisse un chien ridiculement tondu, et Monsieur Borgan, toujours assis, attendant on ne sait quoi.
- Vous le saviez ? Finit par demander Borgan.
- Je le craignais mais ...Répond B. Perkins.
- Non, ne mentez pas ! J'ai menti toute ma vie et je sais reconnaître le mensonge.
- S'ils avaient accepté....
- S'ils avaient accepté et que vos recherches aboutissent, vous nous auriez pas montrés un chien que vous allez envoyé dans le passé, mais plutôt un message, ou mieux un de vos assistants que vous vous seriez envoyés du futur, non ?
- Toutes ces années, toutes ces sommes colossales pour se retrouver avec un chien au bout d'une laisse... A quoi bon l'expédier ! Se désole B. Perkins.
- Mais pour que l'on sache que cela a réussi, pour que l'équipage de Grotesque l'écrive et qu'ils sachent se qu'il advient de leur monde ... Avez vous gravé sur Mémère, quelle idée ils ont eu de l'appeler Mémère, avez vous écrit que leur pays n'est plus qu'un noman's land irradié par les destructions de toutes les centrales nucléaires ?
- Non ... Je n'ai pas eu le courage de leur dire toute la vérité, s'excuse Perkins.
- Vous leur avez quand même dit qui vous étiez ?!
- ...Ah ! Vous savez ..? Laisse échapper Perkins.
- Mes services sont plus efficaces que bien des gouvernements Monsieur Blaise Perkins. Donc votre mère était la fille cadette de Blaise et de Muriel ; je comprends votre acharnement à renouer le contact avec des grands parents inconnus.
- Vous êtes injustes, vous savez que ce n'est pas ma priorité, toute la fortune qu'ils m'ont laissée a disparu dans ce projet que je savais viable et pour cause. Depuis les révélations du professeur, ma famille sait que le déplacement dans le temps est possible ! Et ces imbéciles de généraux et de technocrates ignares me coupe tout espoir de mener cette aventure à son terme. Stupides, ils ne voient pas les possibilités, ils veulent des morts par milliers tout de suite, ça c'est du concret. Ils ne voient pas que Word Time pouvait être plus efficace que tout leur arsenal...
- Trop efficace peut être, malheureusement les informations que j'ai laisse à penser que nos adversaires, conscients de leurs prochaines défaites préparent un acte Kamikaze à l'échelle planétaire.
Leur credo est en sorte : "Si nous ne pouvons soumettre le monde, détruisons le !"
B. Perkins a 52 ans, n'a aucune famille pour qui s'inquiéter, aucun proches en dehors de ses collaborateurs et finalement la fin programmée de l'humanité le laisse dorénavant de marbre, fataliste, la conscience tranquille ayant fait le maximum. Pendant quelques minutes, il semble parler tout seul ; en réalité, il informe tous ses collaborateurs de l'échec et la fin du projet Word time, les laissant tous libres de rejoindre leurs proches. Seule, une poignée de fidèles, le noyau dur du projet, le rejoint.
- Ça ne vaut même plus le coup d'envoyer Mémère visiter la préhistoire, remarque Cécile, une petite boulotte aux cheveux tristes.
- Pas question, intervient vivement Borgan.
- Tiens ! Némo qui s'énerve, murmure Adrien 36 ans, véritable caricature de l'intellectuel de génie : yeux ronds derrière des lunettes de myope, cheveux ébouriffés et toujours une antédiluvienne calculatrice à la main.
- Comme ça, même les chercheurs cèdent à la mode des sobriquets ? Interroge Borgan/Némo.
Adrien bafouille, s'empourpre, surpris par l'acuité auditive de Borgan.
- Non, ..... C'est à dire ...Depuis que vous vivez dans ce sous marin...
- Je sais, depuis dix ans que j'ai choisi ce mode de vie, je sais tout se qui se dit sur moi, ma parano a toujours fait rire... Mais aujourd'hui, poursuit-il soudain grave, aujourd'hui ...Une seule chose compte pour moi : épargner à mes deux enfants l'apocalypse inévitable qui demain...
- Demain ! Ne peut s'empêcher de sursauter Dimitri, le bras droit de Blaise Perkins, qui a 55 ans voûté, les cheveux rares et le poil et les yeux gris, semblant usé par des années passées courbé devant son ordinateur .
- Demain, dans une semaine, un mois ... On ne devient pas milliardaire et surtout on ne le reste pas sans un très bon réseau de renseignements. Je peux vous confirmer que c'est imminent, poursuit Borgan devant les derniers fidèles de Word Time, sans doute plus impressionnés par les hésitations, les silences de Borgan que par ses propos alarmants.
Mais un homme de cette trempe, qui a bâti son empire sans faiblesse, rare de paroles, le voir hésiter, voir sa carapace se lézarder, le sentir ... humain, c'est cela le plus effrayant. Borgan reprend enfin :
- Je suis là pour vous proposer le marché suivant : tant que le monde existe, je finance vos recherches mais pour cela vous devrez embarquer à bord de mon submersible.
- Nous risquons d'être à l'étroit pour nos expérimentations, proteste Perkins.
- Je connais exactement vos besoins, et tout est déjà prêt, tranche Borgan. Rares sont ceux qui connaissent la taille exacte de mon navire mais je vous assure que la place, l'équipement, l'énergie tout est disponible à bord, à volonté.
Nouveau silence troublé de Borgan qui reprend :
- 2e. Comme convenu, Mémère doit être renvoyée vers la préhistoire. Le décodage de CD doit être accéléré, nous devons comprendre en espérant que ceux de Grotesque en parlent si le cerveau de Mémère a souffert du transfert. Dès que nous saurons cela, je vous donne 15 jours, vous expédierez mes deux enfants…
- Quoi ! Mais nous ne serons pas prêts en 15 jours ! S’exclame Cécile.
- Envoyer des humains alors que nous n’avons, enfin nous allons seulement expédier Mémère, c’est criminel, proteste à nouveau Perkins.
- C’est les laisser ici maintenant qui serait criminel, tout a été pesé et décidé avec eux…
- Mais des enfants…
- Ce ne sont plus des gosses ! Ils sont prêts, ils ont eux aussi des messages scarifiés sur leur corps...
- Quoi ! Mais c'est, c'est... s'insurge Cécile.
- Quand il est question de survie, tout cela n'est que détails, assène Borgan. Une formation intensive avec les meilleurs, ils sont prêts... (Je l'espère)... et nous n'avons plus de temps ! Nous parlons de voyage dans le temps et c'est le temps qui nous manque... Quelle ironie ! Finalement, une fois mes enfants en sécurité, nous essaierons d'achever votre projet à bord.
- Achever mon projet ?! S'interroge B.Perkins à haute voix.
- Bien sur, continue Borgan redevenu le décideur, le meneur d'hommes qui depuis 70 ans a tracé sa route, tout droit, taillant dans le vif si nécessaire. Premièrement : vous miniaturisez le Word Time, deuxièmement : vous induisez la réversibilité du transfert, troisièmement : vous rendez possible le transfert de matériel, d'équipement et quatrièmement vous expédiez un Word Time en 14772 plus tôt vers mes enfants...
- Mais nous sommes à des années de réaliser tout ça... murmure Dimitri avant d'ajouter,
- Si nous en sommes capables un jour.
- Sans parler de l'énergie colossale nécessaire à chaque transfert, s'affole Adrien en laissant les doigts de sa main droite virevolter sur le clavier, touches anonymes usées par la frénésie calculatrice du chercheur.
Personne ne comprend son attachement à une telle antiquité, il lui suffirait d'enoncer le calcul et son ordi lui murmurerait tendrement (il la doté de la voix langoureuse d’une célèbre actrice) le résultat à travers son implant auditif.
- Arrête de jouer avec ton boulier, se moque Cécile.
Borgan reprend :
- Tant que la base des Bahamas fonctionne nous l'utiliserons, je crains qu'elle ne soit opérationnelle bien longtemps, pour expédier Mémère et mes enfants ; puis nous utiliserons les ressources de mon sous marin...
- Mais même ceux que Patrick et ses amis appellent "Ils" ne peuvent transférer : 1° que vers le passé, du moins à notre connaissance, et 2° sans déplacement de lieu.
- C'est pourquoi j'ai, entre autre, scarifié deux points de rendez vous sur la peau de mes enfants pour les éventuels transferts ultérieurs. Si vos recherches aboutissent et si nous en avons le temps, nous pouvons accueillir à bord huit chercheurs et leurs proches. Mon offre est simple : poursuivre vos recherches sur les axes indiqués et vous bénéficierez de toutes les ressources que je pourrais apporter... Et surtout nous aurons quelques années de survie en plus.
- Pardon ! Vous voulez dire que ça y est, l'apocalypse est là, ou vous essayer d'influencer notre décision, d'aller s'enfermer dans une boite à sardines, doute Cécile.
- Pensez ce que bon vous semble mais je précise que mon sous marin qui est le plus grand construit à ce jour par la Navy est plutôt une boîte à baleines, un arche moderne. Je l'ai acheté
"Le Jour" et depuis dix ans, je n'ai fait que l'améliorer ; s'il existe un moyen de survivre à ce qui se prépare, je ne vois que celui là, si nous n'avions pas abandonné nos projets spatiaux... semble se murmurer à lui même Borgan, soudain perdu dans ses pensées.
Sans doute, l'évocation de ce qu'il appelle "Le jour", dix ans plus tôt, des commandos kamikazes ont pris d'assaut plusieurs quartiers résidentiels et ce jour là, Borgan à perdu tous ses proches sauf ses deux jeunes enfants de huit ans qui, réfugiés dans la Panic room, sont restés cinq jours, coupés du monde, seuls survivants de tout un quartier dévasté. Dix jours plus tard, Borgan rachetait l'ex US Roosevelt, sous marin trop grand, trop cher d'après la Navy mais rien ne résiste depuis à la parano de Borgan. Un quart de sa fortune engloutie dans le submersible qui reprenait la mer un an plus tard, après une refonte complète sous le nom de "Remember". Depuis, Borgan et ses enfants ne l'ont quitté qu'à de très rares occasions.
- Allons déjà expédier Mémère, coupe soudain B. Perkins. Cela laissera du temps à chacun pour réfléchir et nous verrons parmi la douzaine de collaborateurs du site des Bahamas, ceux qui accepteront. Pour ma part, vous avez déjà mon accord. Mais je persiste à croire qu'il est précipité de vouloir tenter d'expédier vos enfants si rapidement.
- Merci... Mais pour l'instant, seul le site des Bahamas existe et dans trois semaines, je crains que tout ce que nous connaissons n'ait disparu. Je ne veux pas courir le risque de ne plus pouvoir les transférer… Ils sont forts. Depuis "Le Jour", depuis onze ans, ils apprennent et ils s'entraînent dans un seul but : survivre. C'est leur chance, je leur dois cet espoir......
Vaincu, Perkins conclut :
- Direction Bahamas et la préhistoire pour Mémère.
" Seuls les paranoïaques survivent "